Algérie

Abdelmadjid Merdaci. Sociologue



Abdelmadjid Merdaci. Sociologue
-De violents et récurrents accrochages ont lieu entre deux groupes de la population à Ali Mendjeli, et ce, depuis des mois. D'où vient cette violence et comment expliquez-vous ce phénomène qui se manifeste partout dans le pays 'Pour répondre d'abord à votre question sur la récurrence des violences à Ali Mendjeli, il est possible de rappeler qu'elles concernent, d'une part, des acteurs essentiellement juvéniles et, d'autre part, des acteurs d'une nouvelle modalité de déracinement ? je dirai néo-urbain ? dont le croisement aboutit peu ou prou à des reconstructions identitaires autour du contrôle de territoires, de conduites sociales, formatées par le recours à la violence. J'identifie ce processus comme étant celui de la fabrication d'«identités meurtrières», adossées à des mémoires de souffrances sociales, d'exclusion des territoires de la gratification et de la reconnaissance, inscrites dans un cadre de vie indéchiffrable et modulées par un avenir en point aveugle.Le monopole de l'Etat sur la violence est de fait contesté, de manière souterraine sans doute, mais suffisamment récurrente pour brouiller les mécanismes de régulation et liciter la tentation du tout répressif. La revendication d'identités territoriales ? ceux de Fedj Errih et ceux de Oued El had ? disent aussi l'échec d'être d'abord de la ville, d'abord Constantinois, et cet échec résulte explicitement de décennies de contrôle autoritaire de la société, de la délégitimation de toute instance autonome de médiation. Il dit aussi que le religieux n'est pas non plus la solution.-L'Etat semble impuissant à juguler cette violence comme il l'est à Ghardaïa, Alger, Touggourt...Il faut rappeler que c'est par la violence que l'Etat-nation a été investi et mis sous contrôle au lendemain de l'indépendance et que le régime a longtemps fait de la violence le mode de régulation de sa domination sur la société, et je n'entends pas que la seule violence physique, l'atteinte à l'intégrité des personnes. De ce point de vue, il y a un avant et un après l'insurrection islamiste des années 1990 et le processus d'érosion des légitimités contribue à disqualifier une action publique sans relais représentatifs, et aujourd'hui, n'importe quel point du territoire national ? on vient de le voir à Touggourt ? peut s'inscrire à la suite de Ghardaïa, de Béjaïa ou de Beni Douala. Cela noté, la responsabilité des pouvoirs publics n'exonère pas forcément celle des acteurs de la scène politique nationale.Au-delà de leurs embrayeurs sociaux ou identitaires, toutes ces séquences de violence reposent la question de nos rapports historiques et mémoriaux aux violences et en tout premier celles d'une colonisation totalitaire, dont l'Algérie indépendante s'est bien gardée d'établir le bilan. Notre guerre d'indépendance, aussi, a été violente et quand bien même ces violences avaient un titre de légitimité, il n'est plus possible d'en faire l'impasse et de les occulter dans un discours de glorification.-Certains observateurs craignent le pire et parlent de signes d'un séisme dévastateur qui menace l'Algérie. Peut-on parler de scénarios catastrophe 'Le débat d'idées documenté, la connaissance de notre histoire, la prise en compte de l'extrême richesse et diversité des expressions issues des profondeurs de notre société peuvent contraindre le choix de la violence qui n'est pas ? il faut aussi en faire le constat ? le seul possible en Algérie. Exorciser la violence est un exercice civique nécessaire auquel il convient de donner des formes et des espaces crédibles. Si j'ai bien le sentiment, comme beaucoup de citoyens, que mon pays va mal, et qu'il peut donc aller mieux, je ne pense pas non plus qu'il soit réellement en danger. Il l'a été au cours des années 1990 et je ne crois pas que nous ayons le droit d'oublier tous ceux, anciens moudjahidine, militants de la démocratie, Algériens des villes et des campagnes, qui se sont armés pour y faire face. Ma conviction est qu'il existe, en dépit de tout, des réserves de passions et d'amour pour l'Algérie et c'est ce qui donne un sens à nos engagements.




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