«Actuellement, je prépare un ouvrage sur la ville de Béjaïa qui sera de la même veine que celui dédié à la ville de Tlemcen. Il sera publié cette année. Je retracerai Béjaïa depuis la préhistoire jusqu’à nos jours. Je raconterai tout au long des photos son histoire et ses évènements à travers ses monuments.»
- Vous dites que Tlemcen, à l’instar des autres villes, n’arrive toujours pas à se doter d’une vraie politique de restauration et de sauvegarde du patrimoine…
On dit généralement que la wilaya de Tlemcen représente 80% du parc archéologique en matière de monuments historiques musulmans. En visitant ces monuments, j’ai pu me rendre compte qu’un grand nombre d’édifices en voie de restauration étaient dépourvus d’une surveillance qui assure la qualité de la restauration. Pas un architecte ni un archéologue. Les ouvriers travaillent sans aucune directive. Ce fut le cas à la mosquée d’Agadir (VIIIe siècle), à Sidi Daoudi (IXe siècle), sur les remparts d’Agadir, à Sidi Belahcen. On a décapé des sols et personne n’était là pour noter les couches archéologiques découvertes ! A Mansoura (XIIIe-XIVe siècles), les émaux qui ornaient le minaret ont été remplacés par des carreaux de cuisine, et l’emplacement des piliers ne respectait pas l’alignement originel. Pourtant, il suffisait de regarder la trace archéologique sur les murs en pisé ! Tous ces détails montrent qu’il s’agit bien d’une restauration faite en vue d’un évènement. Cela a été fait simplement pour dépenser de l’argent. S’est-on assuré des qualifications et a-t-on établi un cahier des charges rigoureux avant de donner un monument à restaurer ? A-t-on exigé une présence indispensable pour des monuments de classe internationale comme c’est le cas pour la mosquée de Sidi Belahcène (XIIIe siècle) ? Pourtant, l’opportunité était extraordinaire de prendre en charge sérieusement ce patrimoine. Le chantier de fouilles du Mechouar, qui aurait pu donner des informations essentielles sur la dynastie zayyanide, s’est arrêté à peine entrepris. Un véritable chantier école aurait pu être organisé sur toute une année. Il aurait été l’occasion de former de nombreux jeunes sortis de l’université au métier de l’archéologie. Le vrai patrimoine n’a pas été touché. Ce sont des opérations tape-à-l’œil. Au moment où le secteur de la culture bénéficie d’une enveloppe suffisamment conséquente, on aurait pu penser que des opérations sur le long terme allaient être entreprises pour régler de façon professionnelle la mise en valeur de ce patrimoine prestigieux. Allez voir la mosquée d’Agadir dont nous sommes, avec mon ami Saïd Dahmani, les découvreurs. Les manoeuvres, qui travaillent à reconstituer les piliers de la mosquée, le font sans aucune directive d’un archéologue ou d’un architecte. Regardez le mausolée de Sidi Daoudi qui fut le premier patron de Tlemcen. Il a bénéficié d’une opération de restauration, mais dans quelles conditions ? Le catafalque est plein de ciment et de plâtre, il est jeté pêle-mêle parmi les brouettes, les pelles, les madriers, etc. Sidi Daoudi s’est effectivement retourné dans sa tombe !
- Les sites en danger peuvent-ils être sauvés ?
Je ne sais pas. Il y a un gâchis. Réversible ou non, l’avenir nous le dira. Ce patrimoine doit être restauré en dehors de toute précipitation, car l’histoire a besoin de temps. Il faut que ça soit fait dans le cadre d’études approfondies et scientifiques, mais pas dans l’anarchie et d’une manière superficielle. Des participants à un colloque à Tlemcen ont été effarés par ce qui a été fait à Mansoura. Pourra-t-on rattraper cela une fois que les lampions seront éteints ? Des quartiers ayant gardé leur authenticité sont totalement délaissés et tombent en ruine comme à Derb Messoufa qui abrite la petite mosquée de Sidi Senouci ou encore Derb Sensla et Sidi El Yeddoun. Ces quartiers bénéficieront-ils d’une restauration dans les normes ? Car ces monuments sont des témoins de notre histoire. Nous nous devons de les transmettre aux générations futures.
- «Tlemcen capitale de la culture islamique» n’a donc pas été bénéfique pour le patrimoine et sa valorisation ?
Oui et non. Ce devait être l’occasion de rassembler tous les experts et spécialistes algériens pour débattre de la meilleure façon d’appréhender les meilleures solutions à la mise en valeur de ce patrimoine architectural, d’autant que les moyens financiers, pour une fois, existaient. Savez-vous par exemple que des spécialistes de Tlemcen n’ont pas été invités aux différents colloques ? On peut se poser des questions...
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Posté Le : 03/04/2017
Posté par : patrimoinealgerie
Photographié par : Hichem Bekhti
Source : Texte : Nassima Oulebsir