Le colloque international d'El Watan, «Cinquante ans après l'indépendance : quel destin pour quelle Algérie '», qui s'est ouvert hier à la salle Cosmos, à Alger, a connu une forte affluence et plusieurs interventions des chercheurs invités. Les travaux se poursuivront aujourd'hui et demain.
Alors que les festivités vont bon train en ce jeudi matin où l'Algérie boucle ses 50 ans d'indépendance, le temps est plutôt à la réflexion à la salle Cosmos (Riadh El Feth), où se tient le colloque d'El Watan sous le thème : «Quel destin pour quelle Algérie '». A l'ouverture du colloque, Omar Belhouchet, directeur d'El Watan, en pose d'emblée les jalons méthodologiques : «Deux lignes de réflexion ont présidé à l'organisation de ce colloque : il s'agissait pour nous de déconstruire deux récits dominants. Le premier, c'est le récit néocolonialiste qui a repris ces dernières années, alors qu'on le croyait relégué à jamais dans les poubelles de l'histoire. (') Nous avons voulu sortir du face-à-face franco-algérien et privilégier les nouvelles recherches historiques. D'où la forte présence de la nouvelle génération d'historiens américains, algériens et français.
Le second grand axe ' et nous y tenions tout particulièrement ' du colloque, c'est le bilan. Ce colloque n'est pas pensé comme une commémoration convenue. Et je ne lance de flèche à personne. Ce 50e anniversaire de l'indépendance nous incite à la réflexion critique. Et nous pensons qu'il appartient à l'élite nationale d'entreprendre cette tâche.» Le premier panel, présidé par le professeur Tayeb Chentouf, s'attache à disséquer cette problématique : «De quoi la conquête coloniale est-elle le nom '». Et c'est Gilbert Meynier qui ouvre le bal. A travers sa communication, «L'Algérie dans la longue durée », l'historien nous convie à un voyage dans le temps jusqu'aux limbes de l'antiquité, «ceci pour rappeler que l'histoire de l'Algérie ne se limite pas à son passé colonial, et qu'elle a des ancrages de plus longue durée», souligne le conférencier. Gilbert Meynier entame cette rétrospective par ce qu'il appelle «les antécédents antiques de l'Algérie».
Souvenirs de Numidie'
«Ces antécédents, c'est l'Algérie ' elle ne s'appelait pas l'Algérie à l'époque ' punique et carthaginoise. Quand vous lisez saint Augustin, vous vous apercevez que le punique était encore parlé dans les campagnes autour de Souk Ahras», indique l'auteur de L'Algérie révélée. S'attardant sur l'époque romaine, Gilbert Meynier observe : «Cette future Algérie a été superficiellement romanisée puisque la civilisation romaine a rayonné surtout à partir des villes. Mais il faut savoir aussi que les élites ''algériennes'' étaient très romanisées. 22% des sénateurs romains provenaient de l'actuel Maghreb, et vous avez des empereurs romains qui étaient maghrébins. L'empereur Septime Sévère était maghrébin. Son fils Caracalla l'était à moitié.»
Parlant de l'islamisation du Maghreb, Gilbert Meynier estime que «le triomphe de l'islam en Afrique du Nord a intégré toute une série de sédimentations antérieures du sacré. Au moment de la colonisation française, l'islam ' je reprends la formule de Jacques Berque ' était un bastion de repli face à la domination coloniale».
Evoquant la période des dynasties berbères, l'historien constate : «Il y a des continuités de pouvoir entre les systèmes dynastiques de ces monarchies berbères et les formes actuelles du pouvoir. Les solidarités régionales gardent un rôle important en Algérie. Dans les années 1980, on parlait de BTS (Batna-Tébessa-Souk Ahras, ndlr), et depuis une dizaine d'années, on parle de l'équipe de Tlemcen. Ainsi, les dirigeants du centre de l'Algérie sont issus de sa périphérie et régentent l'ensemble du pays.»
Ahmed Bey, le dernier chef ottoman
Pour sa part, Fatima Zohra Guechi, professeur à l'université de Constantine, consacrera son intervention à la résistance d'Ahmed Bey (1786-1851). L'auteur de Constantine, une ville, des héritages précise de prime abord que celui qui avait accédé à la fonction de bey de Constantine en 1826 s'était engagé dans la résistance anticoloniale dès le débarquement des troupes françaises à Sidi Fredj. «Il se trouve que le 5 juillet 1830, Hadj Ahmed Bey était en mission à Alger afin de remettre les impôts prélevés par le beylicat de l'Est. Il a aussitôt pris part à la première résistance à l'occupant. Il était positionné à Staouéli. Après, il s'est replié vers son territoire pour mieux s'organiser. Il a résisté vaillamment pendant 18 ans, de 1830 à 1848.» L'historienne met l'accent sur l'acharnement d'Ahmed Bey à perpétuer les symboles de la souveraineté ottomane. «Il a frappé une nouvelle monnaie, confectionné un nouveau drapeau et s'est attribué le titre de pacha», indique-t-elle.
Sur le plan militaire, il inflige en 1836 une cuisante défaite aux troupes du maréchal Clauzel. Mais la ville de Constantine finit par tomber en 1837. Ahmed Bey va trouver refuge parmi les tribus du Sud-Est algérien qu'il tente de soulever.
Etablissant un parallèle entre la résistance d'Ahmed Bey et celle de l'Emir Abdelkader, Fatima Zohra Guechi dira : «Chacun d'eux avait un projet d'Etat et un projet de société. On peut décrire le projet d'Ahmed Bey comme étant ''passéiste''. Il s'est arc-bouté à la légitimité ottomane en dépit du fait qu'il était lâché par le sultan. Quant à l'Emir, il a essayé de coller à son époque en fondant un Etat algérien affranchi de la tutelle ottomane et cherchant à négocier d'égal à égal avec la France. Mais son projet s'avérait précoce par rapport à la structure sociale et politique de l'Algérie du XIXe siècle.»
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Posté Le : 06/07/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Mustapha Benfodil
Source : www.elwatan.com