Algérie

Abecedarius : Ah, la faconde Méditerranéenne !



La très célèbre trilogie de Marcel Pagnol (1896-1975), m'a toujours fait rêver d'un langage théâtral algérien qui serait la synthèse de toutes les formes de dialectes qui se parlent dans notre pays. Que de fois il m'était arrivé de me poser la question suivante : notre théâtre, n'est-il pas en train de rater le coche, celui d'une identité langagière bien établie '
Abdelkader Alloula, Rouiched, Mustapha Kateb, Benguettaf, Ziani Chérif Ayad, Bougaci et tant d'autres, qui ont fait les beaux jours de notre théâtre dans les années soixante et soixante-dix du siècle dernier, lui ont donné, à  coup sûr, une certaine personnalité et une certaine résonnance dont les échos sont perceptibles jusqu'à nos jours. Pour ces mêmes pionniers ou continuateurs, la belle thématique a toujours existé et il ne suffisait que de la mettre en relief au travers d'un langage spécifiquement citadin, pour ne pas dire algérois, si tant est que le langage de la grande ville parvient toujours à  s'imposer comme cela est de coutume dans tous les pays du monde. En d'autres termes, l'autoroute existait déjà, et il ne fallait que s'y engager. J'ai eu le grand plaisir, en 1978, dans la darse même de l'Amirauté d'Alger, de voir le mémorable Rouiched taquiner le poisson en compagnie de quelques-uns de ses proches amis. Ce jour-là, les compétitions de la Coupe du monde de football avaient cloué les Algérois devant les écrans de télévision. Je suis certain qu'ils s'en seraient détournés s'ils avaient eu l'occasion d'entendre Rouiched débiter ses commentaires sur la partie de pêche à  laquelle il s'adonnait, corps et âme, avec un naturel laissant la compagnie pouffer de rire ou esquisser des gestes que je pourrais qualifier aujourd'hui de typiquement algérois, donc méditerranéens. Déjà, sa façon d'appâter l'hameçon lui offrait l'occasion de lancer quelques vieilles histoires de b'led Sidi Abderrahmane. Le bogue, «boga», qui s'y accrochait et qui se débattait frénétiquement entre ses mains, avait, lui, droit à  toute une chanson. La composait-il sur-le- champ ' Je ne puis le dire. Ensuite, ses commentaires, si simples, si directs, fusaient sans arrêt comme pour importuner, mais gentiment, des adversaires de fortune qui étaient hautement enchantés par une scène digne des plus grands théâtres du monde. D'où venait toute cette saveur langagière, sinon d'un artiste au naturel inégalé ' J'aurais aimé sur l'instant que tout ce qu'il disait fut transposé sur une scène, tant l'artiste en lui était alors en mesure d'aller au plus profond des spectateurs, sans grimace et sans surcharge pour ainsi dire. Or, toutes ces belles tournures, empreintes d'un naturel enchanteur et ensorcelant, ont, malheureusement, disparu de notre théâtre et, bien sûr, de notre quotidienneté. El Ghoula, Les Concierges  et ses autres pièces à  la volubilité linguistique inégalée jusqu'à ce jour, n'ont pas eu de descendance en dépit du fait que le standard n'y était pas tellement élevé, sinon au plan langagier. Raimu (1883-1946), Orane Demazis (1904-1991), Pierre Fresnay (1897-1975) Fernand Charpin (1887-1947) et tant d'autres comédiens, à  l'accent marseillais, ont été époustouflants dans la trilogie de Marcel Pagnol. Rouiched, pour ne citer que lui ici, ne pouvait pas les envier, tant son jeu était simple, son langage si naturel, sans recourir aux gestes sans générosité aucune dont les nouveaux comédiens raffolent aujourd'hui sans raison.
Faconde méditerranéenne ' Encore faut-il savoir la canaliser pour mieux en profiter, ne serait-ce que dans le domaine du théâtre. toyour1@yahoo.fr
 


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