Algérie

Abdelaziz Ziari, ancien président de l’APN, à L’Expression «Les Algériens ont besoin de stabilité»



Publié le 01.06.2024 dans le Quotidien l’Expression

L'ancien président de la Chambre basse Abdelaziz Ziari a dévoilé à L'Expression que le bilan du président Tebboune est positif, surtout sur les plans politique, institutionnel et sécuritaire. Le front interne et la défense de la souveraineté nationale sont considérés comme un point focal et non pas un slogan creux. La mise en place du front doit être transpartisane, selon Abdelaziz Ziari.

L'Expression: L'Algérie vit au rythme des préparatifs de l'élection présidentielle anticipée du 7 septembre prochain. Quelle lecture faites-vous de cette conjoncture?

Abdelaziz Ziari: Oui, c'est l'occasion de parler de ce faux débat à propos de l'anticipation de l'élection présidentielle. Pour moi, c'est vraiment du pur formalisme. Pour une fois que le chef d'Etat raccourcit son mandat plutôt que de le prolonger, à mon sens, il faut s'en féliciter alors que l'Etat a avancé ses arguments en rapport avec l'organisation de cette élection présidentielle anticipée.
Donc, pour ainsi dire, tout le faux débat qui s'en est suivi n'est que formalisme.

Donc, selon vous, le président Tebboune a eu un geste salutaire?

Oui, c'est un geste positif dans la mesure où il ne s'est pas tenu au formalisme et a préféré choisir une date qui convient le mieux pour la marche de l'Etat et a fixé les conditions dans lesquelles elles devraient se dérouler. Tous les arguments que j'ai entendus sont fallacieux. Effectivement, les vacances sont un bon moment pour faire une campagne électorale. Bien au contraire, ça permet de ne pas bloquer pendant l'élection et la campagne électorale le fonctionnement de la machine de l'Etat.

Qu'en est-il du contenu de la démarche et de l'enjeu politique qu'elle représente?

Nous avons un Président en place qui a un bilan, à mon avis, positif en tenant compte du contexte géopolitique dans lequel évolue l'Algérie.
Je crois que les Algériens ont besoin surtout d'une stabilité et de continuité. Nous avons besoin, aujourd'hui, plus que jamais, d'une stabilité dans tous les domaines: une stabilité politique, elle existe; une stabilité institutionnelle, elle existe; une stabilité sécuritaire, elle existe; une stabilité économique avec ses difficultés et, bien entendu, les conditions socio-économiques à travers le problème du pouvoir d'achat et l'inflation qui pèse de son poids sur la situation économique. Mais il faut surtout dire qu'une grande partie de l'inflation est importée.

Quel est le poids de l'économie dans la perception que l'on a de l'exercice du pouvoir en Algérie?

Les problèmes économiques sont toujours posés, la créativité dans le domaine économique reste à développer. Je dirais surtout qu'il s'agit d'une absence d'innovation et de création.
Il faut maintenant aller de l'avant, il faut s'insérer dans l'économie mondiale avec intelligence, puis il faut se libérer, enfin, de la dépendance aux hydrocarbures.
Je suis de ceux qui sont convaincus de l'idée qu'il faut poursuivre l'industrialisation du pays. A mon sens, le développement sans industrialisation, c'est un mythe.
Relancer l'industrialisation avec une démarche tournée vers la modernité. En résumé, l'Algérie doit maintenir son cap dans la recherche d'un monde multipolaire et ne pas s'accrocher au wagon ni des uns ni des autres et continuer à prendre des positions qui serviront l'intérêt du pays.

Pensez-vous que la prochaine élection présidentielle se distinguera de celle de 2019?

Mais bien entendu. Cette fois-ci, elle se déroulera dans des conditions tout à fait normales et démocratiques. Il savoir que le peuple algérien est parfaitement conscient politiquement et, dans le cas de l'élection présidentielle anticipée, les Algériens ne votent pas pour des programmes des partis.

En quoi, selon vous, la participation des partis politiques renforce-t-elle le processus démocratique?

Tant mieux que les partis s'impliquent et donnent un sens au processus démocratique et électoral. Mais les Algériens votent utilité et réalité.
C'est-à-dire les alignements idéologiques sont morts pour peu qu'ils aient existé un jour dans ce pays en réalité. Déjà, ailleurs, les idéologies se meurent, imaginez alors dans un pays comme le nôtre.
Les Algériens sont beaucoup plus vigilants, surtout avec les tentatives de déstabilisation du pays. L'Algérie est un très gros morceau dans tous les sens.

Peut-on dire que l'Algérie est à l'abri desdites menaces ou doit-elle persévérer dans une attitude vigilante?

Il faut y aller dans ce sens, un front interne dans lequel se trouve tout le peuple algérien. C'est-à-dire un front trans-partisan. Les partis pourront assurer la tâche qui consiste à faire un amarrage populaire suffisamment important. Ça, c'est mon opinion personnelle. Ce que je veux dire, ce n'est pas un front constitué de partis qui vont imposer leurs conditions. Les partis dans tous les pays du monde viennent pour se partager le gâteau du pouvoir.
C'est pour ça je dis: oui pour un front qui rassemble le peuple algérien à travers une structure qui mobilise toutes les énergies patriotiques. Les partis sont les bienvenus, mais à condition qu'ils n'imposent pas leurs conditions. Le seul préalable et condition est la défense de la souveraineté nationale du pays. Quand on sait ce qui se passe au niveau international et régional, on s'aperçoit que les menaces existent concrètement. Je l'ai dit et je le redis, l'Algérie est un gros morceau appétissant. Donc, effectivement, la possibilité de fragiliser l'Algérie existe toujours, surtout à l'aune des luttes féroces qui s'expriment à travers la crise mondiale actuelle. Surtout par ceux qui veulent grader leur totale hémogénie sur le monde et ceux qui se déploient pour la défense d'un monde multipolaire.
L'Algérie se situe du côté de ceux qui défendent un monde dont la souveraineté des pays est intouchable.
Pour ainsi dire, les menaces ne s'arrêteront jamais. Des puissances gardent toujours cet objectif en faisant en sorte de développer une stratégie qui s'inscrit dans le temps et d'une manière sournoise.
L'Algérie doit jouer sur les alliances qui assurent ses intérêts et sa place dans le monde en général.
Le cas des forums qui sont organisés en Occident et dont une partie de notre élite y est impliquée s'inscrit dans cette approche de «vassalisation» qu'entreprennent des officines dont l'objectif est d'imposer leur révolution colorée.
Il ne s'agit pas du tout de l'aide amicale et désintéressée de ces grandes puissances, ça n'existe pas cette aide aux élites par des officines dont l'agenda est de préparer la dislocation d'un pays de l'intérieur.
Le front interne sert justement comme bouclier face à cet objectif et tentative de s'ingérer dans les affaires internes du pays.
Les nouvelles générations du pays doivent être vaccinées pour qu'elles puissent échapper aux tentatives des grandes puissances d'instrumentaliser une partie de l'élite dans le but de déstabiliser le pays.
Les partis nationalistes et patriotiques ont toujours joué un grand rôle dans la perspective de conscientiser le peuple sur l'avenir et les grands enjeux qui se dressent au pays, surtout par rapport à la souveraineté nationale qui doit être considérée comme un point focal et non pas un slogan creux.

Hocine NEFFAH