Un flux ininterrompu de Sud-Africains, partagés entre tristesse et fierté, a défilé jeudi en silence à Pretoria devant le cercueil semi-ouvert de Nelson Mandela, rendu à son peuple pour une ultime rencontre de trois jours.
En fin de matinée, les autorités faisaient état de 20.000 personnes dans les files d'attente, après les 14.000 visiteurs de la veille.
Tandis que la foule des visiteurs communiait, solennelle, avec le père de la démocratie sud-africaine, la polémique enflait sur un "faux" traducteur en langue des signes employé lors de la cérémonie d'hommage officielle mardi.
Cet interprète a scandalisé la communauté des sourds en gesticulant au hasard, apparemment incapable de maîtriser la langue des signes. Il a plaidé une subite attaque de schizophrénie due au stress, et le gouvernement, sous la pression, a fini par admettre "la possibilité d'une erreur".
Certains médias notaient que l'homme avait pu se tenir pendant près de cinq heures sans surveillance à côté des plus puissants dirigeants du globe, dont les présidents américain Barack Obama ou cubain Raul Castro, et des membres de la famille Mandela.
Loin de ces préoccupations, la foule a patienté pendant des heures à Pretoria pour pouvoir passer quelques secondes le long du cercueil, et adresser in petto un dernier message de remerciement ou d'adieu à son héros.
"Maintenant je réalise vraiment" qu'il est mort, commentait, émue, Queen Motaung, 60 ans, en sortant du siège de la présidence sud-africaine, Union Buildings, où la dépouille est exposée de mercredi à vendredi.
Une femme âgée a provoqué un instant d'émotion, en se précipitant vers le petit-fils de Nelson Mandela, Mandla, posté près du cercueil, pour lui étreindre les mains, a rapporté l'agence sud-africaine SAPA. Dans les bras de la policière qui l'a écartée, elle sanglotait: "Qu'allons nous devenir maintenant qu'il est parti? Que va devenir cette nation?"
Quelques étrangers mêlaient leur émotion à celle des Sud-Africains. Parfois venus de très loin, comme Linda Koch, une retraitée américaine qui avait fait le voyage uniquement pour rendre hommage à son idole.
"Tous les pays ont leurs problèmes de différences, y compris le mien. (...) J'ai passé quarante ans à dire à mes élèves qu'il est important de chérir les différences, il était donc logique que je vienne", a dit à l'AFP cette ancienne co-présidente d'université.
D'impressionnantes photos aériennes montraient les serpentins humains formant boucles et déliés en trois points de rassemblements disséminés dans la capitale. Elles évoquaient les files d'attente formées dans tout le pays en 1994 lors des premières élections démocratiques, qui avaient porté au pouvoir le parti de la lutte anti-apartheid, le Congrès national africain (ANC), et son leader Mandela à la présidence.
La procession de visiteurs défilait à un rythme bien plus soutenu que la veille, jetant un regard furtif au père de la Nation, sous l’œil de militaires en uniforme d'apparat, qui veillaient à ce que personne ne photographie le grand homme ou ne s'arrête devant la dépouille.
"Mon cœur est brisé"
A l'intérieur du cercueil, Nelson Mandela, vêtu d'une de ses traditionnelles chemises à motifs de ton marron, avait les yeux clos, le visage détendu. Les six derniers mois de maladie n'avaient pas laissé de trace visible.
Certaines personnes arboraient un drapeau sud-africain, d'autres les couleurs noir, vert et or de l'ANC. Quelques-unes avaient opté pour un noir de circonstance. Une personne en costume de Superman s'était perdue dans la foule.
Une fois passés près du corps, beaucoup avaient du mal à contenir leurs larmes. Des fauteuils roulants étaient à la disposition des plus secoués.
"Mon cœur est brisé" commentait Anita Bodiba, 35 ans.
"C'est lui qui nous a unis, nous les Sud-Africains, Blancs, Noirs, Indiens".
Dans dans sa première interview accordée depuis le décès de l'icône de la lutte contre l'apartheid, son ex-femme Winnie Madikizela-Mandela, a décrit les derniers instants du prix Nobel de la paix.
"J'ai reçu un appel le matin" du 5 décembre (...) et le médecin a dit: +je pense que vous devriez venir+",a confié à la chaîne de télévision britannique ITV Winnie Madikizela-Mandela(...). Je suis montée à l'étage où les médecins se tenaient debout autour de lui. Ils m'ont dit de m'approcher de lui", a-t-elle poursuivi.
"J'ai constaté qu'il respirait vraiment lentement. Je le tenais pour essayer d'évaluer sa température, et il était froid. Il a alors rendu son dernier soupir et s'est reposé... Il était parti", a-t-elle raconté
A la tête de l'Etat, Nelson Mandela avait opté pour le pardon et la réconciliation, multipliant les gestes en direction de ses anciens oppresseurs, notamment en endossant le maillot de l'équipe de rugby , les Springboks adulés par les Blancs, lors du Mondial 1995.
Son corps sera transféré samedi dans le Cap oriental (sud-est), sa province natale, avant l'inhumation dimanche à Qunu, le village de son enfance.
En prévision des obsèques, des ouvriers s'affairaient jeudi à monter un large chapiteau blanc d'une capacité de 5.000 places dans ce village rural, situé à un millier de kilomètres au sud de Johannesburg.
L'accès au site est strictement réservé aux proches du Nobel de la paix. Militaires et policiers patrouillaient le village, où Mandela s'était fait construire une résidence à sa libération après 27 ans dans les geôles du régime raciste.
L'armée a également pris le contrôle de l'aéroport le plus proche, dans la petite ville de Mthatha, qui verra se poser une centaine d'appareils au cours du week-end.
* Photo: Un flux ininterrompu de Sud-Africains, partagés entre tristesse et fierté, a défilé jeudi en silence à Pretoria devant le cercueil semi-ouvert de Nelson Mandela, rendu à son peuple pour une ultime rencontre de trois jours.
AFP
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Posté Le : 13/12/2013
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Photographié par : Photo et texte: AFP
Source : El Watan.com du jeudi 12 décembre 2013