Algérie

ABDELKADER BENDAMACHE À L'EXPRESSION «La relève dans la chanson chaâbi existe»



ABDELKADER BENDAMACHE À L'EXPRESSION «La relève dans la chanson chaâbi existe»
Il est, sans aucun doute, le précurseur de la relance de la chanson chaâbi sur le terrain en lui donnant une autre dimension par la tenue d'un festival annuel, des ateliers de formation et autres journées pédagogiques. Contacté à l'issu de la 3e rencontre pédagogique que la ville de Jijel a abritée du 21 au 24 juin dernier, Abdelkader Bendamache, puisque c'est de lui qu'il s'agit, a bien voulu répondre avec modestie à nos questions

L'Expression: Vous avez lancé les journées d'étude sur la chanson chaâbi. Comment vous est venue cette idée d'organisation?
Cette idée est née lors de la finale de la 5e édition, au moment de la clôture de la série de master-class tenue à cette occasion durant les matinées. L'intérêt, que portaient les candidats finalistes qui ont bénéficié de ces enseignements, nous a mis sur les rails d'une continuation à travers certaines wilayas. Le choix a porté cette année sur Béjaïa, Constantine et Jijel.
L'année prochaine on ira vers l'ouest du territoire national Inchallah. L'objectif est celui d'instituer une formation permanente dans ce domaine.

Après Béjaïa et Constantine, vous avez fait escale à Jijel. Quel bilan faites-vous de ces journées?
Le succès de Béjaïa nous a encouragés à bien aborder les autres étapes. Douze conférences en tout, ont été données. Suivies attentivement par les participants, ces communications-débats organisées sous la forme de travaux dirigés, sont clôturées par des concerts animés par les lauréats des éditions précédentes.
Nous avons tenté l'étape de Constantine, volontairement car le public mélomane chaâbi est très important. Près d'une quinzaine d'interprètes de qualité pratiquent ce genre à Constantine.
La meilleure preuve nous a été donnée par le cheikh Abdellah Guettaf «Allah Yerhemou» qui a connu un grand succès dans cette ville historique. A chaque édition finale, nous enregistrons des candidats de Constantine.

Vous êtes, sans aucun doute, le précurseur de la relance de la chanson chaâbi. Après un déclin remarqué, quel diagnostic faites-vous de ce genre musical ancestral, de surcroît aujourd'hui en Algérie?
Non pas du tout, je ne saurai être le précurseur, car cette relance est initiée dans le cadre de l'action du ministère de la Culture qui a consisté en l'institutionnalisation de plus de 120 festivals, locaux, nationaux et internationaux, le résultat apparaît sur le terrain aujourd'hui par la pérennité de cette action, son suivi et son soutien par l'Etat. La relance est ainsi faite dans tous les genres musicaux que recèle le patrimoine immatériel dans les régions les plus reculées de notre pays.

Dans quel état avez-vous trouvé ce genre musical à l'entame de votre chantier et qu'en est-il aujourd'hui? Que lui manquait-il et manque-t-il encore afin qu'il redore son blason?
Ce genre musical ancestral est ancré dans la société algérienne depuis des lustres, et le fait d'aller le chercher dans toutes les régions du pays est une preuve concrète de son existence. Nous n'avions fait que le mettre en valeur, c'est-à-dire donner la chance aux jeunes interprètes de s'exprimer. Manquait à ce genre musical, cette véritable dimension nationale.
L'institution de ce festival a été ce catalyseur qui a mis en valeur des potentialités de qualité, originaires de Souk Ahras, de Béjaïa, de Blida, de Mostaganem, de Jijel, de Constantine, de Skikda, ou de Ghardaïa. L'ancienne génération a apporté les éléments de fondation, celle-là, à qui nous donnons la chance va le sauvegarder, le transmettre et le développer.
Nous sommes convaincus de ses possibilités car elle est mue par la démarche scientifique.

Quel bénéfice a pu apporter à la chanson chaâbi ce festival national que vous organisez chaque année?
Je pense qu'arriver à la sixième année d'existence est déjà une preuve de pérennité et de stabilité non négligeable qui fait que les différentes actions menées sont évolutives.
Le premier apport est sans nul doute la découverte de talents et leur suivi à travers tout le territoire national, le second est la formation menée régulièrement, le troisième est la participation des jeunes à cette épreuve, ensuite la publication par l'accompagnement de toute cette population artistique de livres-diwans spécialisés dans ce domaine.
L'ancienne génération souffrait du manque de textes. Aujourd'hui, le monde musical ne se plaint plus de cette carence. La connaissance dans ce domaine est généralisée El Hamdoulilah.

Quelle est la différence entre les maîtres (chouyoukh) d'hier et d'aujourd'hui?
Je pense que chaque époque produit ses personnalités. En vérité, elles sont toutes valables dans leurs contextes respectifs.
Les anciens cheikhs étaient des modèles dans tous les domaines. Cela va de la morale véhiculée par la poésie populaire, jusqu'au comportement social en passant par la connaissance.
Ceux d'aujourd'hui abordent une carrière avec plus de sérénité, de dextérité vocale et instrumentale. Ils ont les médias et l'oreille avertie du public. En termes de volume de travail, les anciens avaient une autre responsabilité, celle de l'identité à défendre face aux colonisateurs quels qu'ils soient. Ceux de maintenant travaillent moins l'aspect message à transmettre.

Et si on fait une projection sur l'avenir de cette chanson, existe-t-il une relève qui peut vraiment porter et faire passer le flambeau à la génération montante?
Je suis convaincu qu'une relève existe bel et bien et c'est l'une des missions du Festival national de la chanson chaâbi. Jusqu'à maintenant nous avons consacré 65 lauréats toutes éditions confondues.
Je leur fais pleinement confiance parce qu'ils sont volontaires pour prendre le flambeau de ce genre musical ancestral.
Ils le savent bien et ils nous le font ressentir à chacune de nos rencontres avec eux, quand ils viennent se mesurer sainement et dignement dans les règles de l'art, comme on dit, sans passe-droit ni un quelconque avantage douteux.
La projection vers un avenir radieux est bien là.

Qu'en est-il de votre souhait exprimé le 20 août 2010 lors de la 5e édition du Festival national de la chanson chaâbi, celui de rapatrier les restes du grand cheikh Hssissen enterré à Tunis en 1958?
J'ai toutes les raisons d'espérer aujourd'hui, car l'appel a été entendu par les pouvoirs publics, le ministère de la culture, en particulier, qui a désigné un opérateur pour la prise en charge de cette opération. Sa veuve, ses enfants et ses petits-enfants, sa grande famille artistique et la nation reconnaissante seront fiers de cette action au nom de la mémoire.
Je dois rendre hommage également, aux efforts menés dans ce domaine par l'association des amis de la Rampe Valée d'Alger et à son président M.Aït Aoudia Lounis.

Quels sont vos projets d'avenir?
J'ai réalisé en avril dernier 5 coffrets qui s'inscrivent dans le cadre de l'anthologie de la musique algérienne qui compte aujourd'hui 20 coffrets.
Ces derniers coffrets concernent: Les grands poètes tlemcéniens, Mohamed Lamari, Saloua., Chaouli Nacereddine et Samir Toumi. S'agissant des projets de publication, ils concernent: Cheikh Hssissen, le tome 4 des grandes figures musicales en Algérie, tome 2 et 3 du Diwan de la poésie populaire, Cheikh El Hadj M'rizek ainsi qu'un film documentaire sur Cheikh Hssissen.


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