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Abdelaziz Rahabi à "Liberté"



Abdelaziz Rahabi à
Dans cet entretien, l'universitaire et ex-ministre de la Communication nous donne un éclairage sur les derniers développements survenus au Moyen-Orient, à la lumière de la décision du Conseil de sécurité de désarmer les groupes terroristes de l'EI et d'al-Nosra.Liberté : Le Conseil de sécurité a pris, vendredi, à l'unanimité, la résolution portant désarmement et dissolution immédiate de l'EI ainsi que du Front al-Nosra, branche syrienne d'al-Qaïda. Or, les djihadistes syriens sont une création de l'Occident contre le régime d'Al-Assad. Comment expliquez-vous ce changement d'attitude ' Assistons-nous à ce que l'on appelle un renversement d'alliance dans la région 'Abdelaziz Rahabi : Il est clair qu'il s'agit d'une évolution notable car même si elle s'inscrit dans la lettre et l'esprit de la charte des Nations unies, le Conseil de sécurité s'engage dans une voie qu'il ne pourra circonscrire à l'Irak et devra tenir compte d'autres situations dans lesquelles les minorités religieuses sont menacées. Il prend, par ailleurs, acte de l'effondrement de l'autorité de l'Etat confessionnel irakien qu'il a grandement contribué à mettre en place. Les chiites, portés au pouvoir par les Américains, n'ont pas réussi à dépasser les clivages confessionnels, et portent, aux côtés de George Bush, une responsabilité dans l'embrasement de la région. Ce qui est paradoxal en Irak, par exemple, c'est que le parti laïque Baath du dictateur Saddam Hussein a pu garantir la coexistence entre chiites, sunnites, chrétiens et yazidis.Par ailleurs, l'attitude des puissances occidentales sur la question religieuse n'est pas surprenante car, historiquement, elles ont toujours essayé de manipuler l'islam politique. Le colonialisme l'a fait contre le mouvement national en Algérie, les Américains l'ont fait pour déstabiliser l'ex-empire soviétique à partir du Caucase et en Afghanistan, les Israéliens l'ont fait contre Arafat.L'Union européenne a pris la décision d'aider militairement les peshmergas kurdes. Cette décision qui suscite quelques réticences en Europe n'est-elle pas de nature à créer une nouvelle tension entre l'Europe et Ankara, sachant la sensibilité de la question kurde en Turquie 'L'Europe n'intervient que si ses intérêts stratégiques sont directement menacés, car il ne s'agit pas, cette fois-ci, seulement de la France et de la Grande-Bretagne, qui ont des traditions impériales, mais de toute l'Europe dont l'Allemagne traditionnellement réservée sur ces questions. Elle le fait également parce que la doctrine américaine en matière d'intervention a changé, les USA ne veulent plus envoyer de troupes à l'étranger, et ils l'ont fait savoir à leurs alliés européens dès 2011 en Libye. À mon sens, rien n'a fondamentalement changé dans les rapports de l'Europe avec la Turquie à qui on a proposé, en 2009, l'Union pour la Méditerrané (UMP) pour mieux éloigner la perspective de son entrée à l'Union européenne, car l'appartenance à l'espace géographique européen ne suffit pas et ne valide pas le ticket d'entrée à un espace de valeurs socio-religieuses occidentales. Le seul représentant de ces valeurs dans la région reste Israël, et l'attitude des grands pays dans l'agression contre Gaza en est la plus récente démonstration. La Turquie est consciente des oppositions au sein de pouvoirs et sociétés occidentales, elle a adapté sa stratégie qui est plus tournée vers l'Asie, de même qu'elle est consciente qu'elle sert de plus en plus de référent pour les élites musulmanes et inspire beaucoup de sympathie dans le monde arabo-musulman.Au-delà du cas syrien, est-ce que l'Occident n'est pas en train de se rendre compte qu'il a fait fausse route par rapport à ce qui est appelé Printemps arabe, en ce sens qu'il n'a pas donné naissance à des régimes démocratiques, mais à des milices terroristes porteuses de déstabilisation 'Les révoltes populaires dans le monde arabo-musulman auront au moins servi à débarrasser les peuples des anachronismes qui les empêchent de progresser comme la présidence à vie et la transmission héréditaire du pouvoir. Pour le reste, cela dépend des niveaux de préparation de chaque société, les Tunisiens sont en train de réussir, et ils le doivent essentiellement à la force de leur syndicat et à la qualité de leurs élites. En réalité, ce qui a fondamentalement changé, ce sont les peuples, pas les gouvernants, ce qui a aggravé le décalage entre les deux et conforté le sentiment dans nos sociétés que le changement doit être avant tout porté par une demande interne, pacifique et consensuelle.Mais la Libye est dans une situation pire que celle de la Syrie, en ce sens qu'il n'existe plus d'Etat. Une résolution comme celle prise vendredi par le Conseil de sécurité contre l'EI est-elle envisageable dans le cas libyen, compte tenu au moins du poids énergétique de ce pays 'En Libye, les enjeux économiques sont énormes et le gaz libyen peut représenter pour l'Europe une des options de substitution au gaz russe qui s'est transformée en une redoutable arme diplomatique contre l'Europe. C'est un atout majeur, d'autant plus que l'Algérie ne peut, à court terme, dégager des quantités supplémentaires de gaz naturel. À ce titre, la stabilisation de la Libye devient une priorité pour l'Europe qui craint, par ailleurs, en raison de sa proximité géographique, un exode humain massif et redoute l'usage qui pourra être fait du stock d'armement incontrôlé qui dépasse celui de toutes les armées régulières des Etats du Sahel. La Libye a été soutenue par l'Union européenne et les USA pour accélérer la chute de Kadhafi et installer un régime pro-occidental, mais n'a pas été accompagnée dans son effort de stabilisation. C'est pourquoi il faut craindre un remake du scénario irakien dans les aspects liés à l'énergie et à l'armement.NomAdresse email




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