A mille lieues de la haute diplomatie

On ne sait pas avec précision à quel niveau de l'Etat français le dossier de la prétendue militante Amira Bouraoui a été traité. Il est douteux cependant que l'exfiltration de l'Algéro-Française n'a pas eu l'aval de l'Elysée. Ce qu'on sait par contre est que la manifeste amitié entre les deux présidents algérien et français et le rapprochement consolidés ces derniers mois entre la France et l'Algérie seront sérieusement entachés. En la circonstance, à cause de la légèreté flagrante avec laquelle les services secrets de l'hexagone sont intervenus pour prétendre sauver une femme accusée de plusieurs délits par les justices algérienne et tunisienne, la raison d'Etat n'a pas prévalu.Tunis, intimement concernée par cette affaire a le profil bas. Sans doute empêtrée dans d'autres préoccupations ailleurs, elle a adopté un motus et une neutralité étonnante même si des indiscrétions prêtent au président Saïed la décision de limoger son ministre des Affaires étrangères pour avoir délibérément abandonné la Tunisie dans un rôle de passoire.
Pour le moment, l'ambassadeur algérien à Paris a été rappelé pour consultations. Mais le froid jeté par cette affaire, plus qu'il n'a suggéré de la colère, ne sera pas sans conséquences sur la suite des relations algéro-françaises. D'abord, il renouvèlera chez les autorités algériennes un sentiment de suspicion sur la bonne foi de leurs homologues françaises et ravivera un fort doute légitime sur la volonté de Paris de consolider des relations saines entre les deux pays. Un tel acte, contraire aux bonnes règles diplomatiques et à la bonne entente prônée et affirmée au cours de la dernière visite du président français à Alger prend l'allure d'un désaveu de tous les efforts d'écoute et d'attention réalisés jusqu'ici.
Emmanuel Macron n'a pour l'instant pas encore dit mot sur cette affaire. Il devient évident que quels que soient les arguments qu'il pourrait évoquer, il lui sera difficile de justifier une opération clandestine à mille lieues de la haute diplomatie et bien loin des attentes des deux pays.