Algérie

Ah! si j'étais riche!



Ah! si j'étais riche!
«A pauvre coeur petit souhait.» Proverbe français
J'ai souvent discuté avec mon ami Hassan de l'angoisse qui saisit celui qui doit fournir tous les jours que Dieu fait, une chronique à offrir en pâture à des lecteurs qui sont sollicités par ailleurs. C'est l'angoisse de la feuille blanche, la terreur de tout écrivain qui ne veut ni verser dans la facilité ni dans la répétition ou la redondance. C'est à l'école primaire que l'élève, même le plus imaginatif, est souvent confronté à cette panne d'inspiration qui va le faire suer ou lui faire mordiller son crayon en jetant des regards furtifs vers son camarade de table dont la plume glisse sur la feuille blanche. Ce ne sont pas les regards désespérés vers un instituteur attentif qui scrute le comportement des élèves au travail, ni l'exploration profonde du plafond immaculé où la tâche noire d'une araignée à l'affut qui le tireront de ce mauvais pas. Cela est arrivé plus d'une fois aux élèves à qui l'enseignant a reproché tant de fois leur manque d'imagination. «Toi, Mouloud, tu me racontes toujours tes travaux aux champs avec ton frère Hocine. Tu n'as pas d'autres occupations'
Et toi, Larbi, je commence à bien connaître tes chèvres même si je ne les ai jamais vues. J'ai l'impression de relire toujours les mêmes textes. Je connais le grand-père d'Arezki qui possède deux vaches et un âne. Le champ d'Ahmed m'est aussi familier que la cour de l'école. Mais sortez, bon sang des sentiers battus. Ajoutez un peu de rêve à vos récits!»
L'excellent instituteur m'avait surpris un jour en pleine tentative de tricherie: pour remplir toute une page suite à une composition française à sujet libre, j'avais commencé, pour pallier mon manque d'inspiration, à écrire en gros caractères et à espacer plus que de raison les rares mots que j'ai eu de la peine à recruter. Ce jour-là, l'instituteur me fit une remarque désobligeante devant toute la classe en me disant que le «truc» était trop grossier. C'était la honte de ma vie. Je me rattrapai la semaine d'après quand le sujet imposé aux élèves fut: «Que feriez-vous si vous étiez riche'»
Allez donc raconter cela à des petits enfants qui vivent dans une misère, dans un village à l'horizon fermé par des montagnes! C'était tout simplement une invitation à un voyage dans un rêve que les plus sincères comptent peut-être concrétiser un jour. Si Dieu veut, naturellement. C'était une astuce de l'instituteur pour connaître les aspirations de chaque individu et en même temps une espèce de sondage sur la réalité sociologique du village. Les élèves issus de familles aisées produirent des textes où ils étalèrent leurs rêves de luxe tandis que les plus pauvres se limitèrent à exprimer de simples souhaits d'une grande générosité qui surprirent le pédagogue. Ah! si j'étais riche! C'est l'expression chère à tous ceux qui se sont trouvés un jour dans le dénuement ou dans une indigence humiliante. Des écrivains comme Rousseau ou bien des chanteurs comme Rebroff ont aiguisé leur talent sur un sujet en or: c'est une porte ouverte sur l'infini et sur le possible. Ce sujet m'est revenu à l'esprit en suivant d'un oeil distrait la campagne électorale qui se déroule en France et durant laquelle les candidats vont s'évertuer à promettre à des électeurs désenchantés de résoudre des problèmes qu'eux-mêmes ou d'autres hommes politiques n'ont pas résolus durant le mandat qui leur a été confié.
Certains problèmes ont été même aggravés par manque de discernement ou par aveuglement idéologique. Au lieu de multiplier meetings et interviews, on devrait demander aux candidats, comme à l'école primaire, d'étaler leur programme par écrit en commençant le texte par: «Si j'étais élu président...»


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