Algérie

Abdelkader Bensalah s'est éteint à l'âge de 80 ans



Pour une grande partie, la longévité politique de Bensalah s'explique par sa loyauté envers les hommes forts du moment, mais aussi par sa qualité d'exécutant froid des missions dont il avait la charge.Le journalisme mène à tout à condition d'en sortir. Cette citation de l'écrivain Jules Janin s'applique parfaitement à Abdelkader Bensalah qui vient de décéder à l'âge de 80 ans, terrassé par un cancer.
De simple journaliste au sein du journal arabophone El Chaâb à la fin des années 60, il a fini sa longue carrière en apothéose en assumant les charges suprêmes de l'Etat en avril 2019, au lendemain du départ forcé de l'ancien président, feu Abdelaziz Bouteflika.
Ironie de l'histoire, il a quitté ce monde moins d'une semaine après le décès de celui à qui il doit l'essentiel de son ascension politique. Pourtant, rien ne prédisposait cet homme rondelet et à l'allure de bon père de famille ou de professeur à un tel destin.
Sans grand parcours politique, l'ancien président de la Chambre haute ne s'est jamais distingué, des décennies durant, par une quelconque ruade ou action à mettre à son actif. C'est que l'homme est si lisse, mais surtout loyal qu'il a réussi à surfer sur toutes les vagues et à durer au sein d'un système qui a broyé beaucoup d'hommes et brisé tant de destins.
À vrai dire, la longévité politique de Bensalah s'explique par sa loyauté envers les hommes forts du moment mais aussi par sa qualité d'exécutant froid des missions dont il avait la charge. Aux yeux de beaucoup, il incarne le parfait commis de l'Etat, voire le soldat discipliné de la République. Retour sur la prodigieuse carrière d'un homme qui, aidé par sa bonne étoile, a largement profité des ors de la République.
De la presse à l'Assemblée nationale
Ses premiers pas dans la politique, il les a faits en 1977 en intégrant l'Assemblée nationale en qualité de député de la wilaya de Tlemcen sous la bannière du parti unique de l'époque, le Front de libération nationale (FLN).
Plus d'une décennie plus tard, en 1989, au lendemain des événements d'Octobre 1988 et de l'ouverture démocratique décidée par le président de l'époque, Chadli Bendjedid, Abdelkader Bensalah a ajouté une nouvelle flèche à son arc, en intégrant le monde de la diplomatie.
Il avait été nommé ambassadeur d'Algérie en Arabie saoudite et de l'Organisation de la conférence islamique jusqu'à 1993 avant de revenir au pays pour assurer pendant une année la charge de porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
En 1994, alors que le pays était en proie à la subversion islamiste armée, Abdelkader Bensalah n'avait pas hésité à renouer avec l'activité parlementaire en se faisant porter à la tête du Conseil national de transition (CNT) qui faisait office de Parlement au lendemain des élections avortés de 1991.
Trois ans après, il sera porté à la tête de l'Assemblée populaire nationale (APN) après la victoire éclatante de son parti alors fraîchement créé, le Rassemblement national démocratique (RND), et dont il a eu à assurer la présidence à deux reprises (de 1997 à 1998 et de 2013 à 2015).
Au lendemain de l'arrivée d'Abdelaziz Bouteflika à la tête du pays en 1999, Abdelkader Bensalah, un des fidèles parmi les fidèles du maître du palais d'El-Mouradia, n'a plus jamais quitté la Chambre haute du Parlement, en assurant sa présidence trois mandats durant, de 2002 jusqu'à 2019, faisant de lui le second personnage de l'Etat durant cette longue période.
Atteint d'un cancer, il s'était fait opérer dans la capitale française en 2015 et avait émis le v?u d'être déchargé de ses fonctions mais l'ancien président avait refusé d'accéder à sa demande.
En février 2019, le pays connaîtra une révolution pacifique inédite qui a réussi à faire vaciller le trône de Bouteflika avant de le contraindre à la démission. Le destin d'Abdelkader Bensalah va alors basculer. Il est catapulté contre son gré, selon certaines indiscrétions, à la tête de l'Etat, en assurant l'intérim, conformément à la Constitution du pays.
C'est durant son court règne, dans l'ombre de l'ancien patron de l'armée Ahmed Gaïd Salah, qui était en fait le véritable homme fort du pays, qu'ont eu lieu les premières arrestations de manifestants, notamment ceux qui portaient l'étendard amazigh, de nombreux opposants comme le défunt Lakhdar Bouregâa ou encore Karim Tabbou, mais aussi et surtout toute une "armée" d'anciens hauts responsables civils et militaires et d'oligarques très proches du clan Bouteflika.
Alors qu'il devait quitter ses fonctions au bout de trois mois d'intérim, Abdelkader Bensalah a été maintenu de fait à la tête du pays après l'échec de la première tentative d'organiser l'élection présidentielle.
Il ne rentrera chez lui qu'en décembre 2019 en cédant les clés de la République à Abdelmadjid Tebboune sorti victorieux de la dernière élection présidentielle. Celui-ci a décidé, hier, la mise en berne du drapeau national à travers le territoire national pendant trois jours, tout en annonçant son inhumation aujourd'hui au cimetière El-Alia d'Alger.

A. CHIH




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