Les attaques de
hackers dont ont été victimes tour à tour des sites web du domaine dz puis des sites web marocains la semaine dernière
continuent d'alimenter la chronique. Abderrafik Khenifsa, directeur du magazine spécialisé IT Mag et spécialiste des questions informatiques, propose une
lecture décalée et «prospective» de cette péripétie «une perte d'énergie», alors
que le talent des hackers peut générer de la valeur au lieu d'en bloquer la
création. Sauf si les Etats ne le veulent pas.
La "guerre"
des hackers qui s'est déclenchée entre l'Algérie et le Maroc a montré la
faiblesse de sécurité des sites institutionnels dans les deux pays. Qu'en
pensez-vous ?
On va partir du
postulat suivant : il n'existe pas de sécurité à 100%, mais tous les experts
essayent de minimiser le risque qui est toujours présent. Nous remarquons que
cette «expédition» a été menée directement après le discours du roi du Maroc. S'agit-il
d'attaques commandées ou non, la question reste posée. Et cela devient
redondant.
Pour ma part, je
pense que c'est une perte d'énergie de part et d'autre. Le Maroc est un voisin
de l'Algérie, et il en sera ainsi pour toujours. Il vaut mieux passer à autre
chose : parler ensemble.
Pour l'Algérie, ces
attaques montrent la nécessité de mettre en place un organisme dont
l'équivalent existe déjà au Maroc et en Tunisie, un CERT (computer emergency response team) ou plusieurs CERT par catégories (administration,
banques assurances, sociétés privées…). Même si ce genre d'organisme ne
travaille qu'à la suite d'une attaque, il reste nécessaire pour établir ses
circonstances mais également en comprendre les mécanismes pour se prémunir dans
le futur, et savoir d'où vient-elle et quels sont les outils utilisés.
Mais qui sont
exactement ces hackers ? Agissent-ils seuls ou sont ils employés par les Etats ?
Littéralement, hacker
veut dire bidouilleur, bricoleur. Le terme est utilisé pour désigner des
programmeurs talentueux, astucieux et débrouillards. Les hackers sont souvent
perçus comme des pirates qui partent à l'abordage de nos ordinateurs alors
qu'un hacker est quelqu'un qui est passionné d'informatique et qui peut
développer aussi bien une application mobile ou pour un site internet. Dans le
monde un hacker est un talent que l'on protège et c'est l'occasion de constater
qu'à l'instar de WikiLeaks et Anonymous
et d'autres, les hackers sont devenus des éléments actifs de la démocratie avec
qui les institutions publiques devront désormais compter. Maintenant, il existe
bien sûr des hackers qui sont recrutés par les agences d'Etat. Dans le cas du
dernier raid sur les sites algériens il faut cependant mettre un bémol et
établir des vérifications pour voir si réellement ces attaques sont venues du
Maroc. Ce qui est justement le travail de cet organisme inexistant en Algérie. Ce
n'est pas un jeu, hacker est un délit.
Comment l'Algérie
et le Maroc peuvent-ils pallier à cette «perte d'énergie» et canaliser ces
compétences vers des projets et des actions valorisantes ?
Ces talents
pourraient être utilisés dans d'autres domaines et créer des emplois mais aussi
apprendre et se tenir au courant de ce qui se fait dans le monde.
Ces talents
peuvent ensemble créer des sociétés de sécurité informatique qui pourraient
aider à mettre en place des dispositifs ‘infaillibles' ou presque. Il faut
faire en sorte de susciter la création de ce type d'entreprises.
Nous évoquons
souvent les coûts associés à l'achat d'équipements informatiques, et de la
maintenance. En revanche, ce dont on parle presque pas
c'est le coût de la non sécurité informatique. Ces coûts incluent les pertes de
données, les arrêts d'usine ou de fabrication, les arrêts du site Web.
Si nous sommes
appelés à tout numériser, nous devons protéger notre patrimoine de données. La
protection informatique doit être une question critique et cruciale. Va-t-on
mettre les moyens pour cela ?
Sommes-nous là en
présence d'une action comme celle des mouvements "Anonymous"
ou "Hack Democracy" ?
Ce qui s'est passé
dans cet échange d'attaques contre des sites algériens et marocains n'a rien à
voir avec des mouvements comme «Anonymous». Avant
tout, Anonymous, et d'autres groupes, défendent le
droit à la liberté d'expression sur Internet et en dehors. C'est un mouvement
citoyen qui a trouvé de nouvelles formes de communication et qui va bouleverser
le fonctionnement dans le bon sens de nos sociétés actuelles.
Si on veut résumer
cela, ce sont les ‘révolutionnaires' du XXIème siècle.
Dans les années 60-70, les révolutionnaires demandaient la libération du pays, ceux-là
demandent de la démocratie et de la transparence. Ce qui est sûr c'est que les
hackers qui s'inscrivent dans cette exigence de démocratie seront les rockstars de demain.
Une rencontre
maghrébine des hackers, comme celles de San Francisco, est-elle envisageable ?
On peut envisager
tout ce que l'on veut mais il faut se rendre à la réalité. Une rencontre
maghrébine est possible mais va-t-on la laisser se dérouler ? Pour qu'un telle rencontre puisse se réaliser il faut plusieurs
garanties mais rien n'empêche de commencer à se rencontrer et à essayer de
faire des choses ensemble.
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Posté Le : 16/11/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abdelakader Zahar
Source : www.lequotidien-oran.com