Algérie - Alloula Abdelkader

Abdelkader Alloula, Une œuvre intensément novatrice



Parmi nombre d’auteurs dramatiques algériens contemporains, Abdelkader Alloula(1) se détache puissamment. Avec dix ans de recul et davantage, on commence à apercevoir les linéaments d’une œuvre intensément novatrice, tributaire des techniques théâtrales modernes, qui passent sans conteste la rampe et prolongent des sujets très divers par des lointaines harmoniques philosophiques et poétiques.
Sans passion humanitaire, peu sollicitée pour elle-même par l’étude des milieux, Abdelkader Alloula a souvent choisi comme argument de ses pièces une sorte d’écroulement intérieur, au cours duquel les assises de la personnalité se découvrent pour ainsi dire. C’était très neuf, très différent des pièces à tiroirs, des situations machinalement agencées ou de l’idéalisme pontifiant : un tableau d’un dur réalisme est prolongé par une vision claire. Abdelkader Alloula est tout entier dans ce contraste. El Khoubza (le pain), qui valut à l’auteur une réputation au-delà des cénacles, est une œuvre à l’ample dessein. C’est un drame du travail, mais tout pénétré par l’éternelle et irrecevable invitation au voyage. Abdelkader Alloula laisse malgré tout subsister, comme une échappée incertaine et sur le plan dramatique, cette équivoque même possède ces résonances inachevées et mineures qui contribuent à créer la tonalité poétique. De nombreuses pièces suivront, car Alloula dramaturge est aussi fécond que divers. On citera comme exemple Homq Salim (adaptée de Journal d’un fou de Gogol) qui a reçu un accueil très favorable et du public et de la critique. Pour nouvelles et même choquantes qu’elles parussent à l’époque, ces pièces demeurent, dans la perspective de l’œuvre intégrale, des coups de maître. Les sujets sont très valables et les effets dramatiques demeurent riches et novateurs. Ce qui est déjà très caractéristique dans cet art, c’est l’interrogation angoissée vers quoi il tend, interrogation qui, dans la mesure assez forte où elle en comporte, suscite des réponses polyvalentes, achevées et justes. Sur ce terrain — distinct de la forme dramatique — Abdelkader Alloula serait plus près des illuminations gogoliennes que du pessimisme brut de Strindberg. Tout idéalisme de pacotille ayant été rejeté, Alloula rejoint souvent cette aspiration puissante mais un peu vague qui sommeille au cœur de tout Algérien et que Mohamed Dib et Abdelhamid Benhaddouga transposaient, en ces mêmes années, dans leurs romans. Avec sa trilogie El Adjouad (les généreux) délaissant délibérément, l’esthétique réaliste, Alloula adopte cette forme d’expression symbolique, riche en effets scéniques, qui correspond à sa manière la plus originale. Enfin, l’œuvre de Abdelkader Alloula est incontestablement celle d’un artiste consommé du théâtre.

(1) Assassiné à Oran par les hordes terroristes




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