Algérie

«Accélérer le développement économique via le concept télé-migrant»



Entretien réalisé par Ilhem Tir
Lotfi Boughadou, docteur en économie et consultant auprès de plusieurs entreprises, aussi bien privées que publiques, a estimé qu'en vue d'accélérer le développement économique en Algérie, il est devenu impératif de se pencher soigneusement sur le sujet qui relève du capital humain. Car même la formation à l'étranger et l'arrivée des IDE n'ont pas suffi pour atteindre la maturité économique d'un niveau international via le transfert de compétences, vu le niveau des soft skills du travailleur algérien.
Le Soir d'Algérie : Quel constat faites-vous concernant la situation économique et les plans de relance en cette période de pandémie '
Lotfi Boughadou : Depuis l'indépendance, l'Algérie n'est passée, principalement, que par des crises : de l'économie planifiée, puis la restructuration, vers la privatisation jusqu'à l'ère de l'économie de marché, nous avons constaté que peu ou presque aucun retour sur investissement n'a été dégagé par les projets réalisés. Et à partir des plans de relance économique, à ce jour, beaucoup de projets inachevés et d'autres abandonnés suite à la pandémie. Et d'autres encore abandonnés tout simplement par erreur de choix stratégique. Par ailleurs, nous avons constaté que tous les organes sont soucieux de la source du financement, alors que le c?ur du problème réside dans le facteur humain qui est la locomotive de la prise de décision, réalisation des études, etc.
Selon les prévisions du FMI arrêtées à avril 2021, en raison de la pandémie internationale Covid-19, la croissance du PIB a reculé de 6% en 2020 (PIB Algérie 2019=169.99 milliards de $), bien qu'un scénario optimiste soit en vue car le PIB devrait progresser de 2,9% en 2021 et se stabiliser à 2,8% en 2022, sous réserve de la reprise économique, car cela repose aussi sur la capacité de s'adapter malgré la pandémie, et surtout, trouver des idées innovantes via un brainstorming pour améliorer et poursuivre l'accélération du développement économique. Il faut aussi tenir compte de trois paramètres importants qui sont : l'inflation estimée à 3.9% en mai 2021, le taux de chômage à 14.5% à avril 2021 et la baisse considérable de l'indexation du baril du pétrole (64.97 $ en août 2021).
Que faut-il faire pour accélérer le développement économique en Algérie '
Afin d'accélérer le développement économique en Algérie, il est devenu impératif de se pencher soigneusement sur le sujet qui relève du capital humain, car même la formation à l'étranger et l'arrivée des IDE n'ont pas suffi pour atteindre la maturité économique d'un niveau international via le transfert de compétences, vu le niveau des soft skills du travailleur algérien.
Pour ce faire, il est préférable de procéder à un changement de méthode et négocier directement avec le personnel métier dans une dimension monde. En délocalisant certains emplois qualifiés, surtout ceux des profils de métiers rares et/ou techniques : développeur full stack ..., et en puisant dans des zones moins coûteuses.
Cela va-t-il nous permettre de réaliser des recrutements à l'échelle mondiale '
Une fois enjambé le boom du télétravail qui semble, visiblement et vraisemblablement, avoir fait un tabac pendant le confinement, on peut être condamné à s'ouvrir sur le marché mondial du travail. Cela nous mènera inéluctablement vers une main-d'?uvre qualifiée et variée, avec plus de choix sur un large panel, avec un personnel qui apportera plus de valeur ajoutée, en intégrant l'intérêt et en accentuant le point sur une innovation basée sur des réalisations concrètes (matérialisation du fameux « retour sur expérience »). Cela, tout en gardant un ?il constamment vigilant sur les notions de « frais de personnel », de « frais généraux ».Tout ceci, à condition, bien entendu, de s'inscrire dans une politique de réduction des coûts, ainsi que de prendre en compte et une sérieuse considération les profils susceptibles d'être assimilés à ce concept (satisfaction du degré de maturité, obligation d'honorer les délais, etc.).
D'où le concept de « télé-migrant » '
Le concept de « télé-migrant » est une ?uvre de création de nouvelles habitudes de travail, et non pas seulement un simple effet d'évolution technologique, comme le prétendent volontiers certains. Car les outils employés, à ce jour, existaient bel et bien, mais force est de constater qu'ils sont, pour le moins qu'on puisse dire, peu exploités, pour ne pas dire sous-utilisés ou, en tous cas, très souvent, mal investis. Aussi, il faudra souligner que ce concept est indubitablement amené à effectuer moins de déplacements, a contrario à faire appel à plus de moyens technologiques pour être joignable et un surcroît d'outils de « tracking » favorisant, par voie de conséquence, un pilotage et un suivi plus pointus et, surtout, très regardant sur le détail autant que sur la qualité du travail et, également, du livrable. Cette vision stratégique ne peut et ne pourra réussir que si la réglementation est en mesure d'anticiper sur la promulgation de textes de loi destinés à mettre en place un mécanisme de recrutement à l'international. Notamment en agissant sur les clauses qui doivent figurer sur le contrat de travail international avec le lien de subordination qui lui est intimement lié, les états de disponibilité (contrainte du « jetlag »), la couverture sociale, la gestion des conflits... Ce qui appelle à l'évidence, également, à l'intégration simultanée des clauses relatives à la loi sur la signature électronique et la protection des données personnelles, ainsi que le protocole de transfert et d'échange de données aux fins de permettre un meilleur ruissellement du flux d'information, en évitant les piratages et le décryptage. Sans oublier de conférer aux procédures y afférentes un caractère officiel, avec l'assurance du formalisme requis, nécessaire et suffisant, via un commun accord.
Qu'en est-il pour l'Algérie '
En Algérie, cette pratique pourra naître avec l'avènement des « start-up » car, à ce jour, les pratiques les plus connues sont celles issues principalement des multinationales via des contrats d'expatriation.
Ce qui a mené vers une délocalisation de certaines fonctions supports (ressources humaines, informatique & technologie, finances, ...), le plus souvent régie par la loi n°81-10 du 11 juillet 1981 relative aux conditions d'emploi des travailleurs étrangers, qui demeure insuffisante pour réaliser ce type de recrutement.
Si le concept de « télé-migrant» est intégré correctement dans le processus, cela permettra de recruter à l'international, sans avoir à faire déplacer le capital humain de l'étranger vers l'Algérie et vice-versa.
Ce concept forgé en fin 2020, par l'économiste Richard Baldwin, nous laisse, quand même, perplexes par rapport à la faisabilité du point de vue de sa réalisation sur le terrain, vu les écarts réglementaires entre les pays, d'une part, et compte tenu de l'absence d'accords gouvernementaux (transfert de couverture sociale, retraite, mode de paiement des salaires, ...), d'autre part.
À ce jour, s'il est ordinairement reconnu et admis que certains patrons comme ceux des réseaux sociaux, des plateformes d'e-commerce et certaines start-up ont déjà effectué ce type de déploiement, il est relativement aisé de constater qu'ils l'ont fait en mode « free-lancer », en ordre dispersé, en quelque sorte, sachant qu'on ne peut pas tout faire à distance. La formule en « présentiel » étant très probablement appelée à durer plus longtemps, tout porte à croire qu'elle restera, au moins jusqu'à preuve du contraire, toujours en vigueur, et que sa disparition n'est pas pour bientôt. Notamment, concernant certains métiers privilégiés.
I. T.


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