Algérie

Affaire Arezki Aït Larbi



Le verdict sera rendu le 30 mai Après le report de son procès prévu le 2 mai dernier, le journaliste Arezki Aït Larbi, correspondant en Algérie du Figaro et de Ouest-France, accusé pour ses écrits jugés «diffamatoires», et condamné par défaut à six mois de prison ferme, s’est bien défendu, hier, au tribunal de Sidi M’hamed à Alger en présence de la famille de la presse et des représentants d’ONG de droits de l’Homme. Après des plaidoiries houleuses, assurées par un collectif d’avocats menés par Me Miloud Brahimi, Me Bourayou, Me Mokrane Aït Larbi, Me Hanoune et autres, la présidente du tribunal, assiégée par les preuves tangibles de la défense, a décidé que le verdict sera rendu le 30 mai prochain. Dans un procès très politisé, la défense, très bien au fait de la tournure qu’a prise l’affaire, pour appuyer ses thèses et battre en brèche les accusations de diffamation, a appelé à la barre trois témoins clé, proches du prévenu et prisonniers avec lui à cette époque. Il s’agit en effet de Ali Yahia Abdennour, lui-même emprisonné entre 1985 et 1987 est ancien président de la Ligue algérienne des droits de l’homme, de Ali Fawzi Rebaine, également détenu politique, président de AHD 54 et d’Arezki Aboud, militant, lui aussi, des droits de l’Homme. Dans une atmosphère d’un véritable procès contre la torture qu’enduraient les prisonniers politiques durant les années 80, les trois témoins oculaires des sévices corporels qu’ont subis les détenus à Berrouaghia (Médéa) et à Tazoult (ex-Lambèse à Batna) ont fortement appuyé le contenu et la véracité de l’article de presse d’Arezki Aït Larbi, publié en 1994 dans l’hebdomadaire L’Evénement, dénonçant la pratique de la torture. A entendre les témoignages de ces trois ex-détenus politiques, la douleur est à son paroxysme, de la manière dont les bourreaux pratiquaient la torture à ce moment-là sur les défenseurs des droits de l’Homme. «Nous avons été tabassés, humiliés et même jetés dans des cachots de condamnés à mort», ont témoigné les 3 témoins. Les circonstances durant ces années étaient intenables, rapportent les témoins qui ont crié leur colère en faisant dire que «le seul crime que le mis en cause a commis est d’avoir dit tout simplement la vérité». Ce qu’a conforté, d’ailleurs, l’article objet de la plainte contre Arezki Aït Larbi, également témoin de cette époque. Ce dernier a mis en cause, en effet, le directeur de l’application des peines au ministère de la Justice, Abdelkader Sallat. Ce dernier dépose plainte. En 1997, le juge d’instruction délivre un mandat d’arrêt contre le journaliste alors qu’une simple convocation aurait suffi. Il a été même considéré en fuite alors qu’il est sorti une quinzaine de fois à l’étranger entre 1997 et 2007, souligne son avocat, Me Hanoune. Par ailleurs, Me Hanoune dans ses plaidoiries a condamné les actes de torture à grande échelle dont sont victimes d’ailleurs quelque unes des victimes -l’article a déjà relevé un cas de mort d’homme- alors que l’Algérie, affirme t-il, a ratifié les traités internationaux contre la torture et les crimes contre l’humanité. Ceci dit, condamné par défaut à six mois de prison ferme, le journaliste incriminé ne sera informé du verdict qu’en 2006 lorsque la police bloque le renouvellement de son passeport. Six mois après, quand le document lui a été restitué, un nouveau rebondissement dans l’affaire est venu mettre de l’eau dans le moulin. Alors qu’il s’apprête à se rendre en France, dans le cadre de ses missions, le journaliste est interpellé par la PAF à l’aéroport Houari Boumedienne. Conduit aussitôt au commissariat central d’Alger, avant d’être convoqué au parquet qui fixe la date de son procès. Par la suite, il est transféré à la prison de Serkadji avant d’être libéré quelques heures plus tard, rapportent les avocats de la défense. De son côté, Me Bourayou, connu pour son engagement avec les journalistes poursuivis pour les délits de presse, ne comprend pas comment le juge d’instruction, à l’issue d’une enquête qui a duré pratiquement trois années, fait sortir un mandat d’arrêt à la dernière minute avant l’accusation, alors qu’il y a lieu de lui envoyer un mandat d’amener. «C’est du chantage», s’est-il indigné. Me Bourayou résume, enfin, les tenants et les aboutissants de ce procès: «ce n’est pas un procès de diffamation, mais celui de la torture». En clôture, le doyen des avocats, Me Brahimi, estime que tout cela manque de sérieux dans la mesure où il n’y a aucune citation diffamatoire, alors que le seul reproche que lui a fait Abdelkader Sallat c’est l’amalgame. Du coup, soutient-il, depuis trois années, il n’y a pas eu une action judiciaire. A ce propos, au nom du collectif, il a demandé immédiatement la relaxe totale pour son client. Les derniers mots de l’accusé sont révélateurs, à plus d’un titre. «Cette façon d’utiliser la justice pour des comptes de je ne sais qui, nous renseigne du degré d’acharnement qui pourrait nous frapper à tout moment». Le ministère public, apparemment en manque d’arguments, n’a fait aucune intervention, sauf à s’en tenir aux six mois de prison qu’il a prononcés auparavant. La présidente du tribunal décide, pour sa part, de renvoyer le verdict au 30 mai.


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