Le conseiller à l'Elysée pour la diversité a démissionné avec éclat,
s'opposant au débat national sur « Islam et laïcité» impulsé par l'UMP.
J'appelle toute la communauté à voter contre l'UMP». Indigné par le
lancement du débat sur «Islam et laïcité», Abderrahmane Dahmane a pris, le 10
mars dernier, une position tranchée et sans équivoque pour les élections et
notamment les cantonales qui se sont déroulées hier. Surprise, le président du
Conseil des démocrates musulmans de France (CDMF) est également… conseiller du
président de la République, en charge de la diversité ! 24 heures plus tard,
l'Elysée licencie ce vieux compagnon de route de Nicolas Sarkozy pour qui il
avait fait campagne dans les banlieues à la présidentielles de 2007. Il est
vrai que le débat national lancé par Jean-François Copé, nouveau patron de
l'UMP, sur «Islam et laïcité» indigne les milieux franco-maghrébins. L'effondrement
de la cote de popularité de Nicolas Sarkozy, la montée de Marine Le Pen, le bon
score prévisible du candidat socialiste choisi, qu'il s'agisse de Dominique
Strauss-Kahn ou de François Hollande, créent comme un climat de panique dans la
principale formation de la majorité actuelle. Pour l'UMP, il faut à tout prix
re-séduire au plus vite les électeurs qui s'enfuient vers le Front national.
Claude Guéant, le nouveau ministre de l'Intérieur, en a d'ailleurs
«rajouté une couche» en déclarant récemment «Les Français, à force
d'immigration incontrôlée, ont parfois le sentiment de ne plus se sentir chez
eux». Cette stratégie à courte vue et peu républicaine risque surtout de
banaliser le vote Front national et elle irrite fortement la communauté musulmane,
seconde religion de France, qui compte dans ses rangs… de nombreux électeurs !
Le Quotidien d'Oran: Abderrahmane Dahmane, quand avez-vous pris la
décision de déchirer en public votre carte de l'UMP ?
Abderrahmane Dahmane: L'un des objectifs de ma mission, lorsque j'ai été
nommé à l'Elysée, était de préparer la diversité pour la présidentielle de
2012. J'ai donc créé le Conseil national des Asiatiques de France: j'ai fait
dans les deux derniers mois un tour de France et rencontré de nombreux
responsables de la communauté maghrébine, des Africains, des Sikhs, de nombreux
médecins issus de l'immigration. J'ai pu mesurer les effets contre-productifs
du débat sur «Islam et laïcité» lancé par Jean-François Copé et j'ai écrit une
note d'alerte au Président sur l'inquiétude et l'indignation qui montent dans
la communauté maghrébine. Elle est restée sans réponse. A quoi sert d'opposer
les musulmans à la communauté nationale ? Je suis fondamentalement opposé à
cette politique islamophobe, d'autant que les musulmans en France ont toujours
été favorables à la loi de 1905 qui organise la laïcité. Mais ils constatent
que le respect des religions et la liberté de culte prévus dans les textes ne
sont guère appliqués à l'Islam. Devant la montée de Marine le Pen, Jean-François
Copé, le nouveau patron de l'UMP, prend les musulmans comme les boucs
émissaires de la future campagne électorale. Je ne pouvais donc que rompre avec
ce parti qui a longtemps été le mien: j'y ai été nommé secrétaire national à la
Diversité en 2005, j'y ai créé le Cercle de réflexion africain, l'Union des
Asiatiques, le cercle féministe Jasmin… Il ya des gens dans l'UMP qui veulent
l'alliance avec le Front national. Je ne travaille pas avec des néo-nazis.
Q.O.: Mais le débat en 2010 sur l'identité nationale, la position de
Nicolas Sarkozy sur les Tziganes, la causalité permanente entre immigration et
insécurité ne vous avaient pas déjà alerté ?
A.D.: Sans doute. Mais les liens d'amitié personnelle que j'ai avec le
Président m'ont longtemps permis de ne pas oublier les aspects positifs et
novateurs du candidat de 2007. C'est le 1er responsable politique à s'adresser
à nous en disant «mes chers compatriotes musulmans», à s'indigner contre un
Islam condamné «à la cave», à reconnaître cette religion comme «de paix et de
modernité». Il a nommé des ministres, Dati, Amara, Rama Yade, des préfets, des
sous-préfets issus de l'immigration. Sarkozy a créé le Centre français du culte
musulman. Aujourd'hui, Jean-François Copé veut même obliger les musulmans à
prier en Français ! Quelle ignominie ! Va-t-on interdire l'hébreu dans les
synagogues ? La communauté maghrébine a largement contribué à défendre ce pays
pendant les deux guerres mondiales. Elle a participé à sa reconstruction. Je
note que certains dirigeants actuels de l'UMP ont oublié leurs origines
immigrées, et je ne pense pas à Nicolas Sarkozy. Moi, je n'ai pas changé de nom
pour défendre mes idées.
Q.O.: Que pensez-vous de la création par l'UMP, cette semaine, de
«l'Union des Français musulmans» ?
A.D.: Comme à la veille de toute défaite, l'UMP veut faire appel à des
supplétifs.
Q.O.: Vous allez donc appeler les électeurs d'origine immigrée à voter
pour l'opposition ?
A.D.: Nicolas Sarkozy peut encore changer la donne mais il a confié son
parti à Jean-François Copé, qui est islamophobe et qui en réalité ne souhaite
pas sa victoire. Il y a 7 millions d'immigrés en France et bien plus
d'électeurs français sont issus de l'immigration. On compte aujourd'hui plus
1.500 élus qui sont issus de la différence. Dans le département de la
Seine-St-Denis, 43% des inscrits viennent des communautés de l'immigration, les
Maghrébins en tête. Je m'adresse à l'ensemble des partis républicains et je
tiendrai à l'automne 2011 des «Assises de la Banlieue». La communauté jugera alors
les candidats sur leurs engagements concrets.
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Posté Le : 22/03/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Pierre Morville
Source : www.lequotidien-oran.com