Le cas de Ayache est édifiant, et les moyens rudimentaires mis en branle pour le sauver expliquent un tant soit peu le cynisme avec lequel les autorités publiques se sont effacées du champ d'intervention du déroulement de cette tragédie.Ce qui est devenu l'affaire Ayache a fini par révéler l'immense frustration qui touche la population de M'sila. Des scènes de colère se sont multipliées depuis quelques jours. La remarquable mobilisation qui s'est organisée autour de la victime a cédé la place à la contestation. Le cas de Ayache est édifiant, et les moyens rudimentaires mis en branle pour le sauver ont montré l'indigence des autorités.
L'épisode ayant coûté la vie à Ayache Mahdjoubi, enterré dans la précipitation tôt dans la matinée du 27 décembre, après 10 jours de vaines tentatives de sauvetage, a permis aux populations des territoires steppiques de découvrir l'envers du décor. Ce qui est devenu l'affaire Ayache a fini en effet par révéler l'immense frustration qui touche la population de M'sila.
Des scènes de colère se sont multipliées depuis quelques jours. La remarquable mobilisation qui s'est organisée autour de la victime Ayache a cédé la place à la contestation. Le cas de Ayache est édifiant, et les moyens rudimentaires mis en branle pour le sauver ont montré l'indigence des autorités. Donnant libre cours aux initiatives des uns et des autres à travers la mise à disposition de moyens matériels et humains.
Les travaux de sauvetage ont ainsi été effectués dans un désordre indescriptible. Fait expliquant l'élan de solidarité qui s'en est suivi, engendrant la sympathie des populations venues de toutes les régions d'Algérie (Adrar, Béchar, Tlemcen, Biskra, Bordj Bou Arréridj, Sétif?) pour concourir dans cette ?uvre immense de sauvetage d'une vie humaine «inconsidérée» par qui de droit, car «zaouali» par définition.
C'est cela qui a, nous a-t-on expliqué, motivé la réaction des populations qui ont violemment chassé le wali de M'sila et la délégation ministérielle qui se sont aventurés à vouloir s'approcher du puits, après que le frère du défunt Ayache ait donné une leçon de discernement au wali de M'sila sur la nature des différents intervenants dans le sauvetage de son frère.
Dans l'après-midi du 18 décembre, jour de la chute de Ayache dans ce puits de 100 m de profondeur, le malheureux est resté suspendu à une hauteur de 26 m dans cette conduite d'acier de 35 cm de diamètre, nous a-t-on relaté, et l'échec de la tentative de le soustraire par le biais d'une corde n'a pas été concluant, le faisant glisser et sombrer dans les profondeurs de cette conduite d'acier pour atteindre les 30 m et demeurer ainsi coincé dans cette position jusqu'à l'arrivée des sapeurs-pompiers.
Ces derniers, dépourvus de moyens conséquents, ont opté pour le dégagement de la conduite qui emprisonnait Ayache, faisant intervenir de gros engins pour enlever la terre qui enlace la conduite d'acier.
Des milliers de personnes en apnée
Au fur et à mesure que les travaux se poursuivaient et que le temps de l'opération de sauvetage devenait pesant, la personne coincée dans les profondeurs du tuyau d'acier était en train de sombrer dans un coma profond à partir du 3e jour (jeudi 20 décembre), ne répondant plus aux appels, ne communiquant plus avec l'extérieur.
Ayache se mourait dans l'indifférence totale des autorités publiques. Sur les réseaux sociaux, les internautes prennent la relève en mettant en exergue les défaillances des pouvoirs publics et le qualificatif «hogra» revient comme un leitmotiv dans le débat. Cet incident qui pourrait être anodin sous d'autres cieux est en phase de prendre la tournure d'un véritable scandale.
Les milliers de personnes, dont la plupart sont de la wilaya de M'sila, qui font le pied de grue des journées entières perchées sur les montagnes de terre amoncelée par les gros engins afin de libérer la conduite emprisonnant Ayache, sont en permanence en «apnée». A voir le rythme de travaux qui se déroulent sous leurs yeux, n'augurant aucunement le miracle escompté.
Le grondement sourd de la colère
Un profond malaise se ressent parmi ces populations frustrées de la région, malaise qui est allé en grandissant se manifester dans la ville de M'sila durant les soirées successives du mardi et mercredi, durant lesquelles les manifestants, ciblant le siège de la wilaya, brûlant des pneus et érigeant des obstacles, ont exigé le départ de Hadj Mokdad, wali de M'sila et demandé «la Rahma pour Ayache», avant que les policiers n'interviennent massivement pour écarter les manifestants, qui se sont dispersés momentanément dans les rues sombres de la ville, en s'en prenant aux édifices publics, en caillassant banques et administrations, avant de réapparaître et de provoquer les policiers une deuxième, puis une troisième fois jusque tard dans la nuit.
Depuis cette date, la résidence du wali, se trouvant au c?ur de la ville de M'sila, qui était jadis la résidence de l'administrateur colonial, un jardin d'une dizaine d'hectares appartenant à une famille de M'sila qui a été expropriée à l'époque coloniale, s'en trouve présentement sous haute surveillance du fait des derniers événements qui ont jalonné l'affaire de Ayache Mahdjoubi. Les citoyens éclairés de M'sila expliquent un tant soit peu les causes de ce profond malaise qui se manifeste à tout bout de champ.
Ces personnes mettent en relief les frustrations, notamment en matière de développement, «lesquelles, soulignent-elles, se concentrent principalement à M'sila, siège de la wilaya, qui sont dues à son enclavement par le fait que les voies de communication séculaires, que ce soit la RN 45 Bordj Bou Arreridj-Msila, la RN 28 Sétif-M'sila et la RN 60 Bouira-M'sila, n'ont pas bénéficié de programme de raccordement à l'autoroute Est-Ouest.»
Et de poursuivre : «La RN 45 M'sila-BBA, longue de 60 km, constitue l'axe routier principal entre les deux métropoles eu égard au trafic commercial intense existant depuis la nuit des temps.»
Et d'enchaîner : «La RN 60 M'sila-Bouira, 60 km, qui constitue actuellement la seule voie qui fait jonction avec l'autoroute Est Ouest entre Msila et Alger, est rendue meurtrière du fait de l'intensité du trafic, plus de 10 000 véhicules/jour, notamment depuis l'avènement de la cimenterie Lafarge et la mise à disposition pour l'économie nationale d'une production de 5 millions de tonnes /an.»
L'autre élément à l'origine de cette frustration est la pénurie d'eau. En effet, la ville de M'sila et les 5 communes du nord de la wilaya souffrent du manque d'approvisionnement en eau potable.
Des sommes faramineuses ont été injectées, sans pour autant que la situation ne s'améliore : l'amenée d'eau à partir de la source de Birine dans la wilaya de Djelfa, d'une distance de 150 km, demeure aléatoire du fait des piquages illicites sur le tracé de la conduite et à partir du barrage de Koudiat Acerdoune qui alimente 4 wilayas, et à laquelle on vient de greffer M'sila et Bou Saâda.
La problématique de l'alimentation en eau potable demeure liée à la réalisation du barrage de Logmane qui draine annuellement plus de 17 millions des eaux pérennes par an. Le site est naturel et le coût de réalisation ne dépasse pas, selon un technicien de l'hydraulique, les 150 milliards de centimes. Mais il semble que ce projet n'est plus dans la nomenclature des projets en cours dans la wilaya de M'sila, et les frustrations des populations ne sont pas près de s'estomper.
Un père digne
L'enterrement de Ayache, auquel les autorités locales en la personne du wali n'ont pas daigné assister, quand bien même le secrétaire général de la wilaya, qui était aux Lieux saints de l'islam pour une omra, fut rappelé en catastrophe pour faire acte de présence, a drainé beaucoup de monde et les différentes péripéties qui ont jalonné les opérations de sauvetage et d'extraction du corps durant plus de 10 jours n'ont pas entamé la grandeur d'âme de Aïssa Mahdjoubi, le père de Ayache, qui est resté digne face à cette situation douloureuse et qui est allé au-delà de la porte de la wilaya remercier tous ceux qui se sont solidarisés avec sa famille, exhortant les citoyens à faire preuve de sagesse en se prémunissant contre toutes tentatives qui auront des conséquences désastreuses pour le pays.
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Posté Le : 30/12/2018
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : S Ghellab
Source : www.elwatan.com