Algérie

Abou Jabal raconte les négociations autour des rançons et de l'achat d'armement



Ils permettent également de comprendre comment cet émir de la zone 9 a sévi au sud du pays sous la bannière du GIA et du GSPC.
Né en 1972 dans la ville de Sidi Khaled, à Biskra, Abou Jabal, de son vrai nom Gharbia Ammar, a rejoint le GIA vers juillet 1996, après avoir été  condamné (en 1993) pour soutien au terrorisme. C’est un de ses amis, Al Arkam, de son vrai nom Mohamed Al Amri, qui lui propose d’intégrer le groupe de Mokhtar Kadadou, dit Abou Al Houmam, émir du GIA pour la région de Sidi Khaled, à Biskra. Il est transféré, avec un groupe de nouvelles recrues, vers Djebel Boukhil où campe une phalange d’une quarantaine de membres dirigée par Abou Al Horr (Abilas Salah). Là commence alors sa participation présumée à de nombreuses opérations armées, dont des faux barrages où une trentaine de personnes ont été tuées, des vols de véhicules 4x4 et de camions, des attentats à l’explosif contre les forces de sécurité et des embuscades contre les douaniers. Sa katiba grossit et atteint plus de 90 éléments.  Début 1998, l’émir de la zone 9 pour le GIA, Mokhtar Belmokhtar, réunit tous les effectifs de cette zone et les installe dans cette montagne. Deux mois plus tard, il dirige un groupe de 25 terroristes, dont Abou Jabal, pour mener une embuscade contre des éléments de Antar Zouabri, à djebel Bou Saâda. Les «faits d’armes» se multiplient.  Début 1999, il se rend pour la première fois au Niger, avec 35 autres terroristes dirigés par Mokhtar Belmokhtar. Le groupe installe des campements au nord et, pendant trois mois, effectue des entraînements militaires assurés par Abou Ishak et Hicham. Les camions volés en Algérie sont vendus à raison de 4 millions de francs CFA à un Nigérien d’une tribu arabe.  En juillet de la même année, il se dirige vers la frontière algéro-malienne et vole, en territoire algérien, un  4x4 appartenant à des médecins. Il récupère des camions qu’il avait enterrés sous le sable avant de revenir vers le Niger. Les terroristes y restent quelque temps avant que Belmokhtar ne leur donne l’ordre de retourner à djebel Boukhil. En cours de route, ils commettent de nombreux attentats, dont l’assassinat de quatre agents de sécurité de Sonatrach, auxquels ils prennent leurs armes et volent plusieurs véhicules tout-terrain et des camions.  En arrivant au Niger, ils trouvent cinq éléments venus de Sidi Ali Bounab dans le camp. Il s’agit du chargé de la communication Ayoub, Billal Oulbani, de Messaoud El Para, Messaoud et Daoud envoyés pour proposer à Belmokhtar l’unification des rangs sous la bannière du GSPC.      Belmokhtar et ses contacts avec des officiers maliens
En janvier 2000, Abou Jabal est chargé, avec deux autres terroristes, Abou Ishak et Bachir, de récupérer 3000 unités de munition dissimulées non loin de Jbal Boukhil et de les donner à un certain Daoud, du GSPC, pour être remises à Hassan Hattab. Après son ralliement au GSPC, Belmokhtar se déplace en compagnie de 16 «hommes», dont Abou Jabal, au Niger. Durant le trajet, le groupe s’empare d’un camion (dissimulé sous le sable), de pneus et d’un groupe électrogène. Leur arrivée à destination coïncide avec la préparation du Rallye Paris-Dakar. Abou Ayoub joint par téléphone Mohamed Al Moughtareb, natif de Ghardaïa, résident en Grande-Bretagne. Il lui demande les points de passage des participants à cette course. Mais les autorités nigériennes découvrent ces activités et déclenchent une opération militaire. Le groupe est contraint de retourner au pays.  Dans une embuscade menée par Belmokhtar contre des trafiquants de cigarettes, Abou Jabal se fracture une jambe. La blessure ne l’empêche pas de prendre part à une embuscade contre 7 douaniers. Quelque temps plus tard, le groupe revient avec Belmokhtar au Niger.
Transactions avec le capitaine Lamana de l’armée malienne
Vers  la fin 2001, Abou Jabal est chargé par son chef de prendre attache avec l’officier malien pour acheter des munitions. Il se déplace avec une somme de 6 millions de francs CFA, à bord d’une Toyota, en compagnie de deux terroristes, dont Oussama (un élément envoyé par le groupe terroriste qui active en Grande-Bretagne) et Mohamed Sidani. Le véhicule arrive à Niamey, où Oussama est déposé, avant de rallier la frontière nigéro-malienne qu’il franchit avec de faux papiers d’identité.  Abou Jabal se dirige vers la maison du capitaine Lamana (cet officier a été assassiné par un groupe armé qui a investi sa maison en juillet 2009, alors qu’il se trouvait avec sa femme et ses enfants), à Tombouctou. Il y reste trois jours avant de parler de la transaction pour l’achat de 3000 pièces de munitions. La marchandise est acheminée de Mauritanie et transférée vers le Mali. Mokhtar Belmokhtar et 12 autres terroristes rejoignent les émissaires et négocient le prix, arrêté à 1,5 million de francs CFA. Abou Jabal retourne avec Sidani Mohamed, Abou Ishak et le capitaine Lamana se rendent à Tombouctou où ils y restent 25 jours durant lesquels ils font des provisions et en profitent pour vendre deux camions pour 30 millions de francs CFA. Dans cette région, un certain Omar de Tombouctou propose à Belmokhtar des armes lourdes, des Doutchka, et ce dernier charge  Abou Jabal et Abou Ishak d’accompagner Omar à Tombouctou pour voir la marchandise et l’acheter. Une fois sur les lieux, ils sont interpellés par deux agents des services secrets maliens. Le nommé Omar intercède. Il emmène les deux Algériens au domicile du capitaine Lamana. Un des deux agents les accompagne. Une fois à la maison, le capitaine ordonne à ce dernier de partir. Après une longue discussion en aparté avec le capitaine, Omar informe Abou Jabal de l’échec de la transaction pour l’achat des armes. Les émissaires quittent Tombouctou. Mais en cours de route, ils font l’objet d’une agression et perdent tout leur argent.
43 000 pièces de munitions achetées et acheminées vers la frontière algérienne
Début 2002, le groupe de Abou Jabal est au nord du Niger. Mohamed Sidani  arrive, accompagné d’un certain Abou Mohamed Imad Eddine Al Yemani, émir du camp d’entraînement Al Farouk, en Afghanistan. Il est envoyé par Oussama Ben Laden dans le but de s’enquérir de la voie des groupes islamistes en Algérie. Dix jours après, Sidani arrive avec un autre terroriste, Abou Oussama de Blida, un émissaire du groupe terroriste qui active en Grande-Bretagne, venu rencontrer Hassan Hattab. Abou Jabal raconte que c’est durant cette période que Belmokhtar dépêche 4 terroristes à la frontière mauritanienne pour acheter 40 000 pièces de munitions auprès d’un certain Djaâfer, un Arabe nigérien.
En 2002, le groupe décide d’acheminer la marchandise vers Djbel Boukhil, en Algérie. Les 43 000 pièces sont chargées à bord de 3 véhicules Toyota. A la frontière avec le Mali, les terroristes attaquent un convoi de trafiquants de cigarettes et leur volent du carburant. Certains des 4x4 subtilisés sont dissimulés sous le sable. Le chargement arrive à destination et le groupe retourne au Niger. Les nombreux 4x4 et camions volés leur rapportent plus de 7 millions de francs CFA.
Un autre Nigérien d’une tribu arabe, Djaâfer, aide le groupe à entrer en contact avec un trafiquant d’armes mauritanien, Mohamed Al Mauritani, qu’il rencontre à la frontière mauritano-malienne. En contrepartie de la cargaison de Doutchka, le groupe propose quatre véhicules Hillux. Ces derniers sont pris, mais les armes jamais remises.
4 millions d’euros pour libérer les otages allemands
En 2003, Abou Jabal retourne en Algérie avec son groupe et prend part à une embuscade contre un véhicule des Douanes.  Un des occupants est tué, un autre pris vivant et remis à des trafiquants de cigarettes, au nord du Mali. Juste après, Abou Jabal et ses compagnons se dirigent vers la frontière mauritano-malienne pour acheter du carburant et des provisions. Arrivés à Lemghyti, ils rencontrent Abderrazak El Para, émir de la zone 5, accompagné de 47 éléments. Il leur demande de l’aider à sécuriser l’opération de remise des otages allemands. Ils acceptent et le suivent jusqu’à Kidal, au nord du Mali. Abderrazak remet à Abou Jabal et à Abou Zahra (frère de Abdelhamid Abou Zeïd) un des otages, Christian, qui était utilisé pour les négociations menées à partir d’un téléphone Thuraya. Abou Jabal et ses compagnons rejoignent la ville de Sbiti suivis, deux jours après, par Abderrazak El Para accompagné de 9 terroristes pour négocier avec l’otage la libération des autres touristes en contrepartie d’une rançon. Au bout du fil, c’est l’épouse de Christian qui sert d’intermédiaire. Durant cette période, deux Arabes du Niger remettent à Abderrazak El Para 1500 pièces de munitions de Doutchka avant de revenir à l’endroit où sont détenus les otages. Vers la fin 2003, alors que Abou Jabal et ses compagnons gardaient la dizaine d’otages, deux chefs de tribu touareg, Iyad Ag Ghali et Brahim Ag Bahanga (décédé), arrivent au camp et offrent leurs services pour remettre les otages aux autorités maliennes. Une offre que Abderrazak El Para accepte en échange d’une rançon de 4 millions d’euros. Juste après, le gouverneur de Gao ramène la somme exigée et prend les otages. Abou Jabal repart avec le groupe vers la frontière mauritanienne pour acheter des armes et des munitions.
Voyage vers le Tchad et fin de cavale
Il revient  au camp de Abderrazak El Para avec ses compagnons, dont Abou Zeïd. Avec ce dernier, il prend la route vers la frontière pour acheminer l’armement vers l’Algérie. Le groupe passe par le Niger et à quelques kilomètres de la frontière, il tombe dans une embuscade tendue par l’ANP. C’était début 2004. Tous les véhicules sont détruits et de nombreux terroristes tués. Abou Jabal réussit à prendre la fuite avec quelques-uns des rescapés. Abderrazak El Para envoie 3 terroristes à leur secours pour les acheminer vers le Niger.
Arrivé au Niger, Abou Jabal trouve 25 Nigériens enrôlés par Abderrazak El Para. Tous vont passer près d’un mois au nord du Niger, avant qu’El Para ne leur demande d’aller au Tchad pour acheter des armes. Ils sont 47 à prendre le départ à bord de 5 Toyota, dont 3 sont équipées de DCA. Sur leur route, des militaires nigériens leur tendent une embuscade. Ils réussissent à franchir la frontière tchadienne en direction des monts de Tibesti où une patrouille de militaires tchadiens leur tire dessus. Durant l’accrochage, Abou Jabal reçoit des impacts de grenade dans le dos. Il se replie avec deux Nigériens pour se réfugier dans les montagnes, avant d’être pris par les rebelles du Mouvement tchadien pour la démocratie et la justice (MTDJ) qui conduisent les trois hommes à leur QG. Sur les lieux, ils découvrent Abderrazak El Para avec plusieurs autres terroristes. Abou Jabal est tout de suite emprisonné en compagnie d’autres terroristes durant trois mois, avant d’être rejoint par un autre groupe de sept éléments.
Durant sa captivité, il reçoit un journaliste de la chaîne française Canal+ venu faire une interview. Un Arabe tchadien, Sidi Larbi, devenu aujourd’hui général dans les rangs de l’armée tchadienne, sert d’interprète. L’entretien porte sur les raisons de la présence du groupe au Tchad, les objectifs de l’organisation terroriste en Algérie et les relations que celle-ci entretient avec celles qui activent en France.  Durant cette période, trois de ses accompagnateurs, à savoir Medjahed de Oued Souf, Yasser de M’sila, Abou Feras du Mali, Abou Houdeifa, Issam du Nigeria et Abou Djendel de Mauritanie sont remis par les rebelles tchadiens aux autorités libyennes en contrepartie de 300 000 euros et de 3 Toyota. Plus d’un mois après, d’autres terroristes – Abou Abdellah de Batna, Abou Bakr, un Targui malien, et Sadik du Nigeria –sont livrés à la Libye.
 


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