Algérie

Affaire des 465 kg de kif saisis à Beni Ouenif (Béchar) : Les graves accusations de Me Khaled Bourayou



Très en colère, Me Khaled Bourayou n'a pas pris de gants, hier, en dénonçant, lors d'une conférence de presse à Alger, ce qu'il a qualifié de «forfaiture judiciaire». Il revenait de Béchar, où devait se tenir le procès de Abdelmadjid, un entrepreneur d'une quarantaine d'années, poursuivi pour une affaire de trafic de drogue.«Après tant d'années d'exercice, je n'ai jamais vu une aussi grave affaire», déclare-t-il, en présence des membres de la famille de son mandant. Les faits remontent à la nuit du 11 mars dernier, lorsque ce dernier est sollicité par un de ses amis pour l'aider à transporter de «la marchandise». «Il savait que cet ami connaissait une Marocaine qui lui envoyait des vêtements à vendre.
Comme il ne répondait pas souvent à son téléphone, cet ami lui a remis le sien pour être certain de le joindre. Il s'est déplacé au lieu de rencontre, mais il ne l'a pas trouvé. Il a attendu un bon moment avant de rentrer en ville. Là, il reçoit 42 appels de son correspondant, qui lui dit de venir l'aider. Une fois sur les lieux, on lui tire dessus et une balle se loge à l'arrière du véhicule.
Il descend pour voir ce qui se passe, il reçoit une autre balle à la jambe, tirée par des militaires en embuscade. Il est transporté à l'hôpital militaire de Béchar, où il subit une opération chirurgicale. Les gendarmes sont venus pour prendre ses déclarations à deux reprises, mais les médecins et le responsable de l'établissement ne les ont pas laissé faire en raison de l'état de santé du suspect.
Contre toute attente, le rapport préliminaire d'enquête précise qu'il a présenté comme gardé à vue en date du 13 mars, alors qu'il était hospitalisé et que le procureur a ordonné le prolongement de la garde à vue.
Comment peut-il être en garde à vue alors qu'il était à l'hôpital militaire en soins intensifs ' Plus grave, le 19 mars, les gendarmes le conduisirent à bord d'une ambulance pour la présentation devant le parquet, et l'obligèrent en cours de route à signer un procès-verbal de déclarations qu'il n'a jamais faites.
Mon mandant a attiré l'attention du procureur et du juge d'instruction, mais en vain. Les deux suspects arrêtés lors du guet-apens sont relâchés sur place la nuit du 11 mars, mais le lendemain, ils sont revenus avec des témoins qui affirment qu'au moment des faits, ils étaient à la mosquée», explique Me Bourayou.
L'avocat est scandalisé par la réaction du président du tribunal criminel près la cour de Béchar, devant lequel son mandant a été déféré, mercredi dernier. «J'ai voulu présenter mon mémoire en citant toutes ces violations pour plaider la nullité de la procédure, le magistrat a refusé de m'entendre.
Je lui ai demandé de prendre acte, il s'y est opposé. L'affaire a été renvoyée à la prochaine session criminelle. J'ai la conviction que le président ne voulait pas que je dévoile les graves dérives procédurales en audience publique.
Dans cette affaire, les gendarmes ont commis un faux. Dans quel intérêt ' Pourquoi ont-ils refusé de me donner le listing des appels téléphoniques de mon mandant durant cette nuit du 11 mars 2018 ' Ont-ils peur qu'on découvre que mon mandant n'était pas sur les lieux du guet-apens lorsque les militaires ont récupéré la marchandise chez les deux suspects ' Pourquoi parler de garde à vue alors que l'accusé était à l'hôpital ' Plus grave, mon mandant a été remis par l'administration hospitalière aux gendarmes avec un bon de livraison.
C'est du jamais vu. La loi exige que cela se fasse par le biais du procureur militaire, qui signe un ordre de dessaisissement au profit du procureur du tribunal devant lequel l'accusé a été déféré, puisqu'il a été évacué par les militaires vers un établissement de l'armée. Le contenu du rapport de la gendarmerie est basé sur de fausses informations. Dans quel intérêt ' Pourquoi veut-on enfoncer l'accusé '» s'est exclamé l'avocat.
Il interpelle publiquement les plus hautes autorités du pays : «Cette affaire est très grave. Nous demandons une enquête rapide pour lever le voile sur ces dérives. Nous voulons que ce genre de forfaitures soient bannies à tout jamais. D'ici le prochain procès, nous espérons que l'enquête aura révélé ce qui s'est passé réellement en cette nuit du 11 mars 2018, à Beni Ouenif, et déterminera les responsabilités de chaque partie.
Nous voulons toute la vérité sur les dérives commises et rien de plus.» Interrogé sur l'affaire en question, l'avocat affirme qu'il s'agit de 465 kg de kif récupérés lors du guet-apens mené par les militaires à Beni Ouenif (Béchar), dans une région non loin de la frontière avec le Maroc. «Mon mandant est un entrepreneur connu à Béchar, il n'a jamais eu de démêlés avec la justice. Il était à chaque fois sollicité pour ses connaissances au sein de toutes les institutions locales. L'un des deux suspects est son ami.
Lorsqu'il lui a demandé de l'aider en transportant la marchandise qu'il a ramenée du Maroc, il ne se doutait pas un instant que celle-ci pouvait être de la drogue. Il s'est déplacé sur les lieux, et quand il ne l'a pas trouvé, il est reparti. Quelque temps plus tard, il reçoit des appels incessants de sa part pour lui demander de revenir.
Il y est allé, et là il tombe sur un traquenard. Les militaires, après avoir arrêté les deux suspects, voulaient à tout prix arrêter celui qu'ils estimaient être le convoyeur. Ils ont chargé les suspects de l'appeler», déclare Me Bourayou.
Il conclut : «Les gendarmes ont bel et bien commis des faux. Ils ont violé la procédure pour travestir la vérité. Dans quel but et au profit de qui ' Seule une enquête peut faire la lumière sur ces dérives judiciaires.»


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