Algérie

Affaire des moines de Tibehirine: La tête du serpent



Torpiller régulièrement les rapports franco-algériens en réveillant les blessures du passé ne peut obéir au seul idéal de vérité et de justice.

 La remise à la « Une » de l'actualité de l'affaire des moines de Tibehrine procède-t-elle du seul souci de vérité pour les familles des victimes et pour la justice française ? Sans préjuger du sentiment des familles des victimes autant que du devoir de la justice française, il reste qu'au final, ce sont bien les services secrets (DST et DGSE) français qui sont « l'ordonnateur » de la révision de l'enquête. Pourquoi et dans quel buts ? Nous savons tous dans quel contexte le drame des moines s'est déroulé : celui d'une guerre civile qui a emporté près de 200.000 victimes algériennes et des centaines d'autres étrangères. Le lieu du drame, la revendication de l'assassinat par les groupes du GIA, les versions sur les circonstances du drame données par les services secrets des deux pays, les insinuations et accusations de responsables français, leurs contradictions... font qu'il est plus que certain que la nouvelle enquête ouverte par le juge Marc Trèvidic finira comme elle aura commencé, c'est-à-dire sans réponse claire aux interrogations des familles des victimes. La justice, elle, est dans son rôle puisqu'elle est saisie par les familles des victimes pour faire la lumière sur le rapt et l'exécution des sept religieux. Ce qui interpelle dans cette affaire est le fait que ce sont les services secrets français qui ont remis à l'ordre du jour cette affaire. Pourquoi ? Nous ne sommes plus dans le « Qui tue qui », puisque des hauts gradés des services spéciaux français (comme le général à la retraite François Buchwalker) accusent ouvertement l'armée algérienne d'être l'auteur de ces assassinats. La déduction est facile : par extension tous les autres assassinats (200.000) pourraient (sont) l'oeuvre de l'armée avec la complicité des services de sécurité algériens. Exit le GIA, le GSPC, Al-Qaïda... Et là, il faudrait s'interroger sur le pourquoi de ce changement d'opinion et d'attitude des « décideurs » français dans leur interprétation de la tragédie algérienne des années 90. Y a-t-il des propositions d'achat d'armements français que l'Algérie aurait rejeté ? Y a-t-il quelques remises en question de facilités d'investissements français en Algérie ? La révision des politiques d'importations algériennes ou celle de quelques accords commerciaux posent-elles quelques problèmes aux trusts et lobbies financiers français ? Car, y aurait-il encore quelque naïf pour croire que la mission des services secrets de quelque pays que ce soit ne se résume qu'aux strictes questions sécuritaires ? Ils sont, justement, le moyen par excellence d'influer sur les politiques économiques, financières, militaires... au profit de leur propre pays. Encore une fois, il ne s'agit pas de remettre en cause la sincérité des familles des victimes de Tibehrine ou l'action de la justice. L'histoire judiciaire française regorge d'exemple de procès célèbres révisés bien plus qu'une fois. A commencer par celui du plus illustre des français, Napoléon Bonaparte ! Qui et comment a été tué Bonaparte en 1821 sur l'île de Sainte Hélène ? Ou encore le procès du capitaine Louis Dreyfus accusé de haute trahison en 1894 et réhabilité en 1904. Pour la petite histoire, ce fût un sombre agent secret de l'époque qui livra au journal le Figaro le « scoop » mettant en cause le capitaine Dreyfus. Et ce fût, également, par voie de presse que sa défense s'organisa, dont le célèbre article d'Emile Zola « J'accuse » publié dans le journal l'Aurore. C'est pour dire combien il faut être prudent devant ce genre d'affaire où la justice est appelé au secours de la politique. Car nous sommes bien en face d'un règlement de compte politique entre sphères du pouvoir en France et entre les « décideurs » des deux pays. La justice et les familles des victimes sont prises en otage par les querelles franco-françaises notamment. Qui pense sérieusement que les services secrets français sont tourmentés par la mort des moines français et font dans la pénitence et la rédemption pour soulager leur conscience ?




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