La nouvelle est tombée hier comme un couperet. Ahmed Badaoui, l’animateur de l’Association pour les libertés syndicales (ASL), a été arrêté par les services de police dans la nuit de samedi à dimanche, alors qu’il se rendait chez lui, à Tixeraine, située au sud-ouest d’Alger. Il venait d’assister à une réunion organisée par l’ASL à la Maison des ressources syndicales à Alger, consacrée à la situation en Tunisie. Hier matin, les policiers ont perquisitionné son domicile et emporté le disque dur de son PC. Jusqu’en fin de journée, aucune information sur les raisons de son arrestation n’a été officiellement donnée par les services de la police judiciaire de la sûreté de wilaya d’Alger. Nos nombreuses sollicitations sont restées sans réponse. Du côté de la Direction générale de la Sûreté nationale, le chargé de la communication a déclaré que Badaoui a été arrêté «sur instruction du parquet d’Alger pour ses activités liées aux derniers événements». En réaction à cette arrestation, un comité pour la libération de Badaoui (CLB) a été créé par des militants et syndicalistes.
Dans leur premier communiqué, les signataires ont fait état des circonstances de l’interpellation en rappelant que, deux jours auparavant, Badaoui avait transmis à tous ses amis un SMS, dans lequel il avait «exprimé son admiration pour le peuple tunisien et ses souhaits démocratiques pour l’Algérie». Ce qui, selon eux, lui a valu «le chef d’inculpation de tentative de renversement de l’Etat et du pouvoir». Ils estiment que «les mêmes idées ont été publiquement exprimées par des milliers de citoyens ainsi que par la presse. Deux jeunes, dont un décédé, viennent d’imiter la jeunesse tunisienne en s’immolant par le feu à Bordj Menaïel et Tébessa, pour interpeller l’opinion sur l’exigence du changement. Va-t-on donc accuser celui qui a survécu à cette tragédie de tentative de renversement du pouvoir '» Pour le comité, «cette accusation serait ridicule si elle ne nous rappelait pas la Cour de sûreté de l’Etat. Elle donne la mesure de l’affolement du pouvoir face à la révolte citoyenne qui grogne et souligne le degré de déliquescence institutionnelle atteint par l’Etat». Le comité craint pour la santé de Badaoui, en disant : «Persécuté déjà depuis cinq ans par une suspension de fonction arbitraire destinée à le punir pour ses engagements syndicaux, Ahmed Badaoui souffre de plusieurs graves maladies chroniques.
L’injustice, qui lui est faite, est d’un risque certain sur sa santé.» Face à ce qu’il a qualifié d’«arbitraire contre un patriote exemplaire», le comité exige sa libération «immédiate et inconditionnelle» ainsi que la cessation de ce qu’il dit être «un harcèlement judiciaire». Il appelle «toute» la corporation des avocats à se «mobiliser pour s’élever contre le déni d’opinion et imposer la libération de Badaoui, mais également l’opinion publique, exhortée à se solidariser avec lui». Pour sa part, le Comité de citoyens intercommunal de Aïn Benian et Staouéli (CCIC) estime que si Badaoui est accusé de «vouloir renverser l’Etat et le système, le pouvoir doit sûrement savoir que tout le peuple algérien est d’accord avec lui». De ce fait, le comité appelle lui aussi la population à «exiger la libération immédiate de Badaoui». A rappeler qu’Ahmed Badaoui est un cadre de l’administration des Douanes, au sein de laquelle il a suivi toute sa carrière en tant que syndicaliste avant d’être suspendu, il y a près de 5 ans, pour des raisons liées en grande partie à ses positions politiques. Il s’est illustré par son soutien à toutes les victimes de la répression, aux militants des droits de l’homme et aux syndicalistes opprimés. Il continue de faire les frais de son engagement.
Hier, en plus de ses proches, sa famille était toujours sans nouvelles. Des sources policières affirmaient qu’il devrait être présenté aujourd’hui au parquet d’Alger, après expiration du délai de 48 heures, de la garde à vue. Si les motifs de son arrestation, évoqués par-ci, par-là, s’avèrent vrais, il est vraiment à craindre pour l’avenir de la liberté d’expression en Algérie. Badaoui s’est exprimé lors d’une rencontre publique, consacrée aux événements en Tunisie. En tant que militant des libertés syndicales, il était en droit de faire le parallèle avec ce qui se passe en Algérie. Le sanctionner pour ses idées est une grave dérive…
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Posté Le : 17/01/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Salima Tlemçani
Source : www.elwatan.com