Algérie

Abecedarius : Intermezzo Arts et lettres : les autres articles



Abecedarius : Intermezzo                                    Arts et lettres : les autres articles
Si Abdelkader c'est, tout d'abord, le vieil Alger dans toute sa beauté et sa grandeur puisqu'il y est né à la fin du XIXe siècle. Mais c'est aussi et surtout la puissance de ce verbe qui sortait de sa bouche tout naturellement. Il avait le don de raconter, et ce n'était certes pas à l'école qu'il l'avait acquis, lui qui n'avait pas eu la chance d'être scolarisé. Peut-être a-t-il été à «M'sid Fateh», comme certains enfants de La Casbah ' Avec l'âge, j'ai capté auprès de lui des moments qui restent gravés dans tout mon être : l'Amirauté d'Alger, le va-et-vient de la rue de la Lyre, les retombées de la Première Guerre mondiale, le mouvement nationaliste, toutes tendances confondues, les gens du milieu de la vieille Casbah, les champs de courses du Caroubier ' car, il était fin connaisseur de turf ', les touristes, surtout anglais, qui aimaient sa compagnie dans les années vingt et, bien sûr, son grand ami, l'ancien champion de boxe d'Europe, Georges Carpentier (1894-1975), pour lequel il avait été particulièrement peiné, suite à sa défaite contre l'Américain Jack Dempsey, en 1921.
Si Abdelkader aimait aussi les films américains, muets comme parlants. Il pouvait ainsi vous raconter l'histoire d'un film sans oublier les moments forts et même les dialogues ! Il avait appris par c'ur les dialogues et les chansons de La Rose blanche, premier film du chanteur égyptien Mohamed Abdelwahab, ainsi que l'histoire de cette jeune Anglaise, victime d'un accident d'avion en pleine Afrique et qui, devenue aveugle, tomba amoureuse de son guide, faisant ainsi fi de toutes les barrières raciales.
Je retiens encore de lui sa façon quelque peu particulière de s'apitoyer sur le sort tragique du grand acteur britannique, Leslie Howard (1893-1943). L'aviation de chasse allemande avait abattu, au dessus du Portugal, l'avion dans lequel il avait pris place de retour du Maroc, pensant que Winston Churchill s'y trouvait. Il m'avait raconté, dans le détail, l'histoire du fameux film Intermezzo dans lequel ce grand comédien tenait le premier rôle aux côtés d'Ingrid Bergman (1915-1982). Un violoniste virtuose tombe amoureux d'une pianiste qui donne des cours particuliers de musique à sa petite-fille. On le voit voyager, en compagnie de sa nouvelle conquête, d'une ville à une autre, abandonnant ainsi sa famille et surtout sa petite-fille.
Aujourd'hui, après avoir vu et revu ce film, je puis certifier qu'il n'y a aucune différence entre l'histoire telle qu'elle me fut racontée par Si Abdelkader et celle gravée sur pellicule pour le grand écran. Si Abdelakder a, en effet, su rendre admirablement, pour moi, cette histoire et surtout cette scène où la petite-fille du violoniste, au cours d'une réception familiale, invite l'assistance à observer le silence total pour écouter son père exécutant un intermezzo lors d'une transmission radiophonique.
Certes oui, le morceau de musique en lui-même est superbe, cependant, Si Abdelkader avait surtout retenu le regard et les gestes de la fillette au moment où elle se faisait toute ouïe pour sublimer son père à sa manière. Ce faisant, si Abdelkader voulait insister sur les attaches familiales et la nécessité de les préserver coûte que coûte.Si le don de raconter est une chose assez bien partagée entre le commun des mortels, Si Abdelkader, du moins pour moi, était assurément un maître dans le genre.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)