Algérie

Achour Ouamara Parcours d’un écrivain de l’exil



Achour Ouamara Parcours d’un écrivain de l’exil
Publié le 04.09.2023 dans le Quotidien l’Expression
Par Aomar Mohellebi

Il est l'auteur de livres touchant à plusieurs genres dont le roman, le théâtre, l'essai, etc. Achour Ouamara a vu le jour au village Tifilkout, dans la région d'Ililten, qui vient, d'ailleurs, d'abriter les Journées du théâtre Boubekeur Makhoukh, un autre enfant de la localité. Achour Ouamara vit toutefois en France depuis un demi-siècle. Ainsi, il reste viscéralement attaché à sa terre natale, comme le prouvent et le démontrent ses différents textes littéraires. En plus des livres dont il est l'auteur, il a également codirigé une revue sur l'exil et la migration pendant une vingtaine d'années.

Achour Ouamara, qui a la sensibilité à fleur de peau, demeure particulièrement et profondément marqué par son enfance, dont les stigmates de la guerre d'indépendance demeurent indélébiles à ce jour, et comment peut-il en être autrement: «je suis un enfant de la guerre. J'ai passé toute mon enfance dans la guerre. D'abord, avec les ratissages terribles des paras et des légionnaires français. Puis, une fois notre village transformé en village de regroupement (six villages alentours y étaient installés), nous avons vécu avec des barbelés tout autour du village et sous un couvre-feu». C'est à partir de là que Achour Ouamara a commencé à aller à l'école française après avoir fréquenté, pour une brève durée, une école coranique dont le cheikh a été exécuté par l'armée française. «Après la guerre j'ai été admis dans une maison d'enfants de chouhadas. C'est ainsi que j'ai pu poursuivre les études. Beaucoup de mes pairs n'ont pas eu cette chance à l'époque», précise Ouamara. Cette enfance passée dans un contexte tout particulier et extrêmement violent et traumatisant, n'est sans aucun doute pas étrangère à l'éclosion du don et du talent de Achour Ouamara pour l'écriture. À telle enseigne que notre auteur pense sincèrement que l'écriture lui est venue tout naturellement.

Ecrire naturellement
Pourtant, il fait preuve d'humilité: «Je ne me considère pas comme un écrivain, car je n'en fais pas un métier, et je n'écris que quand un sujet me démange ou m'indigne». Avec cinq livres édités, Ouamara reste modeste, comme on le constate et il considère que le fait d'avoir publié cinq livres reste insuffisant pour prétendre au titre d'écrivain à part entière. Qu'est-ce qui a provoqué le déclic en lui et l'a poussé à s'attaquer à l'écriture de livres? Après un bref temps de réflexion, Achour Ouamara conclut: «Je pense que c'est ma thèse de doctorat qui m'a vraiment donné le goût d'écrire. La rédaction d'une thèse est un bon exercice d'écriture. J'ai écrit d'abord des articles, puis petit à petit des ouvrages».

Un serment à l'intention des Algériens
Le tout premier livre de Achour Ouamara a paru en 1993. Il s'agit de «Le discours désimigré», un essai paru aux éditions «Bouchène» d'Alger. Parallèlement à l'écriture, Ouamara a touché à plusieurs autres domaines. Il aborde cet aspect avec beaucoup d'humour: «J'ai touché un peu à tout, tant et si bien que je ne suis spécialiste de rien, mais je peux parler de tout. J'ai fait des études d'informatique, ensuite j'ai viré en sciences sociales (un peu de psy, diplôme de linguistique et une maîtrise de sociologie). C'est à partir de là que j'ai plus ou moins croisé ces différentes disciplines dans l'analyse du discours qui fait appel à l'histoire, à la linguistique, et à l'informatique puisqu'on traite les corpus de discours à l'ordinateur, au niveau statistique et syntaxique, ça aide mais ça ne fait pas l'analyse!

Le livre que Ouamara a publié en 1993 traite du discours sur l'immigration. Il a paru juste après les débats sur le voile dans les établissements scolaires. À l'époque, toute la «patrie» xénophobe s'en était donnée à coeur joie: «j'y traite les grands paradigmes qui structurent ce discours que j'analyse à travers différents paradigmes qui le commandent: le paradigme de la prolifération, de la contamination, de la fissuration, de l'absorption, de l'euphémisation, de la fusion. Avec ces paradigmes j'aborde les principaux thèmes dont fait l'objet l'immigré: le racisme, l'intégration, les jeunes issus de l'immigration, la division identitaire, etc». Qu'en est-il de son second livre? «Oublier la France» est un essai paru en 1997 aux éditions de l'Aube. De quoi est-il question dans ce livre? L'auteur nous explique que «Oublier la France» est une sorte de serment à l'intention des Algériens: «Je voulais montrer combien on met sur le dos de la France des manquements dont il est responsable. Ce n'est sûrement pas oublier la colonisation, c'est s'en émanciper pour regarder ses propres tares, et distinguer les causes endogènes des causes exogènes de nos malheurs».

En 1998, Ouamara a publié chez Marsa éditions de l'écrivain Aiïsa Khelladi son roman intitulé «Il était une fois...».
Ce roman raconte l'histoire d'un village aux prises avec une étrangère qui a semé la division entre deux clans, ses soutiens qu'elle séduit par ses charmes et ses services (!), et ses adversaires qu'elle horripile par son comportement contraire aux us et coutumes. Elle s'appelle Mouria».

Toujours, chez Marsa éditions, l'auteur a publié la pièce de théâtre «La défunte». Il y est question de la décennie noire. Une défunte, visiblement morte suite à des tortures, doit être identifiée par deux préposés qui palabrent autour de son cercueil en attendant que les officiels arrivent. Dans «Le voyage au bout de l'exil», paru en 2021, l'auteur a mis à profit son expérience et son travail sur le discours: «j'ai, au bout d'un moment, trouvé que le discours sur l'étranger, la discrimination, etc. tournent en rond. J'ai donc voulu aborder cette thématique à travers le parcours d'un exilé en le suivant dans ses étapes, de son départ jusqu'à sa possible mort dans l'exil». Dans cet ouvrage, le narrateur qui n'est autre que l'auteur lui-même, s'adresse à un exilé. Il le met en garde contre les illusions de l'exil. «J'étends le sens d'exilé à toute personne qui quitte son pays natal, quelles que soient les causes de son départ, car les étrangers partagent beaucoup d'écueils dans leur condition exilique, souligne Ouamara. Et d'ajouter: «Là aussi, j'aborde des thèmes que tout le monde connaît ou a vécus, mais je les traite d'une façon singulière, du moins je l'espère. Ce n'est pas un roman, ni un essai, ni une autobiographie», précise l'auteur. Mais c'est un peu tout ça. Pourquoi le thème de l'exil hante-t-il tant Achour Ouamara?«La migration des hommes existe depuis la nuit des temps. Nous n'existerions pas si les premiers hommes africains ne se sont pas déplacés plus loin que leur territoire. C'est, je dirais, le propre de l'homme que de migrer. Hélas, les problèmes de l'exil ne disparaîtront pas non plus. Il y aura toujours des autochtones en mal de l'étranger, et, paradoxe, souvent des autochtones anciennement immigrés!», conclut l'auteur.



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