Qu'est-ce que la
société, quelle que soit sa forme? Le produit de l'action réciproque des
hommes... Posez telle société civile, et vous aurez tel Etat politique, qui
n'est que l'expression officielle de la société civile. Karl MARX (1)
Donner le micro
au commun des Che3ayeb Lekhdim, il vous exposera aisément - à partir de la
place qu'il occupe en attendant éternellement son tour aux UMC, de ses
va-et-vient au marché en ayant des yeux presque délogés de leurs orbites,
fixant en alternance la mercuriale des «démunis» et son vieux couffin terni par
le désÅ“uvrement et dompté par le « qui enrichit qui !», empruntant la route aux
côtés de «ses» trottoirs squattés par les «intouchables», vaincu par des
moustiques intrépides et des ordures colonisant les espaces censés verts et
recensés « officiellement » et à coup de milliards en rose et jasmin, rasant
son oued noirci et alarmé par le terrorisme écologique que subit « le vieux
Saïda » par le déferlement en amont des eaux usées de Sidi Mâamar (2), hébété
par un urbanisme à architecture de « bidonvillisme » (…) et en n'ayant comme
activités de proximité à même de nourrir et développer son univers culturel que
ces interminables, abêtissantes et anesthésiantes parties de « double six » -
tel un initié de ces bureaux d'études étrangers « qui veut gagner des millions
», voire un fin connaisseur, le constat amer, désolant, affligeant,
abasourdissant de la gangrène qui ronge une ville en dégradation, une ville qui
anime le brasier nostalgique des pieds-noirs, qui atterrissent - en invités -
sur son sol, pour se recueillir, en pleurs, sur les ruines d'un passé en
fleurs…!
Certes, il faut dépasser le stade du constat
pour s'aventurer sur les sentiers difficiles des « chemins qui montent » vers
l'action ! Mais alors, quelle alternative civilisée et pacifiste est-elle
recommandée pour Che3ayeb Lekhdim, vu que l'homme, comme le souligne Kant(3), «
est destiné par sa raison à former une société avec les autres et dans cette
société à se cultiver, à se civiliser et à se moraliser par l'art et par les
sciences », au-delà d'un engagement journalistique à même de l'inciter à
condamner les anomalies et insuffisances constatées, si ce n'est l'action
associative réelle et efficace, encadrée et réglementée au sein d'une société
civile « crédible » et - il est tout à fait clair - «agréée» !?
Dans cette
perspective, loin des projecteurs éphémères et saisissant l'opportunité offerte
par des intellectuels qui ont exonéré Saïda, leur mère vénérée, d'un quelconque
visa(4), de fidèles filles et fils dévoués à l'amour indéfectible réservé à
l'Heureuse, imprégnés de la sagesse contenue dans le message divin «(…) En
vérité, Dieu ne modifie point l'état d'un peuple tant que les hommes qui le
composent n'auront pas modifié ce qui est en eux-mêmes (…)»(5), et conscients
de la quête du pouvoir pour une société civile « bénévole » disposant de
compétences qui la prédisposeraient pour une performance alternative entre des
fonctionnaires soucieux de leurs « CV » et des élus préoccupés par l'urgence de
fructifier « au mieux » leur mandat, ont créé l'association dite AMMS «
Association Mouhibbi Madinet Saïda ». En décidant de relever le défi pour
labourer une terre associative, rituellement et insoucieusement « sous-cultivée
» - décennies respectives « pour une meilleure vie » et « alayha nahya wa
alyaha namout » obligent -pour répondre, baroud et karkabou comme décor de
fond, à d'opportunistes agendas partisans, cette initiative associative
bénévole, qui n'aspire - crédibilité comme principe - à aucune subvention
éphémère pour ne point déranger une administration harcelée « d'agréments »
pour qu'elle sème à tout vents, s'était fixée, dès l'aube de sa naissance avec
le soleil du printemps 2007, un programme d'actions associatives prometteur !
Les dons des généreux bienfaiteurs et les cotisations de ses membres lui
permirent, quand même, de réaliser des actions qu'elle jugea adéquates, voire
judicieuses pour dépoussiérer un tant soit peu les draps farcis par une société
civile en léthargie. Ainsi, et bien qu'elle ne soit qu'à sa troisième bougie,
elle compte à son actif associatif des journées de communication exposant tant
la situation que les perspectives de l'action associative, des soirées et
journées poétiques régénérant le patrimoine culturel du terroir, des remises de
prix annuels d'excellence sanctionnant les lauréats des cursus scolaires et
universitaires(6), une solidarité périodique sans faille destinée aux enfants
assistés du service de la pédiatrie, des opérations en faveur de
l'environnement avec implication de la génération infantile, des actions de
sensibilisation (sida, tabagisme…) , des travaux de restitution de mémoires
saïdéennes(7), des recherches destinées à vivifier les repères historiques
saïdéens, des cours de soutien gratuits destinés aux élèves préparant l'examen du
bac, un club lecture junior incitant et initiant les enfants à la lecture, un
projet d'envergure internationale pour le commerce équitable favorisant et
encourageant les travaux d'artisanat, voire le tourisme,…et la création d'une
bibliothèque et d'un espace internet « gratuit »… ! Il n'est pas dans nos
intentions, à travers ces lignes, de tresser des lauriers à l'association AMMS
mais surtout de dévoiler, à travers cette expérience associative vécue, qu'il y
a un véritable malaise social ! Malgré l'amplitude de ses actions,
l'association déplore un silence assourdissant des citoyens ! Hormis la volonté
de ses membres, l'élan du bénévolat est resté lettre morte chez le citoyen
saïdi ; pourtant, « l'utilité commune est le fondement même de la société civile
»(8).
La question qui
se pose sans ambages est : quelles sont les véritables causes qui ont conduit à
cette léthargie sociale ? Vit-on dans un entourage schizophrénique ? Même nos
enfants sont atteints par ce syndrome du désintérêt. Sinon, comment expliquer
aujourd'hui ce manque d'engouement pour les études, les arts, les randonnées,
les jeux, les ateliers d'écriture, de peinture, de lecture… L'émulation
génératrice d'efforts féconds n'est plus de mise !?
Nos préoccupations et celles de nos enfants sont
collées, aujourd'hui, à des bribes de nouvelles sur le pouls de la mercuriale
ou le football(9). C'est à qui rapportera le plus de potins qui alimenteraient
les discussions sans fin sur la balle ronde et ses frondes ou les coups
fins(10) de nos coupe-faim. La routine prend le dessus et l'esprit d'initiative
se réduit à une peau de chagrin. On papote, on radote, on blâme ou on
s'emporte.
Des perspectives ? Nada ! Elles sont rejetées
aux calendes grecques ou carrément inexistantes. Et si quelqu'un osait
apportait un brin de changement à cet état de latence en proposant des sorties
de secours, il est vite mis sous les feux de la sape. On s'attarde sur
l'accessoire et on enterre illico-presto l'essentiel. On se pavane dans ses
pantoufles. On préfère penser à panser sa bedaine et rester à la traîne que de
prendre les rênes de l'effort, de l'entraide ou de la solidarité, voire
instaurer un lobby constructif de notables et de mécènes. Et si on arrive à
s'insurger sur un état de fait, cela ne dépasse pas le cercle de sa tablée …
Car, comment
expliquer cette démission citoyenne malgré tant d'offres et de sollicitudes, à
l'image de cette association qui nage à contre-courant de cette gymnastique qui
n'est pas uniquement locale mais nationale. Une vraie désillusion, si ce n'est
l'enthousiasme de ces bambins invités à étaler leur talent de lecteur, de poète
ou de peintre au cours de cette Journée du Savoir du 16 avril. La flamme qui
brillait dans ces regards innocents invitait à plus de sollicitude. Une
véritable levée des énergies en synergie devrait s'instaurer car, à l'image de
cette citoyenneté biométrique globalisante qui pointe à l'horizon, le futur
n'augure - Dieu nous en préserve ! - rien de bon. Une société civile forte,
consciente de ses prérogatives, qui devrait contribuer aux propositions
étatiques en passant par des exigences légitimes et vers de meilleures
conditions d'études. On a pris dans notre pays l'habitude de faire de l'Etat le
censeur de la société civile. Au contraire ! C'est à cette dernière que revient
la tâche de bâtir, d'encadrer, de surveiller, de garantir le dialogue social en
invitant les citoyens à participer à la vie publique. Devenue l'étiquette de
toutes sortes de marchandises, ou parfois même le label du vide, la « société
civile » forme un lieu commun où les commodités d'un mot de passe permettent de
se parler sans savoir ce que l'on dit !
Le problème de la
dimension associative est que toutes les associations défendent des idées, des
principes, des normes mais ne les font pas triompher ou plutôt ne cherchent pas
à les faire triompher au-delà du cercle de leurs membres, ce qui s'apparente à
une auto- conviction illusoire et sans lendemain. Le repli sur soi, la
multiplication des engagements familiaux et professionnels, l'incommunicabilité
et les mass media tétanisent les efforts et les contributions, puis conduisent
inexorablement à cette inertie mortifère, car la notion de société civile
postule tout d'abord l'existence d'un fait associatif au sens large,
c'est-à-dire au minimum la réunion temporaire, formelle ou non, d'acteurs sociaux.
Une société civile qui n'est pas associée aux décisions politiques, qui ne
formule pas ses propres propositions ou n'échafaude pas de plans d'action
présents ou futurs pour empêcher le surplus de misère ou la naissance d'une
populace, est vouée indéniablement à l'implosion.
Enfin, puisqu'il n'est pas interdit de rêver,
verra-t-on un jour cette lune de destin qui exaucerait les vœux d'indomptables
et « naïfs » engagés pour une cause associative encore enfouie dans les
ténébreuses galeries d'une labyrinthique foultitude recensée périodiquement, à
coups de tapages médiatiques creux et excessivement onéreux, pour les besoins
de sièges officiellement électifs et officieusement sélectifs !?
« Quand un peuple veut la vie, force est au
destin de répondre » (11) ! A quand ce vouloir, d'autant plus que vouloir c'est
pouvoir !?
* Universitaires,
Saïda
Notes
1- Marx, Lettre
Annenkov, Œuvres I, Pléiade, page 1439.
2- Voir « SOS
Oued Saïda en détresse »
3- Emmanuel Kant,
« Anthropologie d'un point de vue pragmatique », chapitre : le caractère de
l'espèce, édition La librairie, J. VRIN, page 255
4- Voir « Saïda
n'a plus besoin
de visa », QO du
16/12/2007
5- Coran, 13,11
6- Voir « Le
khoubzisme », QO du 14/06/2008 et « Que va nous rapporter le savoir ? », QO du
01/09/2008
7-Voir « Docteur
Moulay Tahar: une vie pour une ville », QO des 26 et 27/10/2009
8- Jean-Jacques
Rousseau, «Manuscrit de Genève », Liv. 1, Chap. 5
9- Voir «Au fait
! Et après le foot…la fête ? », QO du 09/02/2010
10- Voir «
Solide-Arrêté des coups-fins », QO du 16/09/2009
11- Poème
d'Aboukacem Chabbi
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Posté Le : 22/04/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : B Khelfaoui & Remmas Baghdad*
Source : www.lequotidien-oran.com