Algérie - Parutions de livres sur la politique

Abane Ramdane, le faux procès de Khalfa Mammeri, (Essai) - Éditions Mehdi, Tizi-Ouzou, 2007



Abane Ramdane, le faux procès de Khalfa Mammeri, (Essai) - Éditions Mehdi, Tizi-Ouzou, 2007
Abane Ramdane selon Khalfa Mameri

Le rôle de Abane Ramdane dans l’organisation pratique et théorique de la révolution, bien que trop évident pour tous en dépit de sa précoce disparition tragique, est trop souvent sous-estimé, passé sous silence, voire parfois contesté par certains ex-dirigeants de la Révolution du 1er Novembre s’exprimant en des circonstances tellement choisies qu’elle prennent l’allure d’un règlement de compte politicien à titre posthume avec l’architecte de la Révolution et à travers lui avec la Kabylie tout entière ainsi qu’avec le projet de société véhiculé par l’élite de cette région et par les revendications qu’elle n’a cessé de clamer publiquement.

C’est ce qu’essaie de démontrer et de fort belle manière Khalfa Mameri dans un ouvrage intitulé Abane Ramdane, le faux procès ; un livre de 160 pages plus une postface où l’auteur explique son choix et deux annexes portant sur deux versions de l’assassinat de Abane ; l’une officielle confectionnée par les dirigeants de la Révolution et publiée dans le n°24 d’ El Moudjahid, daté du 29 mai 1959, l’autre, un témoignage du colonel Ouamrane sur les circonstances de la mort de Abane Ramdane.

Le titre du livre mis au singulier laisse penser au procès organisé par trois membres militaires du Comité de cordination et d’exécution qui ont décidé, à l’issue d’une réunion de trois jours et trois nuits, en l’absence de l’accusé et des trois autres membres civils, d’incarcérer Abane au Maroc où il aurait été assassiné par Abdelhamid Boussouf, son propre chef, ou avec l’accord d’un ou deux militaires.

A la lecture extrêmement aisée et époustouflante du livre, on s’aperçoit qu’il s’agit outre du procès quasi clandestin des trois militaires, dominés et menacés par la stature intellectuelle de Abane, de ceux qu’instruisent à son encontre les comparses Ben Bella, Bentobal et Ali Kafi à propos de la représentativité du Congrès de la Soummam, du contenu des documents adoptés qui porteraient atteinte au caractère islamique des futures institutions, et enfin, de l’intégration et de la promotion des éléments modérés dans les rangs de la Révolution, reproches tirés, par l’auteur, d’une lettre de Ben Bella à Abane et qu’il réfute point par point avec éloquence et efficacité à partir de la page 13 de l’ouvrage.

A partir de la page 40, l’auteur, et cette fois-ci avec preuve à l’appui, s’attaque à l’accusation portée par Ali Kafi envers Abane sur les contacts secrets avec la France prouvant qu’il n’en est rien et qu’au contraire, plusieurs dirigeants ont eu séparément des contacts avec des émissaires français désapprouvés par Abane. Les extraits de l’échange de correspondances entre Abane et la délégation extérieure insérés dans cette partie du livre est extrêmement édifiante à cet égard, à plus d’un titre, notamment sur le rôle prépondérant qu’assumait Abane à la tête de la Révolution sur la méfiance ou tout au moins les difficultés, somme toute compréhensibles, de la coordination entre l’intérieur et l’extérieur et même entre les membres de la délégation extérieure.

Abane semble, parfois, donner des ordres et dicter aux autres la conduite à suivre donnant du grain à moudre à certains, comme Bentobal, pour le présenter, des décennies après sa mort, comme dictateur contredisant ses propres déclarations, faites en d’autres circonstances, sur le même Abane. Il faut savoir que Abane était à la tête du FLN à l’intérieur du pays à mobiliser toutes les forces nationales, à les intégrer au combat, à coordonner les actions, à répliquer à l’ennemi et à préparer le congrès qui a doté la Révolution de structures politiques et militaires qui ont conduit à la reconquête de la souveraineté nationale.

Outre l’atmosphère démocratique qui a prévalu au congrès de la Soummam, Abane a donné plusieurs exemples de comportement démocratique signalés par l’auteur tout au long de son ouvrage. Tout cela, les lecteurs le découvriront eux-mêmes à la confrontation des thèses, la lecture de documents authentiques, la réfutation des mensonges, l’analyse pertinente des faits et, pour tout dire en un mot, une vigoureuse plaidoirie justifiée, pour Abane, pour la Kabylie et la vérité historique trop souvent malmenée par les tenants du pouvoir. Il y aurait encore beaucoup à dire sur ce livre qui remet énormément de choses en place et qui tient le lecteur en haleine, mais les lecteurs sauront déceler les aspects les plus saillants qui ne sont pas évoqués dans ce bref aperçu.


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