Algérie

A Paris, en auto avec les dingos



Vous êtes amateur de sensations fortes ? Vous souhaitez accélérer le vieillissement de vos cellules ? Il vous suffit de conduire à Paris. Nul besoin d?y consacrer plusieurs heures : quelques minutes suffisent pour se faire un sacré mauvais sang. Attendez, amis lecteurs oranais, sétifiens, ténésiens ou algérois. Je sais? Je vous imagine, bondissant et, avec force anecdotes, revendiquant pour votre ville la palme de la folie au volant. Les demi-tours sans prévenir, les carrioles sur l?autoroute, les voitures qui roulent sans feux ou sans démarreur, les bennes qui se détachent, les tarés qui slaloment, doublent sur la droite et roulent sur la bande d?urgence parce que, lorsqu?on est un homme, il faut aller vite quel qu?en soit le prix. N?ayez crainte. Le blédard n?a rien oublié de tout cela et l?on me dit même que, crédit auto facilite, la situation est pire puisque le fléau des embouteillages s?ajoute à la longue liste des aberrations qui donnèrent tant de bonne matière à la célèbre émission du « Chourti El-Moukhfi », le fameux policier caché.Mais, sans vouloir vexer personne, il n?y a rien d?étonnant à cela. En Algérie, on vit comme on conduit. C?est-à-dire mal. Et cela vaut pour le reste de l?Afrique du nord (ah, la jungle du Caire et la circulation chaotique en Libye?) ou même dans tout le monde arabe (avec ses hécatombes quasi-quotidiennes, la route qui relie Abou Dhabi à Dubaï va finir par rentrer dans le livre des records). Dans nos pays, le comportement des automobilistes n?est pas l?indice qui permet de lever le voile sur un aspect caché de la société. C?est juste un élément du décor parmi tant d?autres. On fait avec, sans trop s?agiter, et cela d?autant qu?il y a d?autres nuisances avec lesquelles il faut se colleter.A l?inverse, dans le cas parisien ? facilement extensible au reste de l?Hexagone, il s?agit bel et bien d?un révélateur. A rouler dans Paris, on comprend, surtout si l?on vient d?ailleurs, que quelque chose est en train de se dérégler. Ou peut-être que cette chose n?a finalement guère évolué. Bien sûr, il y a les enseignes des grands magasins, les étals débordants des librairies, le TGV, le développement ahurissant des services, de la monétique, l?internet haut débit et les téléphones portables qui, désormais, se trouvent aussi dans les cartables des plus petits. Mais il suffit de prendre le volant pour découvrir un monde des plus archaïques. Jugez donc !Première expérience. Le périphérique. Ni route à grande vitesse ni véritable autoroute, cette ceinture qui entoure les vingt arrondissements parisiens n?est plus adaptée au trafic qui la submerge tous les jours. En s?aventurant dans ce triple ruban gris aux abords noircis par la suie, on se trouve rejeté dans ce passé, pas si éloigné, où nombre d?immeubles de la ville avaient les toilettes uniquement sur pallier. Roulons donc sur le périph?. Il faut regarder bien droit, faire attention à l?idiot qui serre de près à l?arrière, ne pas se laisser intimider par le camion venu de Bulgarie dont on se demande ce qu?il fait ici et dont on se dit que sa cargaison serait bien mieux sur une péniche, un train ou un bateau.Mais le pire, reste les motards. Il y a deux secondes, un point jaune était visible sur le côté droit du rétroviseur. Maintenant, il a disparu. Ah, le voici qui vous frôle sur la gauche, poing tendu parce qu?on ne lui a pas fait place. Tout à l?heure, il roulera entre deux voies et gare aux voitures qui ne s?écarteront pas rapidement car, bien entendu, tout cela se fait au dessus des cent kilomètres heures. Sur le périphérique, les motards sont une calamité mais il ne faut pas en dire du mal car il paraît qu?ils sont les chevaliers des temps modernes, symbole de la liberté, de l?évasion et de que sais-je encore.Le cauchemar : motos, camions mais aussi fourgonnettes, souvent conduites par nos frères et cousins. A fond la caisse Momo ! Le périph?, c?est ton champ de bataille, l?endroit où, toi aussi, tu peux en imposer à tous. Queues de poissons, gymkhana, course poursuite, conduite sport avec une guimbarde aux tôles taguées, comprenez-vous cette sueur qui commence à inonder mon volant ? Et les radars dans tout cela ? Et bien, l?habitude ou le GPS aidant, tout le monde sait où ils se trouvent (à supposer que personne ne les ait mis hors d?état de nuire durant la nuit à coup de barre de fer ou de peinture noire). Entrons dans Paris en prenant soin d?éviter les places de l?Etoile ou de la Concorde sans oublier les nids-de-poule du Boulevard Saint-Germain (si, si, je vous jure qu?il y en a !). Attention ! Là, sur la droite, un scooter s?est faufilé entre la voiture et un bus qui, pour des raisons qui m?échappent, a décidé de ne pas rouler dans son couloir réservé (où je n?ai pas le droit de m?engager sinon points en moins). L?explication vient quelques dizaines de mètres plus loin. Dans le dit couloir, les véhicules de livraison se comptent à la pelle. Etrange, l?heure limite est pourtant passée mais c?est ainsi : dans la capitale française, on livre magasins, hôtels et particuliers de l?aube au soir dans le bruit et la joie des riverains.M? ! Heu, pardon mais je viens de piler sec. Des scooters, encore. Une nuée de coursiers qui en rajoutent dans la prise de risque, qui jouent en permanence avec leur vie parce qu?ils sont payés à la pièce et parce que c?est devenu une culture. Il se dit qu?il en meurt au moins un par semaine. La chose est tellement banale que les pages faits divers n?en parlent même plus. Par contre, les accident mortels de velib? continuent d?intéresser les gazettes. Tiens, visez cette zézette qui, portable à l?oreille, fait du vélo en claquettes, qui penche à gauche, à droite, qui peine en plein faux-plat. La rue n?est pas très étroite mais restons sagement derrière elle. Avançons à son rythme malgré les protestations sonores du 4x4 aux vitres sombres qui me talonne. Me voici dans le treizième arrondissement, non loin de Tolbiac. Cela va faire bientôt une heure que je tourne dans le coin et je n?arrive toujours pas à trouver où stationner. Un vrai labyrinthe : c?est la dernière trouvaille de la Marie pour écoeurer les automobilistes. Je pourrais verser dans la beaufitude anti-Delanoë mais il faut que je vous laisse. C?est décidé : je vais remonter la rue en marche arrière, prendre un sens interdit et stationner sur le trottoir !
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