Algérie

Aghourou



«L'insouciance ne s'improvise pas.» Raymond Radiguet
Sur quels critères devons-nous baser un quelconque jugement relatif à la gestion du pays, cinquante et une années après son saut dans l'inconnu' Car c'est une véritable aventure que de se voir confier la barre d'un navire où sont embarqués des tas de gens qui ont une confiance aveugle en équipage dirigé par un capitaine à poigne, mais qui n'a aucune notion de marine. Et c'est là où le bât blesse. On ne dirige pas une entreprise commerciale sans connaître les règles élémentaires de comptabilité tout comme on ne peut construire une maison fiable si on ignore les subtiles recettes concernant le dosage de sable et de ciment. C'est la raison pour laquelle il y a toujours une part d'improvisation quand un néophyte, après s'être imposé sur un chantier qui dépasse ses compétences, retrousse ses manches et, avec un sourire béat pour épater la galerie et/ou défier ses concurrents, commence avec l'assurance d'un expert aguerri, une tâche pour laquelle il n'a pas été préparé. Etre un patriote ou un syndicaliste est une chose, être un gestionnaire en est une autre. D'ailleurs, toutes les démarches et les stratégies qu'il adoptera le montreront: les contre-mesures succéderont aux mesures hâtivement prises et le résultat, ce qu'il devait être, un immense fiasco qui fera le bonheur de quelques happy few et l'écoeurement de l'écrasante majorité dont plusieurs générations paieront les pots cassés. Comment est-on arrivé là, peuvent se demander les naïfs ou les sycophantes qui ont été les gardes chiourmes de ces galériens modernes. Ce n'est pas la peine, une fois la constatation de la catastrophe faite, de chercher à situer les responsabilités: c'est une longue chaîne de solidarités et de complicités actives ou passives qui sont à l'origine de la tragédie.
Il y a eu tellement de conflits artificiellement créés pour servir d'écran de fumée à toutes les opérations douteuses, à toutes les manigances qu'on se perdrait en d'inutiles conjectures. On finit par tourner en rond en employant les inévitables «si», qu'on finirait par se retrouver derrière soi, c'est-à-dire nulle part.
Mais pour revenir à la première question qui est d'employer les critères qui permettent d'évaluer le chemin parcouru par un pays qui sort d'un système colonial manichéiste pour connaitre celui d'un système qui revêt l'habit d'arlequin, le choix est large: le taux d'alphabétisation, le taux de mortalité infantile, l'espérance moyenne de vie, le nombre de lits d'hôpital pour mille malades mal soignés, le nombre de mètres carrés couverts par un toit par tête de pipe, le nombre de véhicules, de téléphones portables ou fixes, la consommation de viande, de poisson ou de poulet élevé au grain, le revenu par habitant en devises sonnantes et trébuchantes selon les catégories sociales. Car, pour tous ces critères, tout le monde n'est pas logé à la même enseigne: certains individus nés sous une mauvaise étoile peinent à se payer un kg d'oignon sec tandis que d'autres sont obligés de jeûner pour soigner leur goutte, résultat des innombrables méchouis qui ont jalonné leur chemin. On peut aussi inclure dans ces critères le nombre de journaux invendables qui occupent des kiosques surchargés, l'influence de la publicité sur la liberté de la presse, la qualité des billets de banque, celui de partis uniques, le nombre de harraga perdus en mer, celui des Constitutions suspendues ou révisées, le nombre de milliardaires réfugiés à l'étranger avec un ou plusieurs passeports de secours... Comme vous le voyez, la liste est longue et non exhaustive. Il n'y a qu'un critère qu'on ne peut prendre en compte, c'est celui de l'indice du bonheur qui est carrément inaccessible tant les gens sont peu sincères dans leurs déclarations: ils disent tous «el hamdou lillah» mais ne se privent pas de râler tout au long de l'année. C'est dire que la mauvaise foi est la chose la mieux partagée dans un monde où elle et l'improvisation font loi.


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