L'OAS aurait négocié, en juin 1962, sous la houlette des Etats-Unis, avec
des «modérés» du FLN, des garanties pour les pieds-noirs qui décideraient de
rester en Algérie. C'est ce qu'affirme l'hebdomadaire Le Point en se basant sur
un document «très confidentiel» du colonel EMG Musy, chef
de la section des renseignements, au service de l'état-major général suisse, intitulé
«l'intervention des services américains en Algérie». En fait, cela part de
faits établis. Abderrahmane Farès,
qui a pris en avril 1962 la charge de l'exécutif provisoire s'était adressé aux
«Européens» d'Algérie en lançant un appel à la paix et au rejet de la violence.
C'est dans ce contexte qu'il a entrepris via Jacques Chevalier des contacts
avec des dirigeants de l''Organisation armée secrète (OAS)
pour arriver à l'arrêt des violences meurtrières qu'elle a engagées. Il n'a
jamais été question de négocier un accord politique avec l'OAS.
Le document sur lequel s'appuie Le Point paraît très clairement marqué par la
guerre froide qui opposait l'Est et l'Ouest. Il est exclu qu'Abderrhamane Farès ait essayé de
jouer les «modérés» du FLN et de se substituer à sa direction. Mais le document
renseigne clairement que les Américains et les Occidentaux en général étaient
soucieux du positionnement d'un «pays qui allait inévitablement vers
l'Indépendance» et qui pouvait être, «selon l'évolution, pro ou antioccidental».
Or, l'objectif de la manÅ“uvre était de «contribuer à ce qu'il soit aussi proche
que possible de l'Occident». Le document souligne que les «services américains
constataient que «l'ingérence de Moscou se manifestait avec une fréquence
accrue» et que la position de l'Otan s'affaiblissait en Méditerranée
occidentale...».
UN DOCUMENT MARQUE PAR LA GUERRE FROIDE
D'après le document, De Gaulle était persuadé que «le nouveau
gouvernement de l'Algérie indépendante serait axé sur Paris, Washington» et il
pressentait un «éclatement inévitable du FLN». Il cherchait même à y contribuer
pour que «ce soit une tendance FLN modérée qui arrive au pouvoir après
l'indépendance». Cette manÅ“uvre américaine de faire émerger un courant «modéré»
au sein du FLN était appuyée en France par des «milieux financiers et
industriels ayant de gros intérêts en Algérie…». Il est intéressant aussi de
noter qu'Abderrhamane Farès
est présenté comme incarnant une «tendance bourgeoise» au sein du FLN. Lui, Chawki Mostefaï (qui a été chargé
par le GPRA de négocier avec Jean-Jacques Susini
l'arrêt des violences et de la terre brûlée) et Ferhat
Abbas représentent, selon le document, ce qui pourrait être le «front de la
bourgeoisie algérienne» par opposition au «front révolutionnaire». On est plus
dans des analyses politiques que dans le renseignement. Il n'est pas exclu que
les Américains aient cherché à utiliser des dirigeants de l'OAS en perdition
pour chercher une présumée «aile modérée du FLN afin de favoriser à Alger
l'instauration d'un régime pro-occidental». Pourtant, en juin 1962, même si
l'OAS continuait ses assassinats et destruction, il était évident qu'elle avait
définitivement perdu la partie. Il est de ce fait étonnant d'apprendre que les
Américains pouvaient croire à un «rapprochement» entre le FLN et l'OAS. Pourtant, selon le document, les «représentants des
États-Unis à Alger, avant tout le consul général américain de cette ville, sont
intervenus «téléguidés par Washington, appuyés dans leur action par les agents
de la CIA (Central
Intelligence Agency) et nantis de fonds secrets
importants». Selon le rapport des services secrets suisses, la tentative de
«rapprochement» a été menée via l'ancien maire d'Algérie et ancien secrétaire
d'Etat français à la défense Jacques Chevalier et Jean-Jacques Susini, le n°2 de l'OAS. En
réalité, il était totalement exclu qu'un accord – autre que relatif à la
cessation des assassinats – puisse être conclu avec le FLN. L'intérêt du
document est de montrer que les Etats-Unis appréhendaient l'indépendance de
l'Algérie qu'ils jugeaient inéluctable et prospectaient dans toutes les
directions pour éviter qu'elle ne tombe dans le camp soviétique. Ainsi, Jean-Jacques
Susini était hébergé au consulat général américain et
le consul lui avait «donné toutes les assurances pour son départ au cas où
l'affaire ne réussirait pas». Fortement appuyé financièrement, Susini a eu de premiers contacts au début de juin.» Dans
une déclaration au Point, Jean-Jacques Susini nie
avoir été hébergé par le consulat américain ou avoir reçu des fonds de lui. Selon
lui, les contacts avec les Américains avaient été établis par Jacques Chevalier,
l'ancien maire d'Alger qui lui aurait dit avoir les «contacts avec les
Américains… Ce sont des contacts étroits, au niveau politique comme au niveau
financier.»
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Posté Le : 19/03/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Salem Ferdi
Source : www.lequotidien-oran.com