Algérie

Abderrahmane Bouguermouh tel que l'ont connu ses amis L'hommage intime au cinéaste rebelle



Les présents, hier au Forum d'El Moudjahid ont vécu des moments émotionnels en écoutant les amis de feu Abderrahmane Bouguermouh relater quelques pans de la vie du cinéaste mais aussi de ses qualités humaines peu communes. Abdelkrim Tazaroute, l'animateur qui craignait que l'assistance reste à sa faim en constatant l'absence, pour des raisons majeures, du cinéaste Noureddine Touazi et de l'écrivain Kaddour M'Hamsadji, n'est finalement pas resté sur sa faim puisque Yacine Si Ahmed, journaliste et anthropologue ainsi que le grand comédien Said Hilmi, avaient tellement d'anecdotes à raconter sur le réalisateur de « la colline oubliée », que le temps imparti au Forum s'est avéré insuffisant. Et que fallait-il demander de plus quand on sait que ces derniers étaient très proches du cinéaste. Le premier intervenant surprend tout le monde en demandant de faire passer la musique du film « les oiseux de l'été », réalisé par Abderrahmane Bouguermouh. Yacine Si Ahmed explique que c'est là une des dernières volontés du défunt : « Promets-moi qu'à chaque fois que tu parleras de moi, tu écouteras cette musique », m'avait-il dit, observe le conférencier. Un testament ça se respecte. Dés le début de son témoignage sur les ultimes instants qu'il avait passés avec le cinéaste, Yacine Si Ahmed a la gorge nouée. S'arrêtant un instant il, éclate en sanglots. Said Hilmi, n'aura pas plus de maitrise sur ses larmes : De quel Abderrahmane Bouguermouh voulez-vous que je vous parle ' De l'artiste 'du montagnard ' Du citadin ' Il était tout ça à la fois. On s'est connu depuis notre tendre jeunesse, ce qui lui donnait la liberté de me parler sur le ton qu'il voulait. On a souvent parlé et rêvé de faire le film « la colline oubliée ». Quand j'ai monté en scène en sa présence la pièce adaptée du roman de Mouloud Mammeri, on nous a collé à l'époque une étiquette », confie le comédien. C'était en effet un message. Quant à la réalisation du film dont le projet datait d'une trentaine d'années, elle ne sera possible qu'au milieu des années 90 et après un parcours du combattant. C'est dire que le cinéaste comme le préciseront ses deux amis, était un mal aimé des pouvoirs successifs. Lui le rebelle qui a dit « qu'il avait ouvert les portes du cinéma amazigh. Nous étions jeunes parmi nos ainés, Mouloud Mammeri, Taos Amrouche. Nous militions pour Tamazight clandestinement. Malheureusement, le cinéma nécessite des moyens très lourds à la différence de la littérature. Mon bonheur, ça a été le jour où j'ai obtenu l'autorisation de tourner le film. La Kabylie s'est mobilisée et je l'ai réalisé avec des moyens dérisoires contre vents et marées ». Yacine Si Ahmed qui dira que le cinéaste a atteint l'apogée avec la réalisation du film « la colline oubliée », le compare au cinéaste grec Théodoros Angélopoulos. Le premier est Numide et le second grec mais ils ont un destin commun ; celui de faire parler chacun l'histoire de son pays, de son peuple dont on citera « cris de pierres » de Bouguermouh et Alexandre le Grand ou Ulysse d'Angélopoulos. Bouguermouh était plus qu'un cinéaste, c'était également un poète, il aimait la littérature, ajoutera le conférencier allant jusqu'à faire une comparaison avec Vittorio de Sica dans son 'uvre magique « la Cuccia ». Une cinéphile dira de lui : « ce n'était pas un diseur, car il parlait peu, c'était un faiseur mais aussi un têtu devant les censeurs ». Ses amis témoigneront que le cinéaste voulait porter à l'écran certaines adaptations comme Nedjma de Kateb Yacine ou encore une trilogie sur El Mokrani.
Fervent militant pour la langue amazighe, Bouguermouh fut membre fondateur d'une association culturelle pour une académie amazighe, dans le plein sens académique du terme. Pour rappel Abderrahmane Bouguermouh, décédé le 3février dernier à l'hôpital de Birtraria des suites d'une longue maladie, a réalisé plusieurs courts métrages et documentaires avant de devenir Lakhdar Hamina qui a obtenu la palme d'or à Cannes en 1975. « La colline oubliée » a été son premier long métrage tourné en 1996. Pour ce mal aimé des pouvoirs successifs, Said Hilmi conclut par cette citation : « Toi l'hypocrite ne viens pas sur ma tombe en faisant semblant de pleurer, laisse-moi dormir en paix ».
A F


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