Algérie

affinités personnelles sur fond d'intérêts géopolitiques L'Algérie accueillera des investissements qataris dans l'industrie



affinités personnelles sur fond d'intérêts géopolitiques                                    L'Algérie accueillera des investissements qataris dans l'industrie
L'Algérie et le Qatar ont signé la semaine dernière, à Alger, huit accords de coopération et de partenariat dans les secteurs du transport maritime, des hydrocarbures et surtout de la sidérurgie avec la réalisation prévue d'un projet de complexe sidérurgique à Bellara, d'une capacité de 5 millions de tonnes par an.
Au courant de l'année 2012, le Qatar dont les responsables ont multiplié les visites à Alger, exprimait le souhait de travailler plus étroitement avec l'Algérie. Il indiquait notamment être en train d'encourager le constructeur allemand Volkswagen, dont il est l'un des actionnaires, à monter une usine de fabrication de voitures en Algérie. Les deux pays ont également convenu de la création d'un fonds d'investissement mixte pour réaliser ensemble des investissements à l'étranger. Le Qatar n'étant pas, a priori, une puissance industrielle mondiale (en-dehors du secteur pétrolier et gazier), en dépit de ses ressources financières importantes, l'on se demande alors quel est l'intérêt pour l'Algérie d'avoir retenu ce pays pour des projets aussi importants que le complexe sidérurgique notamment au détriment d'investisseurs nationaux' Cela, d'autant que l'industrie n'est pas le domaine de prédilection du Qatar, habituellement versé dans le secteur immobilier ou des services.
Il faut rappeler qu'un projet sidérurgique de même envergure avait été déposé trois ans plutôt par le groupe Cevital au Conseil national de l'investissement et avait été approuvé dans un premier temps, avant d'être refusé, selon le PDG du Groupe Issad Rebrab. De plus, Qatar Steel qui participera à la réalisation du projet ne figure pas dans le classement du top 100 des premières compagnies sidérurgiques dans le monde.
Pourtant, à y avoir de plus près, ce pays du Golfe dont 80% de la population est constituée d'étrangers, affiche et de loin une santé économique bien meilleure que celle de l'Algérie. Jusqu'à récemment, le Qatar était l'un des rares pays dans le monde à réaliser une croissance à deux chiffres, 16% en 2010 et 19% en 2011. Bien que fondé essentiellement sur l'industrie pétrolière et gazière, son économie se présente comme l'une des plus compétitives au monde. Le classement 2012 du Forum Economique Mondial la place à la 11e position, la première dans la région d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Elle est par ailleurs dans le top 40 dans le dernier classement Doing Business de la Banque mondiale et le taux de chômage y est nul.
«Ce n'est certes pas une puissance industrielle, mais c'est une puissance économique qui a investi dans quasiment tous les pays du monde», souligne le secrétaire général de la Confédération générale des entrepreneurs algériens (CGEA), Mahfoud Megatli. Cependant, ces lacunes en matière d'industrie sont en train d'être rattrapées grâce «à l'investissement qu'il a consenti dans le facteur humain et la formation du management».
Le Qatar a créé en 2005 un fonds souverain pour gérer ses investissements à l'étranger, Qatar Investment Authority (QIA), qui détient aujourd'hui quelque 100 milliards de dollars d'actifs à travers le monde. Au Royaume-Uni, le fonds a notamment investi la Bourse londonienne, la Barclays Bank et racheté le célèbre magasin Harrod's. En Allemagne, il détient 17% de Volkswagen, en Suisse 10% du Crédit Suisse. En France, il détient des participations dans au moins dix sociétés cotées à la Bourse de Paris, dont six appartiennent au CAC 40. Vinci, Vivendi, Lagardère, Suez ou encore Total ont cédé des parts de leurs actifs au Qatar.
Mais cela reste des «placement financiers et pas des placements stratégiques, car, en France par exemple, on ne le laisserait pas prendre le contrôle d'une société pour orienter ses choix et sa politique», relativise un banquier international. En revanche, en Algérie, «on le laisse prendre 49% d'un complexe sidérurgique». Pourtant, «il n'a pas de technologie à nous apporter ni aucune valeur ajoutée industrielle. On aurait plus intérêt à travailler avec l'Italie, l'Espagne ou la Russie à la limite», explique t-on.
Stratégie d'influence
Mais, pour comprendre le rapprochement algéro-qatari, il faut chercher au-delà de l'économique. Il faut d'abord rappeler le lien qui existe entre le sommet de l'Etat algérien et l'émirat. «L'Algérie a de la sympathie pour le Qatar, compte tenu du lien personnel qu'entretient le président Bouteflika avec ce pays qui l'a accueilli pendant sa longue traversée du désert», souligne l'expert international. D'un autre côté, le Qatar est dans une logique de recherche d'influence à travers le monde. Ainsi, «il poursuit une stratégie d'investissement dans toutes les zones importantes du monde et cela va lui apporter un soutien naturel des puissances occidentales en cas d'agression sur son territoire.»
A ce propos, Denis Bauchard, spécialiste du monde arable à l'IFRI, déclarait dans un entretien à Reuters en septembre dernier que le Qatar Investment Authority permet au pays «de se constituer un socle d'alliés puissants disposés à le soutenir au cas où la situation s'envenimerait». L'émirat veut être «un interlocuteur avec l'occident, le monde arabe et le monde émergent, ce qui le pousse à chercher à influencer la politique algérienne, en jouant par exemple le rôle d'intermédiaire entre l'Algérie, qui est incontournable en Afrique et les autres pays intéressés par le Sahel», explique l'expert international. En revanche, en ce qui la concerne, l'Algérie a besoin de technologie et pour cela «il ne faut pas compter sur le Qatar. Il suffit de se demander si ce pays fabrique quelque chose dont nous avons besoin».
Un avis loin d'être partagé. M. Megatli estime, en effet, que tout investissement «est le bienvenu y compris celui du Qatar, pour peu qu'il favorise le rapprochement entre partenaires économiques privés et pas uniquement d'Etat à Etat, comme c'est le cas en ce moment.» Certes, l'Algérie n'a pas beaucoup de «capitaines d'industrie», note notre interlocuteur, mais si les entreprises privées «n'ont pas de grandes capacités sur le plan industriel, elle peuvent pour le besoin se constituer en groupements.»


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