Algérie

Adolescence contrariée au temps du terrorisme...



La Cinémathèque algérienne, sise rue Larbi-Ben M'hidi, a projeté, lundi soir, en avant-première nationale, le film «Tchebchaq Maricane» de la réalisatrice Amal Blidi et cela, dans le cadre de la semaine du court métrage. Un film que cette dernière dédiera d'emblée à feu le directeur photo Nasser Medjkane pour avoir travaillé avec lui sur ce film. Apres trois documentaires, il s'agit du premier court métrage fiction de Amel Blidi. Un film sensible, vaporeux et tendre. Un film qui mêle la tragédie à l'espoir avec subtilité et ravissement. Un film bienveillant porté par le regard d'une femme sur d'autres femmes et des futures femmes en pleine décennie noire. Pour ce faire, le film opérera plusieurs flash-back entre passé et présent. Une mère parle à sa fille en fouillant dans les souvenirs de son adolescence. Il s'agit de Samia adulte...Elle Evoque l'âge de l'insouciance et ses souvenirs de camaraderie dans un pays qui verra son destin basculer avec les assassinats qui vont se multiplier et sombrer dans la violence. L'on devine déjà le réveil de cette jeune fille et son intérêt à ce qui se passe autour d'elle lorsque, en cachette, elle se met à regarder ou livre, un morceau de journal... Au départ l'adolescente, alias Samia et son amie se plaisent à jouer à «Tchebchaq maricane», mais vite, son amie se lasse de ce jeu qu'elle trouve ringard..On les voit ricaner devant la télé toutes timides et rougir quand ça parle de garçon, elles évoquent leurs règles...Mais le pire ne tarde pas à venir. Le père de Samia est journaliste. Il est joué par Samir Elhakim. Son voisin, ami et père de la copine de sa fille est assassiné. Des rumeurs arrivent jusqu'à l'oreille de Samia affirmant que c'était son père la cible. Traumatisée, son amie ne lui adresse plus la parole. Sa mère, campée admirablement par Samia Meziane, refuse que sa fille côtoie à nouveau la fille du journaliste....Cette dernière très peinée, essaye par tous les moyens d'attirer l'attention de son ancienne amie allant jusqu'à se taillader le bras. Elle est empêchée de justesse par sa mère. Son amie revient vers elle et la vie continue malgré tout... entre sourire et larmes, silence et murmure, la nature reprend toujours ses droits.Délicatesse au féminin
Amel Blidi parvient avec brio à capter chaque moment qui passe ou pas, avec douleur et rêverie. Elle est soutenue par un brillantissime jeu d'actrices choral. Ce dernier est rehaussé par la bande sonore musical des plus mélancolique signé Farid Beloui. Evoquant son film, la réalisatrice dira lors du débat: «Peut-être que certains vont dire qu'il y a tromperie sur la marchandise et que le film aurait dù s'appeler «Souvenir d'une amitié», mais en vrai, je voulais évoquer ce moment où on n'a plus joué à Tchepchaq maricaine. Il y a eu un moment où le jeu s'est arrêté. Je voulais montrer l'arrêt de l'innocence et le passage à l'âge adulte. Voila l'explication du titre. Car après les années 90, ce jeu n'était plus courant». À la question de savoir quelle est la part d'autobiographie dans ce film, Amel Blidi dira que «c'est à peine de 30%. Après, quand on écrit un premier film de fiction, on écrit quelque chose que l'on connaît ou du moins sur ce qui nous parait familier.» Avouant être très émue en évoquant la mémoire de Nasser Medjkane, Amel Blidi dira «on s'est beaucoup amusé sur ce film en faisant pas mal d'expériences sur l'image avouant notamment, avoir fait ce film sans éclairage. «Nasser avait ce talent de capter la lumière. Certes c'était un film à petit budget et en même temps c'était un parti pris.».
Amitié reconstituée
À notre question, de savoir pourquoi avoir abordé ce sujet pour une première fiction, après avoir réalisé trois documentaires, la réalisatrice avouera que «des fois quand on écrit un film, c'est le sujet qui nous choisit. Apres, on peut nous dire que ces derniers temps, il y a beaucoup de films sur les années 90...Je pense que s'il y a autant de films, c'est parce qu'il y a un besoin de parler de ces années-là. J'ai choisi de le faire par le prisme d'une amitié brisée. Mais on peut le faire de différentes sortes de manière. Mais il est vrai que c'est un besoin. Cette question a fait silence en nous durant plusieurs années. On ne sait même pas comment les nommer, ces années 90. Est-ce la décennie noire, est-ce la tragédie nationale' On ne trouve pas les mots pour en parler et quand les mots nous manquent ce sont' le cinéma et l'image qui interviennent.» Enfin, à propos des comédiennes, Amel Blidi avouera que ces dernières «ont été d'une intelligence incroyable. Je n'ai jamais eu le sentiment de les diriger... À un moment donné, elles ne jouaient pas, elles étaient...S'il y a bien une chose dont je suis fière, c'est la mise en scène».
En effet, l'écriture minutieuse d'Amel Blidi fouillera non seulement dans les mémoires, mais dans les moindres recoins de ces instants fragiles humains pour nous restituer des plans séquences pleins de vérité. Tout est raconté avec pudeur.
Le sang n'est pas là pour évoquer les morts, mais il est montré à un autre moment clé de l'histoire.. Reste le regard glacial de certains personnages, qui tranchera avec la beauté de la nature et, surtout, de l'âme pure de ces deux adolescentes en phase de se construire et de grandir.. Evoquant sa participation à ce film, la comédienne Samia Meziane dira que «ce fut une très belle expérience», arguant qu'elle se plait toujours à «jouer dans des courts métrages qui, souvent dénotent de l'engagement du réalisateur..». À noter que Amel Blidi a pu choisir ses comédiennes grâce à l'agence Wojooh (que dirige Sarah et Fouad Trifi, Ndlr) grâce à laquelle elle a pu dénicher ses quatre petites perles du film, à savoir Ritadj Dalia Ghazi, Mila Boussouf, Serine Ferdi et Maïssa Belaroussi qui ont superbement évolué aux côtés d'acteurs plus confirmés tels Anya Louanchi, Samia Méziane, Hania Amar, Samir Elhakim... Pour info, «Tchebchaq Maricane» a été récemment projeté à la Mostra du cinéma africain (Brésil). Il poursuit son bonhomme de chemin dans les festivals. Souhaitons lui bon vent!


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