À quelque chose malheur est bon...

Ce qui s'est passé à Paris le week-end dernier, ce qui se passe aujourd'hui en France, réveille de douloureux souvenirs chez de très nombreux Algériens de plus de 20 ans. Le terrorisme le plus barbare et le plus dévastateur, ils connaissent; les attaques sanglantes -par le couteau, la balle et l'explosif- contre les journalistes et les intellectuels, contre les forces de sécurité, contre les populations désarmées, ils les ont vécues dans leur chair et jusqu'au tréfonds de leur être. Encore aujourd'hui, au-delà des 200 000 morts et d'énormes pertes matérielles, ils continuent de payer le tribut de cette folie meurtrière qui s'est emparée du pays pendant toute une décennie, et de souffrir des séquelles, innombrables et pour certaines morales etirréversibles, qu'elle a produites sur notre société. C'est dire si les Algériens comprennent la douleur et le traumatisme que les Français vivent actuellement. Mais, dans leur malheur en ce froid janvier de 2015, les Français ont cette aubaine, exceptionnelle et rare, de ne pas affronter leur épreuve seuls et isolés, abandonnés de tous, comme leurs voisins du Sud l'ont cruellement été durant les années 90. Soutenus par un monde de plus en plus uni contre le terrorisme, dans un contexte de radicalisation islamiste que l'on sait, épaulés par des puissances occidentales soucieuses de prévenir les attentats terroristes sur leur territoire, par des musulmans inquiets de voir la multiplication des amalgames et la montée de l'islamophobie, mais aussi par des millions d'anonymes rejetant toutes les formes de violences (comme on a pu le voir ce dimanche, notamment, à travers la marche républicaine à laquelle des chefs d'Etat et de gouvernement ont assisté) etc., les Français pourront certainement transcender leur douleur et panser leurs blessures avec beaucoup plus de sérénité et de calme. La France devra, toutefois, également lutter contre les raccourcis faciles, mais tellement dangereux qui font de l'arabe et du musulman des terroristes potentiels. Les 23 attaques-représailles menées ces derniers jours dans certaines régions de l'Hexagone contre les mosquées et salles de prières, préfigurent malheureusement des jours difficiles pour la communauté musulmane, dont la majorité (comme la plupart des musulmans dans le monde) s'est toujours démarquée des actes de violence. Ahmed Merabet, l'un des policiers tués lors de l'attentat contre la gazette satirique, et Mustapha Ourrad, correcteur à Charlie Hebdo, sont d'origine musulmane et la famille Coulibaly a publiquement désavoué les agissements meurtriers du terroriste Amedy. Du reste, des millions de musulmans ont marché dans toute la France pour dénoncer le terrorisme et exprimer leur attachement aux valeurs républicaines. Mais ça, malheureusement, on n'en parle pas beaucoup...S. O. A.