Quasi aveugle, assise sur des nattes à même le sol dans une pièce miséreuse, la vieille dame accepte d'enregistrer un message pour la caméra du journal français « Paris Match ». « Je demande à Dieu de le ramener sur le droit chemin... Qu'il se rende, qu'il cesse ce qu'il fait», déclare Hadja Fatma, une veuve presque paralytique d'environ 85 ans. (Il), c'est son fils, Abdelhamid Abou Zeid, le nouvel ennemi de la France.
Un redoutable chef d'Al-Qaïda au Maghreb ¬islamique qui détient sept otages, cinq Français, un -Malgache et un Togolais, depuis leur enlèvement, le 16 septembre, sur le site d'Arlit, au Niger, où ils travaillaient pour le géant français du nucléaire, Areva.Hadja Fatma ne l'appelle pas Abou Zeid, son nom de guerre dans l'Aqmi. Pour elle, il reste Abid, le garçonnet aux grands yeux tristes dont elle conserve une photo sépia sur le mur. « J'espère le revoir avant de mourir », dit-elle. Peut-être est-ce pour ça que la police stationne en permanence devant sa porte. Personne d'autre que sa mère ne veut parler d'Abou Zeid à Zaouia El-Abidia, bled perdu dans le désert algérien, à près de 600 kilomètres au sud d'Alger. Ni sa femme Hafsa, épousée en 1992 et délaissée depuis, qui vit chez son père, l'imam du quartier. Ni ses s'urs Hadia et Yemna, ou les enfants de son frère, Bachir, tué en 1996. « Tout le monde à peur », dit un de ses anciens amis, sous couvert d'anonymat.
La mère d'Abou Zeid: «Il était très dissipé, mais gentil avec moi»
Né le 12 décembre 1965, Abid Hamadou, alias Abdelhamid Abou Zeid, vient d'une famille très humble. Ce sont des Chechna, une peuplade qui vit depuis des temps immémoriaux dans les oasis en ¬lisière du désert. Le père, Abbas, est si pauvre qu'il doit émigrer pour trouver du travail comme man'uvre dans les fermes du nord du pays. La famille le suit à Bougaa, près de ¬Sétif, où Abou Zeid connaîtra les longs ¬hivers glacés des hauts plateaux, mais aussi les sarcasmes envers sa peau foncée d'enfant du désert. « Il était très dissipé, mais gentil avec moi », se souvient sa mère. Le garçon abandonne l'école à la fin du collège, peu avant que la mai¬sonnée ne ¬revienne à Zaouia El-Abidia. Il n'y a presque pas de travail dans cette bourgade de 22 000 habitants, où la plupart des foyers subsistent en cultivant le palmier dattier. Sur la route goudronnée du centre-ville, une grande mairie aux murs délavés et quelques habitations en parpaing mal finies. Dans les contre-allées pleines de sable, beaucoup de maisons en brique séchée qui s'effritent. Celle d'Abou Zeid est dans une des ruelles les plus modestes, au numéro 3. Sur la simple porte en fer, on a inscrit « Dar es ¬sallam », la maison de la paix en arabe. « C'est Abid qui l'a peint de sa main », dit sa mère. Le jeune homme commence comme garçon de ferme, puis maçon. « C'est de là que vient son surnom, Mouallem », déclare son ami d'enfance. Un sobriquet qui veut dire « l'instituteur », car connaître la maçonnerie est déjà une forme de savoir.
«Il a la haine de l'Etat profondément ancrée en lui»
Mais Abou Zeid se lance aussi dans la contrebande à travers la frontière libyenne, à plus de 300 kilo¬mètres de là. Il est arrêté, fait de la prison. « Il a de la haine envers l'Etat, c'est profondément ancré dans sa personnalité », Les services de sécurités algériennes, pensent qu'Abou Zeid bascule avant son ¬dernier passage en prison, en 1992.Il trafiquait dès cette époque pour les réseaux de soutien aux groupes armés. Sa mère dit qu'il s'était mis à fréquenter les islamistes des Frères musulmans au moment de la mort de son père, en 1989. « Avant ça, il était très ouvert, il aimait bien rigoler », déclare aussi son ami de Zaouia El-Abidia, où les Chechna sont connus pour faire la fête et boire de l'alcool de vin de palme, malgré l'interdiction du Coran.Au début des années 90, Abou Zeid achète une petite palmeraie, non loin de la ville. « Il me demandait de préparer la semoule pour 40 personnes, en disant que c'étaient ses ouvriers sur la palmeraie, se souvient la mère. En fait, ils ne fichaient rien, c'étaient des islamistes, mais je n'ai jamais rien pu lui refuser. » C'est l'époque où l'Algérie s'embrase. Le Front islamique du ¬salut mène aux élections législatives de 1991, avant que l'armée n'annule le second tour du scrutin. Abou Zeid est membre du bureau du FIS à Touggourt, la grande ville du coin.Tout bascule en 1996, quand l'armée tend une embuscade à un groupe armé près de Zaouia El-¬Abidia. Le chef local du FIS et surtout Bachir, le frère chéri d'Abou Zeid, font partie des militants abattus. Abou Zeid en réchappe, mais il doit maintenant entrer en clandestinité. Très vite, il rejoint le Groupe islamique armé (GIA). Au début, c'est un sans-grade dans le « ma¬quis », puis, vers l'an 2000, il rejoint les rangs du GSPC, le Groupe salafiste pour la prédication et le combat.
Abou Zeid, doctrinaire rigide et émir cruel d'AQMI
Son nom serait Mohamed Ghdir, un Algérien de 45 ans. Il a été condamné le 2 janvier 2012 à la perpétuité par contumace. Né en 1965 dans la région de Debdab dans la province algérienne d'Illizi proche de la frontière libyenne, Abou Zeid s'est engagé aux côtés du Front islamique du salut (FIS) durant la guerre civile algérienne. Membre du Groupe islamique armé (GIA) puis du GSPC, il a gravi les échelons de l'organisation, devenue AQMI en 2007. C'est un idéologue, un doctrinaire assez rigide. Cela a été un avantage dans son ascension mais l'a empêché de fédérer toutes les mouvances de la nébuleuse", indique Mathieu Guidère, islamologue.
L'émir des régions sud d'AQMI est toujours resté attaché à la ligne historique et orthodoxe d'Al-Qaida, définie par Ben Laden autour de deux dogmes : le djihad global et l'application stricte et immédiate de la charia ("loi islamique"). A Tombouctou, ville du nord du Mali où il s'est installé avec ses combattants en avril 2012, Abdelhamid AbouZeid était devenu une figure crainte. Les habitants le décrivent comme un homme de petite taille à la barbe grise, à l'allure calme mais stricte, et toujours armé de sa kalachnikov. Pendant des mois, il a imposé à la population locale une forme extrême de charia prévoyant des amputations pour châtiment.
Une façon de faire qui lui valu des critiques au sein de l'organisation même. "Depuis la mort de Ben laden, en plein printemps arabe, beaucoup de chefs d'Al-Qaida ont remis en cause les deux dogmes de la ligne orthodoxe. Ces divergences sont notamment apparues clairement dans le document retrouvé à Tombouctou où l'émir Droukdel émet des critiques sur la façon dont Abou Zeid a régi la ville et rappelle que la lutte ne consiste pas à mener un djihad global mais à instaurer un Etat islamique et à préparer progressivement la population à l'application de la charia", indique l'islamologue.Avec sa katiba Tareq IbnZiyad, une unité de 300 combattants créée il y a sept ans et devenue célèbre pour ses actions commando, Abou Zeid a installé son quartier général dans l'Adrar des Ifoghas, au nord-est du Mali. Présenté comme l'un des chefs les plus cruels de l'organisation, l'homme s'est illustré par les enlèvements. On lui attribue l'enlèvement d'une vingtaine d'occidentaux dans le Sahara ces cinq dernières années, qui ont rapporté plusieurs millions de dollars à AQMI en paiement de rançons. Il serait ainsi derrière le kidnapping de cinq Français, un Malgache et un Togolais à Arlit, dans le nord du Niger, en 2010. On estime qu'il a procédé à deux exécutions, celle du Britannique EdwinDyer en 2009 et celle en 2010 du Français Michel Germaneau, qui avait 78 ans. Robert Fowler, un diplomate canadien qui fut otage au Sahara, a raconté comment Abou Zeïd avait refusé de fournir des médicaments à deux otages souffrant de dysenterie, dont l'un avait été piqué par un scorpion. Quand Tombouctou a été repris en janvier, Abou Zeid a emmené avec lui plusieurs otages occidentaux les yeux bandés, selon des habitants.
Sa mort signerait « la fin de la présence d'AQMI au Sahel » selon un expert
Si elle était confirmée, sa mort signerait la "fin de la présence d'AQMI au Sahel, indique Mathieu Guidère, un expert français. Il est le dernier représentant officiel d'Al-Qaida au Sahel et le dernier chef rattaché à l'émir d'AQMI Abdelmalek Droukdel." Tous les autres chefs ont quitté AQMI pour créer leur propre groupe, à l'instar de Mokhtar Belmokhtar dont la katiba ("brigade") des Signataires par le sang.
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Posté Le : 02/03/2013
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Ismain
Source : www.reflexiondz.net