«Pour briser la
clôture où l'enferme l'homme, la femme doit aussi dénoncer l'image d'elle-même
qu'il lui renvoie»Gisèle Halimi, intellectuelle et féministe française.
Je t'offrirai une
gazelle femme de la résistance, je t'offrirai une gazelle, toi mère de la souffrance. Je t'offrirai la palme d'or,
jumelle de la résistance et dans les plis de mon hommage, tu ressentiras
certainement les douceurs de l'indulgence. De nos grandes montagnes, ta voix
résonne entre les rocs et dans ses échos s'effacent les douleurs de tes
semences. J'offrirai mon âme à toi sÅ“ur, fille, et mère de la vaillance car
même dans nos joies, on n'oubliera plus jamais tes misères et tes errances. Que
tes tristesses aient emprunté les traces de notre passage et que les siècles
nous aient dépassé en raison de la fugacité de leur cadence, nos consciences se
rappellent tes prouesses avec déférence. D'où notre amour euphorique à toi
comme unique pilier de notre culture en déshérence. Je t'offrirai mon cÅ“ur et
mes rêves à toi gardienne de notre mémoire millénaire et espère de la sorte
glaner les restes de ta reconnaissance entière. On sait que tu as tant souffert
de leur méchanceté et arrogance. On sait que tu as enduré les pires outrances.
On sait que ton cÅ“ur est déchiré en morceaux à force que les bourreaux qui
t'ont violée en plein jour sans scrupules ni nuances l'on taillé par leur
serpes mais on continue de cultiver pour toi dans nos têtes mille projets et
romances.
Femme de notre
pays, on compte recoudre tes déchirures, soigner tes blessures, apaiser des
douleurs, évacuer ton giron de toutes les rancÅ“urs et te redonner le sourire
que t'ont volé les corbeaux de mauvais augure. On compte débaptiser leurs mensonges, leur
faire du vidange et rebaptiser tes songes sous le nom
de l'espérance. Femme de notre patrie, tu es le tison qui rougeoie dans le
brasier de nos cendres éteintes, tu es l'étoile filante qui embellis notre ciel
orphelin, tu es la fierté d'un peuple en deuil de son histoire, tu es la flamme
qui as brillé par mille feux et anéanti le repaire des ténèbres.
Tu es la révoltée
numide, l'insoumise des Aurès, la zouave d'Alger, et
la voix du désert. On s'en souvient tous, petits et grands, jeunes et vieux,
modernistes ou conservateurs, qu'ils ont beau essayer de t'écrabouiller sous
leurs bottes méprisantes, tu leur as tenu pieusement la dragée haute, qu'ils
ont beau essayer de salir ta bonne presse par leur torture et infamie, tu leur
as résisté par ta «Horma» et ta bravoure. Tu es la
belle Djamila qui as déambulé au milieu des barbelés des «zones interdites»
sans avoir nullement peur au ventre, tu es l'iconoclaste-martyre
Hassiba qui as défié leur hargne et leurs bombes, tu
es cette Fatma-pucelle qu'ils ont voulue coûte que
coûte asservir mais qui as étrillé leurs armées et méprisé leur arsenal, tu es
cette Nedjma, fière et joyeuse de son ascendance
incertaine.
Tu es la belle et
rebelle Algérie dont les fleurs ont perdu leurs pétales et les enfants
quittent, pestiférés par les déceptions, le territoire en quête d'opportunités
et d'espoir. Tu es l'envers de la laideur et la campagne du bonheur. Tu es
notre mère, sÅ“ur et fille dans les moments de joie et de douleur. Tu es celle
qui porte dans ses tripes comme un tatouage indélébile l'amour de l'Algérie. Tu
es celle dont le ventre nous a donné Ben M'hidi, Abane, et Didouche. Tu es notre
fierté et notre espoir qui nous ont consolés et nous consolent éternellement de
nos tristesses.
Il va de soi que
les récits de l'histoire te réservent dans leurs fastes combien de gloires,
toi, fille en pleurs, femme en colère, et mère de toutes les douleurs. Toi qui
n'as cessé d'interpeller notre destin par tes diatribes et tes youyous. Toi qui
aurais réchauffé nos veines refroidies par les tragédies successives que notre
patrie aurait survécues non sans peine et difficultés.
On aimerait voir en toi l'incarnation «goethienne» de
la mère-courage et ses enfants, on aimerait voir en
toi, le dépliement des rides creusées par tant d'années du sang et de larmes. On
aimerait te voir danser en «ce printemps de chimères» en plein milieu des
prairies de rêves et d'espérance. On aimerait somme toute, femme de mon pays,
te voir joyeuse et épanouie comme tes propres voisines qui t'ont dernièrement
ravi le sésame de l'espérance, toi qui as si donné de toi-même à tes enfants, à
tes frères et à ton conjoint, toi qui as si donné à ton pays chéri sans espérer
rien en retour, toi qui as sacrifié ta vie pour un Maghreb uni où les peuples
frères par le destin et l'histoire devraient vivre en bonne intelligence et
harmonie et non plus se crêper les chignons dans de banales bisbilles, toi qui
as cru en une Méditerranée de civilisations communes et non plus à «un espace
vital» pour des puissances qui laminent les petits États. À toi, Fadhma Ait-Mansour Amrouche (1882-1967), première femme-écrivain
sans conteste au Maghreb, à toi Assia Djebbar, fille de Cherchelle,
ayant forcé l'admiration des autres au-delà des mers et des océans, je vous
offre une gazelle, un trophée et une reconnaissance sans procuration des miens.
A toi la héroïne
de notre destin et l'auteure de nos jours, à toi la
femme de l'Algérie de toujours, je vous offrirai une gazelle comme l'a fait mon
compatriote, le poète et écrivain Malek Haddad (1927-1978) qui a sublimé ta
bravoure et fut fasciné par tabeauté. À toi la
rebelle qui as refusé la mise en cercueil des âmes vivantes de tes enfants, à
toi qui as repoussé loin par ton courage les tentatives du musellement de ta
voix, à toi femme du silence volcanique, à toi femme de tous les honneurs, on
t'offrira, nous tous algériens dans l'esprit et les songes, notre dignité et
gratitude comme nos braves ancêtres qui t'ont intronisé reine sur leurs terres
et de leur destinée. Toi qui as porté notre honneur sur tes bras et conscience
comme un trophée de chasse, toi qui as chassé les orgueilleux colons de nos
terres, toi qui nous a aimés et chéris avec tendresse, tu ne mérites que mille
respects et égards.
On te l'assure,
ne t'inquiète pas outre mesure car on n'est plus des fabulistes et des
ringards, on ne te promet guère monts et merveilles mais on te donne volontiers
les flots de pensées qui coulent dans nos artères. On te donne notre sang, sève
et sueur. On te donne feu vert pour tirer un trait définitif sur tout ce qui
nous a blessé, désuni, rabaissé et plongé nos élites dans l'indifférence. On ne
sait guère pourquoi d'ailleurs, femme de mon pays, nos cerveaux sont-ils en
sempiternelle panne d'idées? On ne sait plus pourquoi les années qui sont
parties sont-elles mieux que celles qui viennent? On ne sait plus le pourquoi
du comment et le comment du pourquoi, on ne sait plus l'origine de cette
débandade, de cette sclérose, et de cette gangrène qui nous arrivent jusqu'au
cou, on ne sait plus pourquoi nos députés aiment-ils tant l'argent et ont-ils
vendu leur âme au diable pour entériner les choix de ces décideurs «obscurs»?
Ça craint vraiment dans la mesure où les divers quiproquos auxquels on fait
face refusent de donner quitus à nos âmes, ça craint d'autant plus que la
confiance entre nous, enfants du même pays, manque et la brisure de notre
solidarité laisse ses débris de verre sur notre passage. Désormais, on ne
saurait plus marcher dessus car on a peur du changement, on a peur de nos
compétences, de nos étudiants, de nos filles et de nos femmes libérées des
carcans putrides de tous ces conservatismes du Moyen Age.
On a peur du
lendemain de l'incertitude, on a peur de notre entourage, prolixe en cancans et
commérages, on a peur du langage des rumeurs, de celui de la vérité, des
mensonges, de contre-vérités, des révolutions
subites, des embouteillages étouffants, de l'administration tatillonne, du
D.R.S fantomatique, de l'armée toujours sur les aguets, du fléau de la fraude,
de l'hydre du chômage, de la pieuvre de l'islamisme, de la laïcité
prêt-à-porter, du Pouvoir grabataire et impotent, de l'opposition boiteuse, de
l'école en naufrage, des mosquées prédicatrices, de l'université parasitée...
On a tellement peur qu'on est presque devenus comme par enchantement des âmes
délurées, vite harnachées de vieux accoutrements, dignes des «muftis de la
peur» et de la crainte à l'instar du philosophe anglais Thomas Hobbes
(1588-1679), qui aurait hérité du ventre de sa mère la peur du monde et des
mortels.
C'est pourquoi,
l'on construit souvent des hypothèses hystériques, l'on échafaude des scénarios
cauchemardesques, l'on creuse jour et nuit nos méninges afin d'accoucher de
théories invraisemblables sur ce qui est à l'origine venu comme ça spontanément
et sans fioritures, l'on voit partout l'ombre de quelque chose s'agiter, une
main quelque part touiller notre café familial et le mélanger avec de l'impur,
des manigances se tisser derrière nos dos, une anguille sous roche tentaculaire
en train de mijoter notre ruine en douceur mais avec sûreté, l'on traite
souvent l'autre de ringard et parfois de traître à la patrie lorsqu'il ne pense
pas nécessairement comme nous ou ose obstinément dire que nous sommes sur la
mauvaise piste. On croit par notre ignorance et empressement que l'on est le
nombril du monde et l'unique source de la vérité, l'on a par inadvertance pour
certains et par négligence pour d'autres, oublié la sagesse africaine qui dit
en substance qu'«il y a ta vérité, ma vérité et la vérité». Et il ne faudrait
surtout pas perdre de vue cette histoire de nos responsables qui rejettent en
bloc l'autocritique, saluent l'autocratie et nous gavent de stupidité.
En revanche, les
temps nous ont éveillé et donné raison à nos malheurs car le fanatisme qui nous
a trop endormi par aussi bien l'hypocrisie que la perfidie de ses stratégies,
hypnotisé par ses manifestations fantomatiques et détruit par sa logique
meurtrière et négationniste sonne le tocsin au jour d'aujourd'hui. Mais le grand
malheur, c'est que l'on n'arrive à rien ressouder ni recoudre de notre société
déchiquetée par les affres de la barbarie. L'Algérie est devenue irrécupérable,
foyer de «Hittistes», usine de «Harragas»
et source de la «Hogra», le triple «AAA» que brandissent
les économies développées du Nord et les quelques nations émergentes du Sud
comme indice de leur stabilité économique et de leur épanouissement culturel
n'est hélas connu chez nous que sous le vocable, psychologiquement fort
destructeur et politiquement très démoralisateur du triple «H.H.H» (Hittiste, Hogra, Harragas). Certes, l'Algérie est en retard, femme de mon
pays, mais elle a encore du temps pour réfléchir sur elle-même, sur ce qu'elle
fait, sur ce qu'elle devrait faire dans l'avenir.
Le temps des
marchandages et des surenchères est révolu, le temps de l'indifférence
bureaucratique a atteint son pic paroxystique et l'on est obligé d'y trouver un
pertuis de salut.
C'est pourquoi,
notre Algérie a besoin de la fédération de forces de tous ses enfants, de tes
forces, femme de notre pays, afin qu'elle se remette en selle et pouvoir
chanter en paix et fièrement dans le concert des nations. Il n'est jamais
inutile de le rappeler hinc et nunc,
une nation construite sans le soutien actif des femmes est condamnée à périr,
c'est une nation dure et sans esprit ; une nation où les valeurs génitrices de
la morale perdent tout sens, une nation qui n'arriverait jamais à planter son
étendard dans le cÅ“ur de la modernité. Bref, une nation maschiste
où l'assise patriarcale tue et empoisonne dans ses épures et ses distorsions
tout aussi le jus que la sève de toute évolution. Ainsi l'ossature sociétale se
muerait-elle en un vaste corps vermoulu, qui pue de surcroît. Peut-on imaginer un jour une révolution mettre
ses jalons, une Å“uvre historique ou d'art voir le monde, un projet civilisationnel et une prospérité économique submerger par
leur envergure une contrée, un pays ou une nation sans la participation
effective et affective de l'élément féminin? Peut-on concevoir et imaginer
l'éclat de la révolution algérienne de 1954 sans cette présence de figures
féminines que notre peuple ne saurait jamais renier comme partie intégrante de
son répertoire de souvenirs épiques? Y-a-t-il
possibilité de dénicher à tout le moins un pays de par le monde qui aspire à
évoluer sans faire appel à ses femmes et faire preuve d'une réelle volonté de
redynamisation de leur rôle dans le microcosme social en tant que citoyenne à
part entière, mère de foyer, institutrice, éducatrice, ingénieur, journaliste,
femme d'affaires, représentante du peuple et même chef d'État. Mais où en est
l'Algérie au jour d'aujourd'hui? A-t-on réellement pu donner à la femme la
place idoine qu'elle mérite? Si c'était le cas, pourquoi nos élites ont-elles
observé un terrifiant black-out au moment où des filles innocentes, comme toi
femme de mon pays, ont été violées dans le grand sud algérien, plus exactement
à la cité Haîcha à Hassi Messoud en 2001? Pour quoi oserait-on châtier dans
l'impunité quasi totale des filles qui n'ont rien fait de grave que de rompre
avec la culture d'assistanat, le culte de l'État-providence
et la logique «khobziste» de la rente? Pourquoi
n'ont-elles pas, ces élites embourgeoisées sur le dos du peuple, bougé un seul
doigt pour cicatriser les blessures de toutes tes consœurs qui furent victimes
de viols collectifs, de séquestration et de crimes abominables par une hydre
terroriste des plus barbare que l'humanité ait connue? Où sont-elles ces
femmes-là? Ont-elles un statut? Pourquoi n'a-t-on pas pu organiser des
séminaires scientifiques, des rencontres de proximité et des émissions
télévisées pour débattre de leur sort, les dédommager et les assister
psychologiquement afin qu'elles puissent réintégrer sans honte ni retenue et le
plus normalement possible le giron de la société.
Celle-là même qui
les aurait reniées, leur aurait jeté l'opprobre, fustigés et dénigrés au moment
où leurs bourreaux déambulent ringards, acquittés de leurs viols, violences et
méfaits dans nos rues et mechtas. En quoi est-ce une dérive à la morale de dire
qu'une fille qui travaille, qui étudie, et qui réalise son autonomie est une
femme participative, plus productive que l'homme et plus rentable pour la
société? Pourquoi persiste-t-on à entretenir ce halo de mystère et cette
cohorte de tabous autour de la femme algérienne au moment où ses consÅ“urs
tunisienne et égyptienne furent blogueuses,
manifestantes et cheville ouvrière du printemps arabe? Nulle réponse ni
plausible à ce tas de questions à part le fait que la femme fait peur en
Algérie parce qu'elle sait se débrouiller toute seule, elle sait surtout
compter sur elle-même, elle a défié les canons figés des traditions surannées
sans en corrompre l'essence. Pire, elle est stigmatisée comme un syndrome
maladif, source du vice et de la «Fitna».
On sait
pertinemment, femme de mon pays, que tu n'as fait rien d'autre que de nous
redonner confiance en nous-mêmes, dans les nôtres et dans notre pays au moment
où la spirale terroriste a signé l'arrêt de mort de notre patrie Tu étais
journaliste, militante, écrivain à l'image de tes aïeules dans le maquis qui
ont pris leur courage en bandoulière et partagé les soucis et la lutte des
hommes de leur temps.
On comprend bien
de nos jours et même en rétrospective ta douleur, ton ton
plaintif, tes gémissements et tes jérémiades sous l'ère aussi bien de la haine
que de la folie et l'on comprend mieux encore maintenant le rejaillissement de
ce geyser d'espoirs en un avenir radieux. Encore faudrait-il constater à cet
effet que le concept de la modernité tant relayé par les médias a perdu son
vrai sens à la lumière de cette tournure extravagante qu'a prise le féminisme
moderne avec ses relents de libertinage, de marchandisation et de
commercialisation de la femme en tant que corps et l'omission à dessein de ses
vertus en tant qu'esprit et âme humaine. Tout au plus assiste-on et d'une
manière quasi revancharde à la floraison de tant de dérives monumentales de la
société de consommation. Laquelle confère sous des dehors luisants et faussement
modernes, un rôle subalterne à ce pilier de toute la société qu'est la femme en
la chosifiant et en la dévalorisant. Les sociétés occidentales, encore
serait-il judicieux de le signaler en ce papier, sont parvenues dans leurs
excès démoniaques et leur superficialité dans la vie de tous les jours à
trouver le chemin du déclin et de la décadence. L'image de la femme a
malheureusement été infériorisée sinon rabaissée à outrance par des spots
publicitaires érotisants, des thèmes féministes, fort périphériques, voire
banals et surtout une machine pornographique aussi esclavagiste qu'inhumaine.
Lesquels n'ont guère laissé place à ce minimum de pudibonderie et de chasteté
dont cet être en chair et en os, qu'est l'élément féminin, pourvu de
sensibilité et de douceur a tant besoin. L'évolution à laquelle est arrivée
l'humanité ces dernières années a mis un terme définitif à la morale en tant
que fondement essentiel des sociétés, le passage «ultrarapide», pourrait-on
dire, et fort précipité de l'étape de «la société traditionnaliste»
à celle de «l'ère industrialisée», confronté principalement en Europe par la
période des trente glorieuses (1945-1975), a renforcé par ricochet le
monstrueux diptyque de la «globalisation-consommation»
Dans l'autre versant, l'on voit bien les dégâts collatéraux des conflits et des
guerres planétaires (Kosovo, Irak, Afghanistan, la Corne d'Afrique, la Tchétchénie,
Birmanie) où seuls les enfants et les femmes en ont payé la recette. Il n'est
nullement inutile à ce titre de citer le combat humaniste et pacifiste de
l'opposante birmane Aung San pour mettre un terme à
la dictature des généraux qui aurait empesté de long en large son propre pays.
Ce qui lui a valu d'ailleurs le prix Nobel de la paix en 1991 et une adaptation
au cinéma de son parcours par le talentueux réalisateur français Luc Besson
dans le film «The lady», projeté cette année dans les
salles obscures partout dans le monde. Par ailleurs, la lutte pour
l'arrachement de ses droits dépasse peut-être l'ignores-tu, femme de ma patrie,
le seul cadre du 8 mars car tous les jours de l'année t'appartiennent. En
effet, la mondialisation-laminoir qui a asséché la
chaleur de la famille-nucléaire a engendré le
diptyque ravageur de l'éclatement de la famille et la désolidarisation sociale jusqu'au
point de croire qu'il est le nouveau archétype par excellence de notre
millénaire. Ainsi le pessimisme a-t-il envahi les bases de la cellule familiale
et le suicide s'est-il érigé en norme de conduite individuelle.
L'Algérie comme
tant d'autres pays de la sphère Sud de la planète n'est pas loin, elle aussi,
d'en engranger les dividendes. D'une part, les effets de la mondialisation ne
cessent de se faire ressentir dans son tissu sociétal, à preuve que les
hospices de vieillards «Dyar Rahma»
n'ont de par le passé plus droit de cité dans les conversations familiales
alors que de nos jours, les personnes âgées sont délaissées toute honte bue et
au grand dam de nos coutumes ancestrales.
D'autre part, le
destin des «femmes-célibataires», de celles qui sont
violées, des victimes de l'inceste, des femmes divorcées ou battues, ces êtres
fragiles, marginalisés et pointés du doigt par la morale collective, de loin
fort hypocrite n'est plus du tout enviable dans la mesure où elles souffrent en
silence devant une désapprobation sociale envahissante sur fond de cherté de la
vie et de réetalonnage à la négative de l'échelle de
valeurs. L'ouverture de la société sur ses franges les plus fragilisées tarde à
se faire en Algérie en raison de ce conservatisme sans goût que vit l'individu,
la famille, la société dans leur chair comme une violence contre eux-mêmes.
L'enfance abandonnée est un autre douloureux chapitre sur lequel les autorités
devraient également se pencher en urgence. L'Algérie du XXI siècle est très en
retard en ce domaine et devrait comme me dirait un ami «détabouiser»
en profondeur ce fardeau de traditions surannées, de stéréotypes sclérosants et
de handicaps rédhibitoires qui la freinent dans sa marche vers le progrès et
s'assigner de la sorte la mission éducatrice et civilisatrice de l'ouverture
sur la femme, cette poutre de la famille comme la dépeint la tradition kabyle.
N'est-ce pas d'ailleurs le poète surréaliste français Louis Aragon (1897-1982)
qui dirait un jour «et la femme est l'avenir de l'homme», on le croit fortement
en pensant à toi, femme de l'Algérie résistante.
*Universitaire
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Posté Le : 08/03/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Kamal Guerroua*
Source : www.lequotidien-oran.com