Algérie

Abdelhafid Idrès tire sa révérence



La tribu des Aït Bimoune pleure l'un de ses meilleurs fils, qui a consacré sa vie à la confection d'un volumineux dictionnaire de 2000 pages avec 65 716 expressions, traduites de tamazight vers le français.L'auteur du Grand dictionnaire français-tamazight et tamazight-français, Abdelhafid Idrès s'est éteint avant-hier à l'âge de 73 ans. Il a été enterré hier dans son village natal, Timanachine (commune de Boukhelifa). La tribu des Aït Bimoune pleure l'un de ses meilleurs fils, qui a consacré sa vie à la confection d'un volumineux dictionnaire de 2000 pages avec 65 716 expressions, traduites de tamazight vers le français. Pour le militant politique et homme de culture Mokrane Aggoune, qui a donné l'information sur son compte facebook, Tamazgha vient de perdre en la personne de Abdelhafid Idrès un "infatigable berbérisant" et une "riche bibliothèque par son érudition" et il était connu aussi pour sa bonté et sa gentillesse. Toujours le bon mot, empreint d'humour, et souvent dit avec ironie, indépendamment de ses interlocuteurs, de tous âges, qui s'esclaffent après avoir saisi la nuance. Après avoir fréquenté l'ancien café Abdelli de Béjaïa, il a trouvé refuge au café Lallali à Ihaddaden où il habite. Il était toujours entouré de ses amis, c'est-à-dire quasiment tout le monde. Bien qu'il ait vécu modestement de sa retraite, il était toujours le premier "à dégainer" et à payer les consommations. Et la scène se répète quotidiennement, témoignent ses amis qui envisagent de créer une association pour perpétuer sa mémoire. Abdelhafid Idrès vivra désormais à travers son ?uvre, gigantesque. Il faut savoir qu'il n'était pas à son coup d'essai. Il avait activement pris part au premier dictionnaire français-tamazight, qu'il avait codirigé avec Rabah Madi, sorti au milieu des années 2000 et financé en grande partie par l'APW de Béjaïa. Et pour entamer le Grand dictionnaire en solo, il y avait consacré treize longues années. Et ces années de labeur n'avaient pas été un long fleuve tranquille. C'est en cela que l'on ne peut qu'être admiratif devant l'acharnement de Dda Hafid, car ces 13 années étaient ponctuées de cinq hospitalisations, cinq interventions chirurgicales, sans compter les mois où il était cloué au lit. Et c'est après deux années de rééducation à l'hôpital spécialisé d'Ilmathen que Abdelhafid Idrès avait pu poursuivre son travail. Et c'est en étant diminué physiquement ? l'acuité visuelle et l'ouïe en baisse, deux paralysies faciales ? qu'il avait dû lire près d'une centaine d'ouvrages de référence, prendre des notes. L'ouvrage le plus ancien est daté de 1864.
Interrogé sur ses mêmes colonnes, il nous a relaté que "c'est avec du courage, de l'amour pour ma culture que j'ai tenu. Sans cela, j'aurais certainement abandonné il y a longtemps. En étant alité à l'hôpital et obligé d'écrire pour terminer cet ouvrage, je peux vous assurer que ce n'est pas évident du tout, d'autant que l'aide que j'ai eue était ponctuelle, du moins temporaire. Si on y ajoute la transcription de certaines lettres qu'il a fallu inventer, car ne figurant pas sur mon ordinateur? C'était franchement fastidieux". Lors de l'hommage qui lui avait été rendu il y a quelques mois par le Haut-Commissariat à l'amazighité (HCA) à la bibliothèque de la wilaya de Béjaïa, son SG, El-Hachemi Assad, avait indiqué, à propos du Grand dictionnaire, que "c'est une bougie de plus qui va éclairer le terrain de la promotion de tamazight à partir de Bougie". Lors de cette rencontre, la direction de la culture avait acheté 15 dictionnaires et la direction de la bibliothèque 10. L'Enag, avait annoncé le SG du HCA, a réglé par anticipation les droits d'auteur en remettant, pendant la séance, un chèque à Si Abdelhafid. Adieu l'artiste.

M. OUYOUGOUTE


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)