Algérie

Abdelhamid Zerguine, le manager qui veut sortir Sonatrach du puits



Le nouveau PDG de Sonatrach est précédé par une bonne image de cadre gestionnaire. Un atout qu'il peut dilapider très vite s'il n'engage pas le mouvement de modernisation du management de la grande compagnie avec enfin pour la première fois une vraie audace à l'international. L'investissement dans l'aval à l'étranger est, heureux hasard, une revendication du nouveau parton du groupe. La balle est dans le camp de l'Etat actionnaire qui l'interdit. Autant dire qu'elle est chez le président Bouteflika.

Naftal va distribuer du carburant sur le réseau autoroutier marocain en 2016 et Sonatrach vendre du gaz naturel dans le résidentiel à Porto, l'année suivante. Fiction ? Simplement la traduction en images du souhait exprimé, par le nouveau PDG de Sonatrach le jour même de son intronisation jeudi dernier à la place de Nourredine Cherouati. Le fait est presque sans précédent. Le nouveau PDG de Sonatrach s'est adressé à son actionnaire, l'Etat, pour sauter le verrou qui oblige la première compagnie algérienne à se confiner à l'amont pétrolier lorsqu'il s'agit d'investissement à l'étranger. « A l'international, notre actionnaire (l'Etat) nous a autorisé à investir uniquement dans l'exploration. Nous aurons peut être à faire évoluer cet aspect des choses en proposant le développement des projets en aval, intégrés à des projets en amont ». Avant sa nomination à la tête du groupe, Abdelhamid Zerguine, 61 ans, assurait la présidence de Samco, filiale de Sonatrach chargée de la commercialisation du gaz dont le siège est à Lugano en Suisse. Une fonction qui permet de mieux observer les marges commerciales que Sonatrach abandonne à ses partenaires-clients en n'allant pas plus loin dans la chaîne de valeur, au plus près du client final, sur le marché européen qu'elle approvisionne. Son passage au poste de vice-président chargé de l'activité Transport par canalisation (TRC), l'a également, avec la maturation des grands projets de gazoducs, fait travailler sur cette même planche du partage de la valeur du gaz amont-aval qui part toujours des gisements algériens.

UN LOURD «ALLIE DE CIRCONSTANCE»

Abdelhamid Zerguine a donc les idées claires à ce sujet et le fait savoir d'entrée. Sonatrach soumissionne pour des permis de recherche sur des blocs miniers à l'extérieur, et acquiet des parts de capital chez ses partenaires, comme les 3,85% dans Gas Natural en juillet dernier. La compagnie devra faire plus et aller plus loin dans l'aval, pour y investir, selon son nouveau PDG. Des patrons du secteur privé qui ont un potentiel établi à l'investissement à l'international réclament, comme Issad Rebrab et Slim Othmani, que soit levé l'obstacle de la Banque d'Algérie devant l'exportation de capitaux d'entreprises dans le but d'investir. Ils auront peut-être trouvé pour la première fois, avec le nouveau patron de Sonatrach un sérieux allié de circonstance, dans le secteur public. Pour Sonatrach comme pour les raiders algériens à l'international, la clé des conquêtes à l'international se trouve chez le président Bouteflika. Qui refuse toujours de la livrer. Sonatrach devait, objectif de Chakib Khelil ministre de l'Energie et des Mines (1999 -2010), réaliser 25% de son chiffre d'affaires à l'international en 2015.

LA POLITIQUE SALARIALE DU GROUPE EN HYPOTHEQUE

C'est toutefois sur un tout autre front que les premiers pas d'Abdelhamid Zerguine vont être évalués. Le nouveau boss de Sonatrach aura pour premier défi de combler le fossé que son prédécesseur, Nourredine Cherouati, a, de fait, creusé entre la Direction générale et les travailleurs de l'entreprise. En cette période où les tensions sociales sont devenues récurrentes et marquées, Abdelhamid Zerguine devra gérer en douceur des dossiers sensibles tels que l'application de la récente circulaire n°8.02 R5 relative à l'allocation de fin de carrière, la prime de résultat de l'exercice 2010, jugée non conforme aux performances annoncées pour l'année considérée. Il devra, sans doute en priorité, rediscuter avec son vis-à-vis syndical du nouveau système de rémunération décrié par la majorité des travailleurs, ainsi que du gel des promotions. Nourredine Cherouati a dû quitter Sonatrach sur un départ de feu. Des mouvements de grèves erratiques ont éclaté sur plusieurs sites de production depuis le début du mois d'octobre sans que l'ancien PDG ne réussisse à trouver « le bon ton » pour organiser le dialogue social. L'augmentation des salaires est la clé de la politique de conservation des meilleures ressources humaines que veut insuffler le haut management de Sonatrach, déshabillée par la concurrence des compagnies étrangères. L'image que se font nombre de cadres de Sonatrach de leur nouveau patron est celle d'un responsable compétent, doué d'une bonne capacité d'écoute vis-à-vis de la tutelle, mais aussi envers ses collaborateurs. Plutôt réservé, il paraît capable de rénover radicalement le style de management de la Direction générale du Groupe. S'il réussit à son premier test. Forcément, sur le front social.




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