Algérie

A la dérobée




Il n'y a pas de distance à  observer vis-à-vis de l'histoire proprement dite, surtout si celle-ci est marquée par la violence. Il s'agit-là d'une leçon que nous apprenons sur le tas, car, en cas d'oubli, cela équivaudrait tout simplement à  faire de l'être humain un ensemble de pièces mécaniques interchangeables à  tout moment. Faut-il donc se contenter de «décoloniser» l'histoire, ou de «dépassionner» celle-ci à  l'occasion'
Tout d'abord, et pour cause, l'histoire de l'Algérie, celle surtout qui va du 1er novembre 1954 à  l'accession à  l'indépendance, n'est pas et ne pourrait pas àªtre l'apanage de quelques groupes d'intérêt politiques. Il ne s'agit pas là d'un bateau qu'on fait flotter sans àªtre sûr de le voir arriver à  bon port. Or, il se trouve que le consensus n'est pas réalisé, même au sein de ces mêmes groupes.
D'aucuns, pour des raisons patriotiques, donc, identitaires au premier chef, en appellent à  exiger du colonialisme français de faire son mea-culpa pour les méfaits qu'il a commis depuis 1830, alors que d'autres considèrent que ce sujet est dépassé sans nous éclairer davantage sur le pourquoi d'un tel «dépassement». Pourtant, on peut trouver ailleurs bien des exemples sur le bien-fondé d'une telle approche et, pour ne citer que celui-ci, le cas de la Corée qui exige du Japon de se faire pardonner ses crimes perpétrés durant l'occupation de ses propres territoires.
Dans ses mémoires, Coups et blessures, l'ex-ministre français des Affaires étrangères, Roland Dumas, évoque justement un chapitre similaire, en déclarant ne pas àªtre prêt à  pardonner à  l'Allemagne nazie pour avoir assassiné son père, résistant à  l'occupation, et avoir perpétré des crimes ignobles en France et à  travers le monde.
S'il est possible de «décoloniser» l'histoire en reconsidérant ses différents chapitres sous un prisme patriotique et humain à  la fois, il n'est guère aisé de la «dépassionner», dès lors qu'il y va du statut de l'être humain lui-même dans son côté le plus intime. Et à  supposer qu'on le veuille, par quel bout s'y prendre pour contraindre ses plus profondes émotions '
L'ancien adversaire se refuse à  considérer cette dimension, comme si, à  lui seul, le Manifeste des 121, rendu public durant la guerre par d'éminents intellectuels français était suffisant pour absoudre tous les forfaits commis sur les Algériens durant 132 ans. A bien considérer les événements qui se déroulent aujourd'hui en Libye, on se demande si le même état d'esprit n'est pas en train de reprendre du poil de la bête. En effet, que fait la France dans ce pays, en dépit du fait qu'El Gueddafi est un criminel notoire ' Quel est le rôle de Bernard-Henri Lévy à  Benghazi ' Qu'on ne nous dise surtout pas que c'est pour les beaux yeux des Libyens ou des Arabes ! Pour les «va-t-en guerre» de tous poils, qui sont légion un peu partout, il y a toujours un bout de fromage à  «grignoter», dût-il àªtre maculé du sang des innocents. A ce rythme, Pascal et les pascaliens ne risqueront pas de changer un jour leur devise : «Vérité au-deçà des Pyrénées, erreur au-delà.»
Par conséquent, faute de pouvoir faire usage d'un scalpel pour la «dépassionner» à  la dérobée sur les deux rives de la Méditerranée, on se contentera chez nous de «décoloniser l'histoire», pour reprendre la belle expression de l'historien et diplomate algérien, le défunt  Mohammed Chérif Sahli, expression qui est en fait le titre de son fameux ouvrage sur la question que Maspéro avait publié en 1965. toyour1@yahoo.fr
 


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