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A la veille des élections, les Algériens redoutent la fraude



Alors qu'approchent les élections législatives du 10 mai, les Algériens se disent inquiets quant à de possibles fraudes.
Pour garantir la transparence de ce scrutin, la justice a souligné son engagement à faire appliquer la loi. Le magistrat Slimane Boudi, président de la commission nationale de supervision des élections, a expliqué à Magharebia que son instance disposera d'un personnel supplémentaire le jour du scrutin pour veiller à ce que les opérations de vote se déroulent sans problème.
Les candidats, les partis et le corps électoral "seront habilités à saisir la commission nationale de supervision des législatives au sujet de toute irrégularité susceptible d'entraver le bon déroulement du processus électoral", a-t-il souligné.
Outre cette surveillance judiciaire, des centaines d'observateurs internationaux seront dépêchés sur place pour surveiller le scrutin.
"L'UA, l'UE et la Ligue arabe devraient envoyer respectivement deux cents, cent vingt et cent observateurs pour les élections législatives du 10 mai", a expliqué Halim Benatallah, le secrétaire d'Etat algérien au ministère des Affaires étrangères en charge de la communauté des expatriés.
Mais malgré ces assurances, les réactions restent mitigées au sein des partis politiques. Taazibt Ramdane, représentant du Parti des travailleurs, a expliqué que toutes les parties concernées par le déroulement des prochaines législatives ont la lourde responsabilité de permettre aux citoyens de s'exprimer en toute souveraineté et de choisir leurs représentants à l'Assemblée populaire nationale (APN).
"L'avenir du pays est en jeu", a-t-il déclaré à Magharebia, précisant que son parti avait souhaité la mise en place d'une commission unique où siègeraient magistrats et représentants des partis.
"Malheureusement, notre suggestion n'a pas été retenue et nous craignons qu'il y ait confusion. Nous attendons de cette commission et de toutes les parties concernées par ce scrutin un sens de la responsabilité. Le scrutin du 10 mai sera un test historique pour notre pays", a-t-il ajouté.
Pour sa part, Abdeslam Bouchouareb, représentant du rassemblement national démocratique (RND), a déclaré que la commission nationale électorale est "la meilleure garantie" de transparence.
"Les assurances du Président quant à la neutralité de l'administration et la présence d'observateurs étrangers sont autant de gages pour la crédibilité du scrutin", a-t-il indiqué à Magharebia. "A ce propos, j'ai appris que même les Américains allaient envoyer des observateurs en Algérie."
Bouguerra Soltani, secrétaire général du Mouvement pour une société de la paix (MSP), a expliqué aux journalistes qu'il subsistait un certain nombre de "lacunes", tenant, selon lui, au manque de pouvoir des magistrats.
"Est-ce qu'un magistrat pourra faire sortir à n'importe quel moment une personne qu'il soupçonne de tentative de fraude ' Est-ce qu'il pourra décider de la prolongation de l'ouverture d'un bureau de vote, ou est-ce que ce sera toujours le wali qui décidera de cette prolongation ' Existe-t-il aujourd'hui une loi répressive contre la fraude '", s'est-il interrogé.
"Nous sommes face à un discours politique rassurant et à une ferme volonté politique d'aller vers des élections crédibles et transparentes, mais cette volonté n'a pas été traduite par des outils juridiques à même de rassurer les parties prenantes au prochain scrutin", a-t-il ajouté.
Fateh Rebiai, secrétaire général du mouvement Ennahda, estime que la relance des commissions électorales et la présence des représentants des partis "sont de nature à conférer davantage de transparence aux élections".
"Si la commission dispose de larges prérogatives et qu'elle collabore avec les partis, il est possible qu'elle joue son rôle", a-t-il déclaré. "Cependant, certaines zones d'ombre méritent d'être éclairées : il s'agit des commissions des wilayas et des communes. Si les partis n'y sont pas représentés, on craint que la crédibilité des élections ne soit entamée."
Hamlaoui Akouchi, membre d'El Islah, estime pour sa part qu'il s'agit d'une occasion unique donnée aux tribunaux algériens d'afficher leur indépendance et de proposer aux Algériens un scrutin crédible et transparent. "Nous craignons que l'administration domine la commission, dépasse ses prérogatives et n'obéisse pas à ses injonctions", a-t-il expliqué à Magharebia. "Si ce cas de figure venait à se produire, nous protesterions fermement et pourrions même aller jusqu'à nous retirer des élections."
Mais les garanties mises en avant par le gouvernement n'ont pas convaincu tout le monde.
"C'est un processus qui est biaisé", affirme le professeur de droit Ahmed Betatche. "Tout au long de l'année, le champ politique et médiatique est interdit aux forces politiques de l'opposition. Il y a un manque flagrant de volonté politique", a-t-il déclaré au quotidien El Watan.
La jeunesse du pays a également fait part de sa défiance envers les organisateurs de ce scrutin, et a lancé un site web baptisé "Nahrag" ("Je m'en fiche").
"Nos gouvernants entendent surfer sur la vague de la démocratisation en prétendant que le vote du 10 mai prochain sera libre et transparent. Ils pensent pouvoir le prouver en conviant des observateurs internationaux, européens et américains notamment, mais ces quelques observateurs ne pourront donner des éléments d'observation que sur les quelques bureaux de vote qu'ils suivront", explique un communiqué transmis à la presse par le Réseau pour la défense des libertés et de la dignité.
Amine, 30 ans, directeur d'une société d'informatique, affiche peu d'enthousiasme pour ces élections. "Franchement, qu'il y ait fraude ou pas, j'ai l'impression que ça ne changera pas grand-chose tellement les députés se soucient pas du peuple", a-t-il déclaré à Magharebia.
Sa femme Safia se rendra en revanche aux urnes le 10 mai. Pour elle, la seule manière de lutter contre la fraude, c'est d'aller voter.


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