Algérie

À l'ombre d'une promesse électorale



Dans cette région enclavée de la campagne jijélienne où de nombreuses localités demeurent encore en marge du développement, les deux listes en lice pour les élections communales tentent de convaincre des électeurs, forcément réticents à l'égard de leurs promesses.Avec seulement deux listes en lice pour les élections locales du 27 novembre prochain, les électeurs de la commune enclavée de Ghebala, à une centaine de kilomètres à l'extrême sud-est du chef-lieu de la wilaya de Jijel, n'ont quasiment pas de choix pour aspirer à un changement à la tête de l'APC. Et pour cause, face au P/APC sortant, issu de la mouvance islamiste du MSP, qui boucle son deuxième mandat successif, c'est un ancien maire FLN, qui, lui aussi, a cumulé deux mandats de 2002 à 2012 à la tête de cette municipalité, qui s'est présenté pour tenter de reconquérir le fauteuil tant convoité.
Entre les deux, la population locale semble avoir d'autres préoccupations. "Personnellement, je n'ai pas de choix, mais les deux sont d'anciens maires, ils ne veulent pas lâcher, Ils cherchent les postes et les promotions salariales. Il n'y a pas de nouveaux visages", lâche un habitant du chef-lieu de cette commune, qui affirme ne pas trop se mêler de ces affaires électorales. "Je suis préoccupé par mes activités en tant que paysan, surtout que c'est la saison de la cueillette des olives, les gens sont tous allés nettoyer leurs oliveraies et se préparer pour cette campagne", poursuit-il. Outre ses préoccupations pour donner un sens à sa vie et nourrir sa famille en s'appuyant sur ses activités d'élevage et d'oléiculture, notre interlocuteur saisit l'occasion pour évoquer un problème d'alimentation en eau potable qui perdure.
"Je veux écrire et dénoncer cela, car pour un simple retard de paiement d'une facture de 1 000 DA, on nous coupe l'eau", lance-t-il. Autant dire que si au chef-lieu de cette commune, les habitants ne se plaignent pas vu qu'ils ont été gâtés par des projets d'AEP et de raccordement au réseau du gaz naturel, la situation reste encore à améliorer dans les contrées éloignées. "Nous sommes en route pour Beni S'bih, c'est une tournée de campagne électorale, vous pouvez rappeler plus tard, il n'y a pas de réseau là-bas", nous répond un élu sortant, qui s'est porté candidat pour ces élections. Il faut dire que le problème de la couverture téléphonique dans ces régions enclavées a longtemps été une préoccupation des habitants souffrant de cette contrainte, qui s'ajoute à l'enclavement et à l'éloignement.
Toutefois, l'isolement de ce grand hameau rural de Beni S'bih a enfin été brisé par l'aménagement et la réhabilitation de la principale route reliant cette région au CW40. Poursuivant son chemin en direction de ce hameau, fief d'un grand nombre d'électeurs, cet ex-élu, qui se présente comme un fidèle partisan du P/APC sortant, ne s'empêche pas de décocher une flèche en direction de l'ex-P/APC, candidat FLN. "Il est de retour", ironise-t-il, tout en minimisant ses chances. Alors que les priorités de la population locale restent liées à la situation de son vécu quotidien se résumant aux problèmes de transport, de désenclavement, des soucis de raccordement au réseau d'AEP, de gaz et d'électricité, la bataille entre ces deux listes semblent partir pour s'intensifier dans les prochains jours.
"Les personnes qui ont des postes d'emploi stables sont les plus intéressées par cette bataille, elles en parlent parce qu'elles n'ont pas de problèmes pour vivre et subvenir aux besoins de leur famille. Elles se retrouvent au café et ne parlent que de cela quand elles sortent du travail. Les autres sont toutes à leurs activités quotidiennes", soutient encore cet habitant du chef-lieu. Le désintérêt à cette opération électorale est atténué par l'intense lutte entre ces deux seules listes et l'enjeu de la compétition reste la réélection d'un de leurs meneurs. Les deux ont été maire dans cette commune, décrite comme une zone d'ombre à ciel ouvert. Ces deux candidats et leurs partisans feront tout leur possible pour tenter de remporter la bataille de leur vie.
Dans leurs tournées électorales, ils ont prévu de visiter toutes les localités, fussent-elles éloignées et enclavées, dans l'espoir de les rallier à leur cause. Leurs promesses électorales portent sur des programmes de développement à mettre en ?uvre. "Il y a des projets qui ont été réalisés, d'autres sont en cours", affirme cet élu, partisan du P/APC sortant. L'exode qu'a connu la commune de Ghebala, lors de la décennie noire, a considérablement réduit le nombre de ses habitants (actuellement 5 000 âmes). Outre l'élevage bovin et caprin et l'oléiculture, la population locale vit d'activités de subsistance. Certains habitants vivent au jour le jour et se déplacent principalement dans les localités limitrophes, relevant de la wilaya de Mila, plus au sud.
C'est surtout le cas dans cette localité d'Al-Mayda, très enclavée dans cette partie de la commune de Ghebala, où l'on semble plus préoccupé par des activités de subsistance que par le vote. "J'ai ma carte de vote, elle est dans ma poche, c'est moi qui décide", balance un habitant de cette localité, que nous avons joint par téléphone. "Ils se bagarrent pour le koursi - le siège de l'APC - et chacun travaille pour son clan", enchaîne-t-il pour expliquer que le vainqueur importe peu pour lui. Le plus important pour cet homme reste, sans conteste, ses préoccupations quotidiennes dans cette région au climat hivernal rude et qui nécessite beaucoup d'énergie pour pouvoir l'affronter. Et pour cause, la rudesse de l'hiver ne laisse aucun répit aux habitants d'Al-Mayda, dépourvus des principales commodités, dont un réseau routier convenable pour faciliter leur déplacement. C'est dans ce contexte que le projet du gaz tant promis ne suit pas. "Si nous avions été branchés au gaz, vous auriez été informé, vous êtes journaliste", poursuit notre interlocuteur.
Outre le gaz, il y a aussi le souci de raccordement au réseau électrique qui reste l'une des principales préoccupations de la population de cette contrée si éloignée et au relief difficile d'accès. "Certains sont raccordés à ce réseau et d'autres pas", précise-t-il. Autant dire que pour les citoyens, l'enjeu de la réalisation des programmes de développement reste au c?ur de leurs préoccupations.
Cet enjeu n'échappe pas aux candidats des deux listes, qui se sont lancés dans une course contre la montre pour s'assurer les voix des plus réticentes à cette campagne électorale. "Notre programme s'appuie notamment sur le désenclavement, le raccordement au gaz, l'AEP, la couverture sanitaire, le transport scolaire...", confie, pour sa part, le principal candidat FLN, qui n'est autre que le rival du P/APC sortant. Au-delà des réticences des uns et des autres à accorder leurs voix à l'un ou l'autre candidat, les promesses de développement restent une carte électorale. Sauf que ce développement a toujours été à l'ordre du jour sans que cette commune défavorisée rattrape les retards enregistrés dans ce domaine.
Il est admis que souvent, la réalisation des programmes inscrits ne dépend pas de la seule volonté du P/APC et de ses engagements, mais des moyens financiers et des subventions publiques à accorder. Cependant, de nombreuses zones d'ombre persistent dans cette commune encore en marge de ce développement évoqué et avec insistance par des candidats partis convaincre des électeurs souvent réticents à l'égard de leurs promesses.

Réalisé par : Amor Z.


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