Le professeur
Addi Lahouari commencera sa conférence donnée dans la matinée de samedi à la
salle Mahmoud Darwich de l'IDRH en rappelant que l'année dernière trois grands
penseurs arabes sont décédés. Il s'agit de Mohamed Arkoun, d'Abdallah Al
Djabiri et d'Abou Zeid. Une dame présente allongera cette liste en ajoutant le
nom du Koweitien El Baghdadi. Mais la conférence de l'hôte de l'IDRH a porté
sur «La raison chez Arkoun et Al Djabiri», deux penseurs maghrébins qui avaient
tenté dans leur Å“uvre une «réévaluation épistémologique du savoir arabe»,
notamment «le savoir religieux». Le conférencier a rappelé qu'Arkoun s'est
employé, tout au long de sa trajectoire de chercheur, à rendre intelligible
«l'impensé de la pensée arabe».
Parce que cet «impensé est porteur d'une
vision implicite du monde». Autrement dit, expliquera Addi, Arkoun a établi une
séparation entre «la dimension mythique» et «la dimension historique» dans la
pensée arabe. La première repose sur la foi et la seconde sur l'analyse
scientifique. Comparant le discours coranique à celui des autres textes sacrés,
Arkoun, selon le conférencier, estime que «la sécularisation est plus facile à
entreprendre dans le cas de l'Islam». Pour la simple raison que «le message
divin a été adressé à des hommes» dotés d'une histoire et d'une culture. Si
cette perspective de sécularisation avait été acceptée par les oulémas, on
aurait assisté à une véritable révolution culturelle, remarquera Addi Lahouari.
Les fouqahas, en s'accrochant à un patrimoine circonscrit entre le 6ème et le
10ème siècle, passent à côté des richesses que recèlent l'Islam et le texte
coranique. Pour Arkoun, selon ADDI, la foi du musulman est en décalage parce
que le discours religieux, vieux de plus de dix siècles, a perdu de sa
pertinence. L'Å“uvre d'Arkoun a jeté les bases d'un «projet de théologie
moderne», estimera le conférencier. Une théologie, à l'instar de la juive ou la
chrétienne, ouverte à la philosophie et aux sciences sociales. Parce que le
savoir religieux musulman est médiéval. Addi tiendra à préciser qu'Arkoun était
admiratif à l'endroit de ce savoir. Ce qui ne l'empêchera pas de relever que la
raison islamique a décliné et qu'elle se trouve confrontée à la question de
l'histoire.
Quant à Al
Djabiri, Addi remarquera qu'il s'est intéressé à la pensée arabe, contrairement
à Arkoun qui a élargi son champ de réflexion au monde musulman. Pour Al
Djabiri, le monde musulman a connu deux raisons : une orientale représentée par
Ibn Sina et une seconde maghrébine représentée par Ibn Rochd. Ce dernier a été
vaincu au Maghreb mais participera à la renaissance du rationalisme
philosophique en Europe.
Cependant,
l'Europe a rompu avec ce cadre conceptuel au 17ème siècle. Pour Al Djabiri,
selon le conférencier, le retard du monde arabe remonte au 12ème siècle et a
coïncidé avec la défaite de la philosophie. Addi estimera qu'Al Djabiri s'est
arrêté «à la critique du thourath». Lors des débats qui ont suivi la
conférence, d'autres aspects de la pensée d'Arkoun et d'Al Djabiri ont été
soulevés. Mais Addi insistera notamment sur l'apport de ces deux penseurs qui
ont essayé de démontrer que «le savoir dans le monde musulman ne fournit plus
les clefs de l'intelligibilité du monde» Et «le fossé est comblé par une
surcharge dogmatique».
Dans ce sens, un
professeur de philosophie présent dans la salle remarquera qu'en un siècle, les
Arabes ont écrit uniquement cinq livres sur la raison. Addi, qui a été très
sollicité par l'assistance, conclura ses interventions en insistant sur le fait
que «le retard des sociétés arabes réside dans le retard de la philosophie».
«Une philosophie
à construire à partir de la sensibilité écrasée par notre identité». Concernant
cette identité, auparavant Addi, lors des débats, a indiqué que notre
patrimoine est idéalisé et non approprié.
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Posté Le : 10/01/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ziad Salah
Source : www.lequotidien-oran.com