Algérie

Agadez trop loin de Bruxelles



La Commission européenne propose une «réforme» de la politique commune de visas dans le continent, basée cette fois sur l'exigence d'une plus dense collaboration des Etats demandeurs en matière de réadmission des migrants expulsés.En clair, les Etats qui rechigneront à reprendre leurs ressortissants indésirables en Europe, avec la célérité souhaitée, verront leurs parts de visas drastiquement réduites. Et la procédure ne concernera pas seulement des harraga ayant brûlé leurs vaisseaux et pris la mer sans papiers, mais aussi des voyageurs réguliers que les attraits du Nord auraient maintenus sur place au-delà de l'expiration du délai légal du fameux sauf-conduit.
Le phénomène migratoire s'est dramatiquement accentué ces dernières années et impose donc des réaménagements qui, sans en avoir l'air, tentent de cantonner la problématique aux territoires du Sud, et rognent un peu plus l'assise juridique des droits des personnes à la circulation.
Après avoir longtemps tenté d'investir sur les Etats d'Afrique du Nord comme autant de postes avancés de sa politique de refoulement anticipé, l'Europe se rend compte aujourd'hui que le problème dépasse les compétences de ses sous-traitants du Sud, peu outillés ou piètrement motivés pour se charger de la tâche. Les dizaines de milliers de migrants qui tentent de traverser la Méditerranée chaque année pourraient devenir des centaines de milliers. L'Europe ne semble plus avoir le temps et l'indulgence d'écouter les politiques répéter que cet exode éperdu vers le Nord résulte du fait qu'aucun renouveau économique et social, au Sahel notamment, ne pointe à l'horizon néantisé de cette partie tourmentée de l'Afrique.
Insister comme on le fait sur la débandade politique en Libye pour expliquer l'accroissement surprenant du nombre de Subsahariens tentés par la traversée trahit bien la théorie qui prévaut dans les centres de décision au niveau de l'UE ; l'augmentation du nombre de migrants ne serait pas due en premier à la dégradation des conditions de vie en Afrique subsaharienne, mais à l'effondrement de l'Etat libyen ; il suffirait donc de reconstituer le bras policier du même Etat pour démanteler les réseaux de passeurs et donc «barrer la route du Nord» aux velléités migratoires, selon le mot de Gérard Collomb, ministre français de l'Intérieur.
Lors d'une réunion tenue vendredi à Niamey (Niger), des ministres de l'Intérieur africains et européens se sont entendus sur la nécessité d'agir «en amont» pour lutter contre les filières des passeurs. Et là aussi, il s'est vérifié que l'amont des uns n'est pas forcément l'amont des autres. Concrètement, il s'est plutôt agi pour les Européens de mettre la pression sur les homologues africains afin de les amener à plus de mobilisation opérationnelle pour cadenasser les frontières. Quand les Européens insistent sur la formation des forces de police et de gendarmerie et la création de fichiers d'identité, les ministres africains ont ainsi encore tenté de placer quelques mots sur l'impératif de «s'attaquer aux causes profondes de la migration irrégulière».
Gérard Collomb, de passage le lendemain à Agadez, foisonnante plaque tournante de transferts de migrants irréguliers vers le Nord, a eu à s'imprégner de la détresse dans cette poche de misère et de trafic. Et à entendre le maire de la localité lui dire que le «Niger a fait beaucoup d'efforts» pour contrer la migration et que le pays était donc en droit de réclamer plus que les 85 millions d'euros d'aide accordés par la France annuellement. Collomb en est reparti avec la promesse confuse de se faire «le porte-parole d'Agadez» auprès d'une prochaine réunion? des ministres de l'Intérieur de l'Europe. Les premiers policiers du continent en somme, qui, c'est connu, ont d'autres vocations que de doper le développement en Afrique.


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