Elle était grande, belle, avait l'allure aristocratique. Mais sa simplicité et son empathie envers les gens, de quelque condition qu'ils soient, la rendaient proche et humble.Là-dessus, une voix qui portait assez et de la volubilité, en veux-tu en voilà, pleinement méditerranéenne, qui ne l'empêchait pas d'écouter l'autre attentivement. Pour toutes ces raisons qui n'en sont peut-être pas, j'aimais l'appeler «duchesse chaâbie». Un sobriquet entre nous en forme de taquinerie.
De ses exubérances, ceux qui l'ont connue ne pourront jamais oublier son rire de gorge qui, tel un emblème sonore, brandissait toute sa personnalité. Humour permanent en tête et aux lèvres. Joie de vivre envers et contre tout, tel un antidote à l'adversité. Pas du tout le genre pleurnichard.
Toujours droit devant, même quand la vie allait à contrevent. Toujours se reprendre quand on était tombé. Une certaine idée de la dignité qu'elle tenait autant de son caractère que de son éducation droite mais ouverte entre un père, pneumologue bien connu, décédé depuis plusieurs années, et une mère franche-comtoise qui avait épousé l'Algérie avec son mari. Née Lazib, le 1er juillet 1965, Aïda avait pris son nom de mariage, El Hachemi, comme carte de visite.
Lors de ses études supérieures en France, elle avait effectué son stage au journal économique La Tribune, dans la rubrique boursière si je ne me trompe pas. Au début des années 80', fraîche émoulue, elle rentre au pays où l'hebdomadaire Algérie-Actualité la recrute. Elle y retrouva sa cousine perdue de vue, la grande critique de cinéma et regrettée Mouny Berrah, née Lazib également.
C'est là que je l'ai connue, au détour d'un éclat de rire dans le couloir de la rédaction. Mais sous ses dehors débonnaires, c'était une grande bosseuse. Et une bosseuse honnête puisqu'elle sut très vite que le journalisme n'était pas son c?ur de métier comme on dit en économie.
Mais il était resté un métier de c?ur qu'il lui arrivait de revisiter par des articles occasionnels. C'est dans la communication qu'elle va s'épanouir. Au moment où l'Algérie basculait dans l'atrocité, alors qu'elle pouvait très aisément s'exiler, elle a choisi de rester et de se battre. De vivre en somme.
Elle crée une agence de communication, InCom, qui se distingue alors en éditant un Guide des entreprises. Comme elle me le disait, c'était plus qu'un guide économique mais l'expression déterminée et touchante de toutes les bonnes volontés qui, en dépit des difficultés, des menaces et des risques immenses, continuaient à produire, distribuer, assurer tous ces petits actes anodins sans lesquels aucune vie n'existerait ni aucune nation d'ailleurs.
Lors de la première réforme de l'enseignement, son agence contribuera à dépoussiérer les manuels scolaires par des maquettes aérées, colorées qui rompaient avec la morosité repoussante des précédents. Par la suite, alors qu'apparaît une concurrence souvent déloyale dans le secteur de la communication, elle ferme son agence et s'établit comme consultante indépendante.
Elle travaille pour des projets de l'Union européenne en Algérie, s'investit dans la communication culturelle et artistique où elle réalisera des supports intelligents et beaux. Et, durant tout ce temps, elle a répondu présente pour quantité de campagnes humanitaires, sociales, s'illustrant par exemple dans celle pour la réforme du Code de la famille avec les associations féminines. En dehors de toute attache partisane, son engagement citoyen était discret mais grandement déterminé.
Qu'elle ait été enterrée hier à Oued Romane, un vendredi 5 octobre, prend un sens à la fois triste et beau. Aïda a mis au monde et élevé trois filles merveilleuses qui sauront être dignes de leur mère et de leur père, brave manager d'une PME. Son rire aux gammes chantantes et diverses va durement nous manquer. Mais son écho résonnera dans nos mémoires.
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Posté Le : 06/10/2018
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Ameziane Ferhani
Source : www.elwatan.com