Algérie

A saute-mouton sur l'Histoire


A saute-mouton sur l'Histoire
Dans une livraison à la presse et en avant-première, le réalisateur Salem Brahimi nous a donné à voir, il y a quelques jours, un film documentaire de 96 minutes consacré à l'Emir Abdelkader.Dans une attitude stylistique fondamentalement inédite, le réalisateur nous emmène dans l'univers ésotérique de cet émir si passionnant par tout ce qu'il continue de susciter comme débats à nos jours. Entre franc-maçonnerie, avérée ou objet de manipulation, trahison ou pas de ses frères d'armes, amitié vraie ou supposée avec la France, rapports ambigus avec Napoléon III et consécration vénéneuse de son sauvetage des chrétiens à Damas, Salem Brahimi dans un grand allant de diplomatie, nous montre un superbe film construit sur l'image de l'homme, quasiment d'une manière hagiographique avec un cheminement somme toute logique pour cet être d'exception. Le début se fait de nos jours, avec des images extirpées à l'urbain quotidien. Le parti pris qui suit est délibérément artistique, les images léchées à un point inimaginable. On suit le parcours du fils de Mahieddine au sein de la Guetna avec quelques envolées lyriques du plus bel effet sur le chemin, l'atmosphère est illustrée en aval par des incursions par exemple dans le monde du cheval, une scène d'anthologie de cavaliers galopant dans la plaine de Ghriss restera mémorable. Et puis c'est des images d'animation au style très classieux, épuré à l'extrême, des choix graphiques qui malgré l'aspect insolite initié laissent une belle impression d'ensemble. Le voyage continue sur les notes chevaleresques des cavaliers qui galopent sur la poésie géographique de l'Ouest algérien. L'enseignement spirituel et scientifique, la philosophie de cet être élevé dans la soie grège qui n'oubliera pas par sa sagesse la modestie des grands de ce monde. Dans ce film on a entendu parler d'Abdelkader, de Mandela, Gandhi et les autres... Des musiciens, historiens, maîtres spirituels, écrivains, conférenciers ou simples quidams nous livrent pièce par pièce un portrait flamboyant de celui qui, fatigué par l'incurie des hommes, vit de nombreux burnous se retourner. Un destin héros de toutes les contingences humaines, un parcours, ou plutôt une saga bien racontée par l'inattendu Amazigh Kateb dont le père avait fait référence de l'Emir dans un texte. Bien beau retour des choses, le fils raconte le père de la nation. Il est poète, il est goual et donne de l'épaisseur au film avec une note d'humanisme qui tranche sur l'aspect un peu trop léché du film. Salem Brahimi signe un très bel ouvrage qui s'est fait le pari de nous donner le ton d'un travail puissant, très bien réalisé sur les trace de cet Emir en vérité impossible à cerner par les piste innombrables qu'il a empruntées juste par une sensationnelle modestie et grandeur qui ne sont pas l'apanage de tout un chacun. Le film l'Emir Abdelkader parti sur les ornières laissées par lui nous a emmenés par la main sur le lieu de naissance, sous la tonitruance des batailles, des accords et traités signés, de la Turquie en Amérique en passant par l'Algérie et Damas avec à chaque escale une part immense d'émotions. La spiritualité n'est pas en reste, elle est évoquée dans un parallèle avec les soufis de Turquie de Bursa et un voyage fulgurant avec la Alaouiya de Mostaganem, les images virevoltent ici et là pour nous bercer dans une ambiance savamment étudiée pour essayer de comprendre l'être et son destin extraordinaire. Le tout est produit par l'AARC avec le soutien du ministère algérien de la Culture et Tlemcen, capitale de la culture islamique 2011, avec les producteurs exécutifs Wamip Films et Battam Films. L'écriture est de Salem Brahimi et Audrey Brasseur, sur une voix de Amazigh Kateb pour le commentaire, et une musique originale de Mehdi Haddab. Le montage est de Yorgos Lamprinos sur des images de Sébastien Audinelle, Yoan Cart, Nathalie Durand et Mohamed Tayeb Laggoune et Paul Heymans pour le son. Un film qui signe une ère nouvelle dans le traitement documentaire, qui allie le plaisir de la redécouverte sur une option artistique d'une rare beauté. A voir coûte que coûte.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)