À bien observer attentivement la marche du monde cruel d'aujourd'hui, lui, qui est censé nous assembler et nous unir, il est bien évident qu'il n'y aura guère de place pour les pays faibles. C'est-à-dire, ceux qui n'auront pas su identifier leurs atouts et mobiliser leurs moyens. Encore faut-il préciser, que cet élan salvateur, requiert bien évidemment, de la synergie autour d'actions maturées et une volonté collective, exprimée en mode gouvernance choisie et affirmée.
Ce n'est qu'à ce prix qu'on pourra atténuer quelque peu, les effets pervers de cette mondialisation sauvage et inhibitrice, que nous impose l'empire arrogant et malveillant de la finance internationale, dans sa quête insatiable de toujours et encore plus, de profit sonnant et trébuchant.
De par sa toxicité sans limite, cette mondialisation imposée par la puissance de l'argent, empoisonne l'existence des gens. Elle porte atteinte aux équilibres des milieux de vie de bon nombre de communautés et par voie de conséquence, à la dignité des êtres humains dans ce qu'ils ont de plus précieux, à savoir: l'authenticité de leurs modes de vie et leurs cultures.
Au plan du principe, il est vrai que le développement durable est à considérer comme étant le meilleur moyen de préserver les intérêts des générations futures, et d'assurer la pérennité des êtres vivants à l'échelle de notre planète bien malmenée, faut-il le déplorer. Il est de ce fait, un style de gouvernance qui donne une meilleure lisibilité aux actions de tout État supposé être, stratège. Ce dernier a pour obligation : d'anticiper les risques et les effets négatifs susceptibles d'affecter la cohésion de sa société, son unité nationale et même son intégrité territoriale, si l'on n'y prête pas suffisamment attention.
Encore faut-il être, très vigilant par rapport à ce concept galvaudé à outrance par les occidentaux qui en usent et abusent, comme pour se donner bonne conscience, après avoir hypothéqué pour très longtemps, l'équilibre des écosystèmes, tel celui de la forêt amazonienne, porté atteinte à la couche d'ozone par effet de serre et désertifié tout le continent africain. C'est en effet, suite à la prédation de ses ressources forestières qui assuraient naguère, sa bonne couverture végétale, que ce continent est soumis à des érosions pluviales et éoliennes, d'où la perte de la fertilité de ses sols. Il est donc à se demander qui sont au juste, les véritables« sauvages » ! Est-ce les Africains et les Sud-américains, ou bien les Occidentaux leurs colonisateurs ?, qui de surcroît, avaient aussi un penchant génocidaire.
Chez-nous aussi, l'occupation française de notre pays sur plus d'un siècle, a laissé ses empreintes sur un territoire défiguré à travers ses espaces montagneux et ses parcours steppiques. C'est là, est dû à l'application du code infamant de l'indigénat et de l'utilisation du napalm qui a porté atteinte au patrimoine forestier, aujourd'hui réduit à une peau de chagrin (avec une couverture estimée à moins de 9%), malgré tous les efforts entrepris depuis l'Indépendance. France coloniale civilisatrice de peuplades sauvages, nous a-t-on dit !
Tout cela pour dire, que l'obligation de vérité nous amène à considérer la destruction des équilibres écologiques et le réchauffement de la planète, comme étant la conséquence des guerres coloniales, des appétits féroces des multinationales, du mépris des civilisations anciennes et de leurs technologies traditionnelles. Et cela perdure, depuis l'avènement de la révolution industrielle du 19ème siècle. Sinon, comment expliquer que l'Amérique, en « gendarme du monde », reste encore, le plus grand prédateur des ressources énergétiques et le premier pollueur de la planète ?
Cette ruine écologique orchestrée par l'empire du mal et dont la traduction est le réchauffement climatique, est une menace réelle pour la paix et la sécurité dans le monde. Il est donc à craindre, que dans leur quête de redressement de la croissance économique qui les obnubile au point de perdre le sens de la mesure, les pays industrialisés ne soient amenés à accentuer davantage, leurs pressions sur les écosystèmes fragiles, autrement dit, sur le patrimoine de l'humanité toute entière. Et dire que cela se fait bien évidemment, en dépit de la misère des plus démunis et de la famine qui a déjà atteint de larges pans de la planète, à l'échelle des continents africain et asiatique et des pays d'Amérique du Sud.
Cette arrogance des puissants est d'autant plus insupportable, qu'il est demandé aux pays pauvres, de surcroîts endettés, de restaurer les équilibres de leurs milieux écologiques au risque de pénalités préjudiciables à leur survie. « La raison du plus fort, étant toujours la meilleure », nous a déjà avertis, Maître De La Fontaine ! Il n'y a donc pas, de quoi s'en étonner outre mesure ! Tout le reste, n'est que ruse, faux-fuyant et bien sûr, propagande mensongère ! Aussi, importe-t-il de dire, que le développement durable ne saurait être une directive des plus forts, en direction des plus faibles.
Il se doit donc, d'être tout au contraire, une responsabilité partagée entre tous les peuples de la planète. Nous pouvons même dire, que dans notre position de victimes expiatoires en raison de la prédation sur nos ressources, nous Africains, sommes tentés de porter très haut le cri de notre colère, en disant, que ce diktat ne nous concerne pas. Faut-il rappeler à nos colonisateurs, que nos ascendants étaient à leur manière, précurseurs de ce concept avant leur arrivée chez-nous ?
Cette affirmation est étayée par l'attitude de ces êtres formidables qu'ils étaient et qui ont su donner un sens à leur existence, dès lors qu'ils ont su vivre en harmonie et en communion avec leur environnement et les ressources qui leur prodiguaient la survie. Ils avaient compris dans leur « galère » au quotidien que tout ce qui est rare, est précieux, parce que non renouvelable. C'était là, leur croyance !
Ils s'employèrent alors, à gérer les ressources naturelles en déployant des trésors d'ingéniosité qui au fil du temps, allaient donner lieu à l'émergence de technologies traditionnelles qui ont épaté bien des scientifiques, des chercheurs et des inventeurs des temps modernes. Tel est le cas du système traditionnel d'irrigation par foggara dans le Touat (Wilaya de Timimoun) et le Gourara (Wilaya d'Adrar).
Ce mode d'irrigation traditionnel intègre tout à la fois, la notion d'économie de l'eau de plus en plus rare, le principe d'équité dans la répartition de la ressource, la couverture des besoins essentiels de chaque élément de la société ainsi que la prévention des litiges, afin d'éviter que ne soient perturbées, la convivialité et la cohésion sociale de la communauté, alors que régies par le principe cardinal du vivre ensemble.
Cela est aussi le cas de la vallée du M'Zab, d'Oued Souf, des Zibans, d'Oued Ghir, de Meniaa et de la Saoura où furent érigés des systèmes oasiens millénaires dans un contexte hyper aride, à la faveur de la gestion parcimonieuse des ressources rares et de la conception d'un type d'habitat adapté à l'aridité du milieu. C'est ça le génie et c'est aussi cela, la civilité et l'esprit citoyen ! Cette parcimonie dans la gestion des ressources rares a fait de nos ancêtres, des êtres admirables qui ont utilement marqué leur histoire et participé à l'édification du patrimoine civilisationnel de l'humanité.
Rien à voir avec l'agriculture californienne de la « prospérité » en mode « trompe l'Å“il », développée sur la base d'OGM (organismes génétiquement modifiés) qui a fait chez-nous, des oligarques de notre « issaba »,ses émules. Ils ont entrainé dans leur sillage des gouvernants crédules qui se gargarisaient de satisfécits, de leurs prétendues réussites. Il est maintenant prouvé, qu'à la faveur de travaux scientifiques, qu'à 88%, les OGM ont été créés que pour augmenter l'utilisation aux pesticides, une des principales causes de la destruction des écosystèmes naturels. Cette pratique et en même temps, source de gros profits pour des multinationales, qui ne se soucient guère de la santé des êtres humains et encore moins de celle des animaux. Le plus grave est la perte de semences bien adaptées, d'où la régression de la biodiversité.
Le respect de la gestion communautaire des ressources sans hypothèque sur les intérêts des générations futures, autrement dit, la culture du strict nécessaire « el kanaa », est la meilleure forme d'expression d'une responsabilité partagée, par rapport à la permanence des valeurs et la survie d'une nation. Cette symbiose entre l'homme et son milieu, si bénéfique au bien-être social, à la durabilité et à la préservation des équilibres, s'est malheureusement effilochée au fil du temps, suite à cette négation des valeurs morales et des vertus d'antan considérées injustement, comme désuètes.
De nos jours, cela a laissé place à de nouvelles attitudes de narcissisme éhonté, faisant fi de la dégradation des ressources et de la spoliation de la chose publique. C'est ainsi, que de précurseurs de développement durable, nous sommes devenus à notre tour, nous aussi, prédateurs de ressources rares non renouvelables. Cette attitude s'est traduite par la reconversion de bon nombre de nos exploitations agricoles à fortes potentialités, en lotissements, hangars de divers usages, en aires de production et de stockage de matériaux de construction.
Cette spoliation des richesses de la collectivité nationale, s'explique par l'attitude laxiste manifestée à l'égard de bénéficiaires d'exploitations agricoles individuelles (EAI) et exploitations agricoles collectives(EAC), le plus souvent tentés par la recherche du gain facile. Et dire, que tout en faisant fi de la restauration du potentiel productif qui leur a été concédé aux fins de la pratique agricole, ils n'ont pas été déchus de leurs droits et poursuivis pénalement, pour détournement et destruction de terres agricoles de la nation.
Cette situation est d'autant plus déplorable qu'elle se conjugue aux effets des changements climatiques dont la traduction est la flambée des prix des produits alimentaires de première nécessité, tels les céréales, les légumes secs, le lait, les viandes, l'huile, mais aussi, des aliments du bétail et des petits élevages. Cet impact négatif sur le revenu des ménages est un signe de mauvais augure, qui ne peut laisser indifférents, non seulement les pouvoirs publics mais aussi et surtout, la communauté scientifique et technique plongée dans une sorte de somnolence sidérante.
Ceci d'autant plus que les disponibilités alimentaires à l'échelle planétaire seront de plus en plus réduites, eu égard à la forte demande des pays émergents, notamment la Chine et l'Inde. Selon la FAO, le Moyen Orient et l'Afrique du Nord sont tout particulièrement exposés aux pénuries d'eau. Une hausse de température de l'ordre de 3°C, pourrait entraîner un stress hydrique pour plus de 155 à 600 millions de personnes.
C'est pourquoi, la question des changements climatiques inquiète bien des pays et même ceux à climat tempéré. C'est ainsi qu'en France par exemple, l'on s'active déjà à développer des scénarii aux horizons 2050 et 2100, non seulement pour mesurer les effets de ce phénomène, mais aussi, pour élaborer des stratégies de prise en charge de cette question centrale.
Chez nous, la réaction par rapport à cette question doit être tout au moins comparable à celle de ce pays, bien qu'il soit mieux nanti en ressources hydriques. Elle est à inscrire comme risque majeur, d'autant plus que le ratio surface agricole utile par habitant n'est que de moins 0.2, que nos disponibilités en eau d'irrigation demeurent limitées et que notre sécurité alimentaire reste fortement dépendante des importations en produits alimentaires de première nécessité.
En l'absence d'une réaction énergique et dans l'attitude du laisser-faire, il est à craindre que notre pays qui risque d'être totalement inscrit dans l'aridité, serait dans seulement une ou tout au plus deux décennies, dans des situations comparables à celles du Soudan, du Mali, du Niger, de la Mauritanie d'aujourd'hui, ou tout au moins, des pays du Moyen Orient.
Dans cette situation, les modifications attendues de la géographie agraire tant au plan physique qu'économique, devraient s'accompagner par plus de paupérisation des populations pastorales et par des migrations massives vers les régions du Nord. Il n'est pas difficile d'imaginer qu'à la suite de cela, s'en suivra une quasi littoralisation du pays suite à des migrations climatiques, un effritement des solidarités et une menace durable sur la cohésion sociale et notre bien-être.
Ceci d'autant plus, qu'à ces migrations internes, devraient s'ajouter celles des pays subsahariens qui n'auront pour seul choix que de chercher encore et encore refuge dans les régions algériennes du Nord, relativement plus clémentes, dans l'attente du risque de l'aventure de l'immigration outre-mer (devenue de plus en plus difficile). Cette chimère qui entretient le rêve chez les démunis et les mal nourris, que l'égoïsme des pays riches a relégués au banc de l'humanité.
Ce scénario catastrophe déjà amorcé, ne cesse de s'amplifier dangereusement en l'absence de la mise en place d'un plan pluriannuel de grands travaux, à même de prévenir les effets pervers des changements climatiques. Il est une manière d'interroger les consciences et d'avertir les pouvoirs publics sur l'ampleur de ce risque majeur, sans pour autant ajouter à l'angoisse de nos concitoyens et sans verser dans le fatalisme.
Il est développé à titre pédagogique, pour dire que la variabilité du climat, du fait ou non de l'action de l'homme, est à considérer dès à présent par les pouvoirs publics et particulièrement par les départements ministériels en charge de cette question, comme une constante pour la mutation de notre agriculture qui doit se préparer à inscrire sa dynamique dans l'option incontournable de l'aridiculture. Tel est mon avis, sur cette question majeure !
*Professeur
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Posté Le : 24/10/2024
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Abdelkader Khelil*
Source : www.lequotidien-oran.com