Algérie

ACCUSES DE PARTOUT La colère des magistrats



ACCUSES DE PARTOUT La colère des magistrats
Les juges ont vidé leur sac et fait part de leur colère. Ils l'ont fait hier lors de l'assemblée générale du Syndicat national des magistrats (SNM), qui s'est tenue au siège de la cour d'Alger. La situation socioprofessionnelle, les critiques faites à leur encontre par les avocats ou encore «l'indifférence» de la chancellerie sont autant de problèmes à l'origine de la «protesta» des juges.
Abder Bettache - Alger (Le Soir) - Les juges montent au créneau et décident de briser la loi du silence. Hier, ils ont saisi l'opportunité de la tenue de l'assemblée générale des magistrats de la région du Centre, sous l'égide du Syndicat national des magistrats, pour s'indigner contre «l'atteinte flagrante à l'intégrité socioprofessionnelle du juge». C'est le constat général qui s'est dégagé lors des différentes interventions. En effet, les juges ont dressé un véritable réquisitoire contre «certains avocats qui font dans la manipulation» ou encore «ceux qui utilisent l'administration pour instaurer l'arbitraire au sein de notre corporation ». Tout a commencé lorsqu'une juge a pris la parole pour «dénoncer les accusations portées à l'encontre des magistrats par deux avocats connus sur la place d'Alger, à l'occasion d'une émission diffusée par Canal Algérie». Une occasion pour le président du Syndicat national des magistrats de dénoncer l'attitude de l'ex-bâtonnier national, Me Boudiaf ou encore «les propos malsains tenus par Farouk Ksentini». Selon Djamel Aïdouni, «ces deux avocats n'ont point respecté l'éthique professionnelle et n'ont pas hésité à porter atteinte à l'honneur des magistrats». «A celui qui touchera à notre dignité, nous lui répondrons », a répliqué le président du SNM, qui, aussitôt, a souligné «les agissements de l'avocat Boudiaf à l'époque où il était juge à Oran». «Il est mal placé pour critiquer le juge ou l'évaluer. Je rappelle ici devant vous les agissements de Me. Boudiaf lorsqu'il était à la tête du tribunal d'Oran et son implication dans une affaire de saisie d'un bien immobilier. Alors, je lui dis : vous êtes mal placé pour critiquer le juge ou dénigrer le magistrat », a-t-il souligné, avant de dresser le même réquisitoire contre Farouk Ksentini. A ce dernier, il lance une invitation pour «une confrontation télévisuelle et lui dire les quatre vérités en face».
«Nous répondrons à tous ceux qui nous insultent»
L'intervention du président du Syndicat national des magistrats a donné un ton particulier à cette assemblée générale. Ses propos ont libéré les juges présents qui ont leur tour exprimé leur colère. «Les magistrats sont humiliés tant par leur tutelle que par les avocats. Ils sont également pointés doigt par les citoyens, qui nous accusent d'être à l'origine de tous les maux. C'est absolument faux. Nous sommes des citoyens à part entière. Nous avons des défauts comme nous avons des qualités, mais personne n'a le droit de nous humilier de nous porter préjudice et atteinte. Nous répondrons à tous ceux qui oseront insulter le juge», dira le représentant des magistrats de Tizi-Ouzou. Pour sa part, le représentant d'Alger est allé loin dans son intervention en posant la problématique de l'indépendance de la justice. Selon lui, «le juge ne peut revendiquer cette indépendance s'il ne jouit pas d'une forte personnalité tant dans son comportement que dans l'exercice de sa fonction». Le juge a le droit de se tromper. C'est un humain. Mais ce même juge doit exercer pleinement son métier en n'obéissant qu'à conscience et à la loi qui régit sa profession », affirmera-t-il. D'autres juges sont intervenus pour dénoncer «l'attitude de la tutelle qui n'hésite pas à prendre des mesures disciplinaires contre les magistrats sans arguments solides ou encore sa complaisance vis-à-vis des attaques dont nous sommes victimes». «Notre syndicat doit réagir et prendre ses responsabilités. Nous devons prouver à tout le monde que vos propos et attitudes sont illégaux et injustes. On ne peut parler d'indépendance de la justice si le juge subit toutes ces pressions et agressions et si sa situation socioprofessionnelle est en deçà de sa mission», a-t-on soutenu. L'ambiance qui a régné lors de cette rencontre renseigne sur le malaise que traverse cette corporation. En somme, bien loin d'être une protestation épidermique et de circonstance, qui viserait à éviter que certains d'entre eux soient sanctionnés pour leurs éventuelles erreurs, la colère des juges est plutôt révélatrice de l'ampleur de ce malaise qui agite les juridictions.


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