Algérie

Afrique du Sud. Histoire et Littérature de Benaouda Lebdai Témoins des souffrances de tout un peuple



Afrique du Sud. Histoire et Littérature de Benaouda Lebdai Témoins des souffrances de tout un peuple

Publié le 24.03.2024 dans le Quotidien le soir d’Algérie

MERIEM GUEMACHE

Comment la littérature a-t-elle traité l’histoire tragique de l’Afrique du Sud, pays ayant souffert de l’apartheid ? La littérature sud-africaine a-t-elle été au service de l’histoire ou l’inverse ? Dans cet essai, Benaouda Lebdai tente de décrypter comment les romans du corpus sélectionné dévoilent ce qu’ont vécu les Noirs, les métis et les Indiens, peuples opprimés en Afrique du Sud.
Y a-t-il eu manipulation de l’Histoire ? L’écrivain tentera, tout au long de cet ouvrage, d’analyser la progression historique de la littérature sud-africaine, pendant la colonisation puis durant la période post-apartheid. Durant la période coloniale, les auteurs sud-africains noirs, souhaitant être publiés, ne pouvaient le faire qu’à l’étranger. Une littérature de l’exil s’est alors ouverte. Exemple : Dennis Brutus, Peter Abrahams, Lewis Nkosi, Ezekiel Mphalele : «Toute velléité littéraire appelait à une certaine vigilance pour pouvoir exister littérairement.»
Dans les années 1950, certains écrivains sortirent de l’ombre. «Ils publièrent des nouvelles et des autobiographies, ce qui est révélateur d’une réelle volonté de montrer et de prouver qu’ils existaient. Les manuscrits sortaient des frontières sud-africaines sous le manteau et revenaient ensuite dans le pays de la même façon pour être lus dans la discrétion et le secret.»
Peter Abrahams a été l’un des premiers auteurs à s’inscrire dans cette veine. Dans son premier roman Mine Boy, il décrit la misère des townships de Soweto. Benaouda Lebdai analyse l’histoire ancestrale des Noirs, complètement niée par les Afrikaners, dans le roman John Ross, the true Story de Stephen Grey révélant ainsi la trace de l’histoire de la tribu zoulou et de Chaka. «La littérature peut rétablir des vérités sur l’Histoire manipulée», écrit-il. «Certains romanciers blancs décrivent l’histoire coloniale en proposant des visions occultées par les colonialistes, c’est le cas pour le Sud-Africain J. M. Coetzee et le Français André Gide dans Terre de crépuscule et Voyage au Congo.»
Le professeur de littérature comparée aborde la question des préjugés sexuels sur les Africains dans la littérature. «Dans l’inconscient colonial, les Noirs sont hyper-sexués comme l’analyse Frantz Fanon dans Peau noire, masque blancs», analyse-t-il. Dans un chapitre intitulé «L’implicite colonial dans les textes littéraires», Benaouda Lebdai pointe le trauma colonial. Nadine Gordimer a écrit plus de deux cents nouvelles, liées à ce sujet.
Dans ces «short-stories» publiées entre 1951 et 1972, l’écrivaine sud-africaine raconte ce qu’elle voit dans la société au quotidien, se libérant ainsi des non-dits imposés par le discours officiel.
«La consolidation de l’apartheid en tant que système répressif s’exprime avec subtilité dans des textes courts (...) Durant l’apartheid, des pamphlets explicitement pro-apartheid sont publiés, mais les écrivains afrikaners favorables au système éditèrent plutôt des histoires neutres, sans aspérités, des histoires d’amour, des histoires exotiques qui ignoraient totalement l’apartheid et ses méfaits sur les Noirs.»
La littérature du trauma s’est beaucoup exprimée à travers une kyrielle de plumes à l’instar de Winnie Mandela et Steve Biko. Ces deux militants sud- africains ont dénoncé, à travers leurs autobiographies respectives, la tragédie de l’apartheid : Une part de mon âme de Winnie Mandela (1984) et Conscience noire : écrits d’Afrique du Sud, 1969-1972 (1978) de Steve Biko. Cette littérature s’exprimera également à travers des écrits d’autres auteurs engagés dans la lutte anti-apartheid tels qu’André Brink, Dennis Brutus, Zakes Mda...
Après 352 ans de colonialisme, la fin de l’apartheid est actée. «Dans son discours inaugural de Pretoria, Nelson Mandela plaida pour une Afrique du Sud ‘’unie, démocratique, non raciste, non-sexiste’’.»
Les textes post-apartheid fleurissent. Romanciers, poètes, nouvellistes et critiques littéraires continuent à dépeindre la société sud-africaine. Les autres arts comme la peinture, la musique et le cinéma sont également concernés. Des productions qui racontent l’histoire tragique de ce pays durant sa colonisation, pendant et après l’apartheid.
Benaouda Lebdai est professeur aux universités du Mans et d’Alger 2. Spécialiste de littérature comparée (littérature coloniale et postcoloniale) de quinze ouvrages critiques, dont la biographie de Winnie Mandela.
Meriem Guemache
Afrique du Sud. Histoire et Littérature. Benaouda Lebdai. Casbah Editions. 2023. 263 p.
1 200 da.



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