Tiferdoud, à Aïn El Hammam vient de remporter la distinction de village le plus propre à Tizi Ouzou. Visite guidée avec El Watan Week-end.
«La propreté est l’affaire de tous», nous dit Lahlou Bouziane que nous avons rencontré juste à l’entrée de Tiferdoud, dans la commune d’Abi Youcef, daïra de Aïn El Hammam, à 50 kilomètres au sud-est de Tizi Ouzou.
C’est le village qui a remporté le premier prix d’un concours sur la protection de l’environnement organisé par l’Assemblée populaire de wilaya de Tizi Ouzou et baptisé au nom de l’ancien président de l’APW assassiné, Rabah Aissat.
Ainsi, en entamant une petite pente vers le cœur de cette localité, nous sommes accueillis par les portraits de 28 chouhada. Cette bourgade de 1.800 habitants, perchée sur les hauteurs de la Haute Kabylie, est vraiment typique de par son organisation et l’image qu’elle offre aux visiteurs qui affluent sans discontinuité depuis l’annonce de ce sacre.
«Ce prix est vraiment mérité car, depuis plusieurs mois, tous les villageois sont mobilisés pour le nettoyage et l’embellissement du village. C’est une tradition chez nous. La population est très unie surtout lorsqu’il s’agit de l’intérêt commun», ajoute notre interlocuteur qui nous parle d’une grande bâtisse qui fait office de maison du village.
Il s’agit d’une construction de quatre étages qui servira, selon lui, de lieu pour les réunions des membres du comité, d’un atelier de couture pour les femmes, ainsi que d’un centre de tri provisoire.
«Ce que vous voyez, c’est aussi grâce à un comportement responsable et respectueux de chacun. Nous travaillons jusque tard dans la nuit», nous a-t-il souligné.
La mobilisation des villageois est vraiment de mise dans cette bourgade, qui a enfanté le militant de la cause berbère Kamel Amzal, assassiné, en 1982, par des islamistes à l’intérieur de la cité universitaire de Ben Aknoun, à Alger.
«Madjid Ath Ouamar est né dans cette maison», nous fait remarquer notre interlocuteur, qui parle de Kamel Amzal en citant son deuxième prénom.
Puis, nous atteindrons le centre de Tajmaât. Les lieux sont splendides dans la mesure où l’architecture ancestrale est préservée sans aucune modification, à l’exception de quelques renforcements en béton, tout en maintenant l’aspect originel.
«Nous avons rénové un trésor car, cette Tajmaât a été construite il y a des siècles. Notre village a une grande histoire», nous raconte Nna Khloudja, une vieille dame de 86 ans, qui rend hommage à tous ceux qui ont contribué à la consécration de Tiferdoud comme village le plus propre de la wilaya de Tizi Ouzou.
«C’est le fruit d’un travail difficile, entrepris par nos enfants. Même les femmes ont apporté leur précieuse contribution», nous a-t-elle affirmé avec un sentiment de satisfaction et de fierté de la beauté et la splendeur de son village, qui est devenu la destination de centaines de visiteurs, auxquels les villageois offrent de la galette traditionnelle et des crêpes au parc Achour Hamouri, donateur de cette parcelle de terrain où a été construite une aire de jeu qui porte son nom. Là, deux agents d’entretien, engagés par le comité de village, veillent au grain et s’occupent de toutes les tâches inhérentes au nettoyage des lieux.
Civisme
En sillonnant les artères du village, nous avons remarqué des pots de fleurs qui longent les ruelles. Des corbeilles accrochées dans divers endroits.
«C’est magnifique. Des images extrêmement belles», laisse entendre une femme de Larbaâ Nath Irathen, venue avec son mari.
Puis, nous rencontrons le photographe du village qui immortalise toutes les actions par des prises de photos. Il s’appelle Mohand Ouidir Aït Benhamou, qui nous accompagne pour le reste de notre virée à Tiferdoud. Il nous fait visiter, d’ailleurs, la maison de la tante de Hocine Aït Ahmed, qui l’avait accueilli pendant sa scolarité à Aïn El Hammam.
«Aït Ahmed a passé plusieurs années dans cette habitation», nous dit-il.
Les citoyens font toujours preuve de civisme et respectent le règlement intérieur du village. D’ailleurs, lors de l’opération de collecte des déchets, les enfants sont aussi invités à y prendre part, histoire de les sensibiliser sur les questions inhérentes à la protection de l’environnement.
«Avant chaque opération de collecte de déchets, nous organisons une conférence sur le thème en question. Nous avons mis en place, de manière provisoire, un centre de tri à la maison du village, construite avec l’argent des donateurs et l’aide de l’APC. La main-d’œuvre a été assurée par les villageois. Je cite aussi l’apport précieux d’un architecte du village, Mohand Ouamar Sadali, qui a conçu les plans pour cette infrastructure. Nous avons des bacs de compostage. Je veux aussi préciser que le concours nous a même poussé à éradiquer carrément une décharge pour rendre les lieux propres», nous explique Yahia Aït Yahiaoui, un jeune étudiant, qui ajoute que le système de l’autogestion a bien fonctionné à Tiferdoud où les habitants travaillent depuis deux ans pour embellir leur bourgade et lui donner une image attrayante.
Une salle de jeux, un foyer de jeunes, une crèche et une bibliothèque sont, entre autres, les réalisations des villageois qui ont réaménagé aussi des fontaines. Des volontariats, des réunions d’évaluation régulières, l’apport des émigrés et des commerçants ont motivé les initiateurs de ces actions à inscrire leurs projets dans la durée afin de créer une destination féerique dans cette colline, qui surplombe les majestueux monts du Djurdjura.
Nna Kheloudja, une femme exemplaire
Le poids de l’âge n’a aucunement influé sur sa mémoire, Kheloudja Aït Ouazou, une vielle dame de 86 ans, maîtrise parfaitement la langue française.
Elle lit toujours le journal. La vieille dame est en pleine forme.
«Je suis arrivée dans ce village, à Tiferdoud, en 1961. J’étais la seule femme lettrée dans cette bourgade. Donc, je servais d’écrivaine publique bénévole aux citoyens de mon village pour leur écrire des lettres, notamment celles à envoyer à leurs parents émigrés en France. Je suis très attachée à la lecture. Même, à ce jour, je lis des livres et le journal. C’est ma passion», dit-elle, tout en précisant qu’elle a eu la chance de fréquenter l’école quand elle était chez ses parents à Aït Hichem, un autre village de la daïra de Aïn El Hammam (ex-Michelet), où l’accès à l’enseignement, durant les années 1940, était plus facile que dans d’autres régions de Kabylie.
Nna Kheloudja, comme aiment l’appeler les habitants de Tiferdoud, est une femme exemplaire.
Photo: Une mobilisation citoyenne qui a porté ses fruits. Un bel exemple à suivre
Hafid Azzouzi
Yahia Aït Yahiaoui. Membre de l’Association Kamel Amzal
Nos émigrés ont beaucoup aidé à la réalisation de nos projets.
- Comment avez-vous eu l’idée de participer au concours organisé par l’APW de Tizi Ouzou ?
Dans notre village, nous avons une tradition qui consiste à veiller toujours sur la propreté des espaces. Le concours en question a boosté en quelque sorte notre volonté à exceller davantage dans cette démarche. L’idée a, d’ailleurs, germé dans les débats de l’assemblée générale des villageois, où chacun a donné son avis et motivé les raisons de notre participation.
Puis, tous les citoyens ont adopté la décision de prendre part à ce concours, surtout que nous avons déjà participé à l’édition 2016 en décrochant la septième place. Juste après, la proclamation des résultats de l’année dernière, nous avons repris les travaux qui ont été couronnés par la consécration de notre village.
- Justement, peut-on connaître les étapes de la préparation de ce concours ?
Dans un premier temps, nous avons élaboré la fiche technique des besoins et des travaux nécessaires au niveau du village. Puis, nous nous sommes répartis en groupes, chacun dans son domaine de compétence. Le comité a assuré tout ce qui a trait à l’acquisition des matériaux et le suivi des travaux. Tous les villageois étaient mobilisés comme un seul homme.
Et pour ce qui est de l’argent qui a servi au financement des opérations et l’achat des matériaux, nous avons puisé dans les cotisations des villageois et les dons de nos émigrés. Nos émigrés en France ont créé un comité qui a toujours soutenu et aidé à la réalisation de nos projets. Cela sans oublier aussi l’apport de l’APC qui nous a aidés avec les moyens dont elle dispose.
- Après avoir décroché le premier prix du concours du village le plus propre de la wilaya de Tizi Ouzou, quelles sont vos perspectives ?
Nous voulons, dans un premier temps, maintenir cette dynamique extraordinaire et créer dans le village une mobilisation permanente afin d’aboutir à la concrétisation de nos projets. Notre village accueillera la 15e édition du Festival Raconte-art. Cela dit, nous avons encore du pain sur la planche.
(Par Hafid Azzouzi/El Watan du vendredi 20 octobre 2017)
Karaali Abdelouahab - Constantine, Algérie
26/10/2017 - 360674
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Posté Le : 26/10/2017
Posté par : akarENVIRONNEMENT
Ecrit par : Hafid Azzouzi
Source : elwatan.com du vendredi 20 octobre 2017