Algérie

À l’association Lumières , la famille de l’ancien cinéma algérien retrouve sa notoriété d’antan



À l’association Lumières , la famille de l’ancien cinéma algérien retrouve sa notoriété d’antan
Visiter l’association Lumières est semblable à un voyage dans les années fastes du cinéma Algérien. Tel un musée, l’association expose aux visiteurs un patrimoine cinématographique d’une grande valeur. Affiches de films, anciennes caméras, bobines et bien d’autres objets, témoignent d’une époque où le cinéma algérien était à ses heures de gloire.

Dans ce lieu on protège le patrimoine et on perdure le souvenir de l’ancienne famille du cinéma.


« C’est dans ce lieu que le cinéma Algérien est né. Dans les années 70, c’était le QG des réalisateurs et techniciens. Les films sur les affiches accrochées sur les murs, ont tous été produits ici. Le siège de l’association Lumières étaient autrefois le centre de production et dépôt de matériels du Centre Algérien pour l’Art et l’industrie Cinématographique », explique Amar Rabia, Président de l’association artistique du cinéma Lumières.

Situé à Alger-centre, l’association Lumières accueille quotidiennement des visiteurs. Qu’ils soient connaisseurs ou non initiés, ils sont tous curieux de découvrir ce lieu de mémoire.

Amar Rabia souligne que beaucoup de passants sont attirés par les affiches qu’on entrevoit par la petite porte. Certains hésitent à entrer et d’autres, plus audacieux, font le tour, prennent des photos et sont toujours agréablement surpris d’apprendre que l’association existe depuis 1998.


« Ici on ne vient pas sur rendez-vous. Nous voulons que ce lieu soit ouvert à tous particulièrement la nouvelle génération qui connaît peu sur l’ancien cinéma à cause du manque d’ouvrages. Les anciens régisseurs et techniciens nous rendent régulièrement visite également. Beaucoup de gens ont travaillé sur ces films et cet endroit leur rappelle cette époque révolue », relève le Président de l’association Lumières.


Affiches de films et portraits d’acteurs et réalisateurs tapissent les murs de l’association. Les posters de films sont soigneusement encadrés. On reconnaît dans cette profusion les célèbrent films; Hassan Nia, les hors la loi, Nahla, chronique des années de braises et bien d’autres.


Au milieu de cette salle d’exposition, plusieurs caméras occupent le petit espace. Une en particulier attire l’attention par son allure imposante. Il s’agit d’une caméra de prise de vues en super 35. On remarque deux sièges à droite et à gauche de la caméra. Ce sont ceux du directeur de la photo, et du premier assistant photo. Et dernière la caméra se tient le chef machino qui commande la manette.


« Cette caméra est aujourd’hui obsolète mais fonctionne toujours. Sauf que la pellicule nécessite un grand budget. Il est vrai que l’évolution a permis de tourner des films avec des caméras plus sophistiquées, rapide et légère. Mais les films réalisés par les anciennes caméras ont une durée de vie plus longue. Les vieilles choses ont parfois des valeurs que la modernité ne peut remplacer », souligne Amar Rabia.


Mais l’ancien monde du cinéma se dévoile encore plus en visitant deux pièces en particulier; une salle de projection et un dépôt de matériel.


La salle de projection, était à l’époque réservée aux délégations de personnalités qui venaient visionner des films américains et français avant qu’ils ne passent à la censure.


« C’est une petite salle de projection avec une vingtaine de sièges, qui accueillait que des personnalités. Elle doit être rénovée pour accueillir à nouveau le public ».


Le must de la visite reste ce que notre hôte appelle « la caverne d’Ali Baba ». Une grande pièce où sont conservés des centaines de caméras dans des valises, des bobines de films et autres objets d’une autre époques.

Selon Amara Rabia ce matériel était mis a la disposition de tous les réalisateurs. Conservé dans de petites valises, il pourrait aujourd’hui faire l’objet d’expositions.

Au source de l’association Lumières

Au cours de cette visite guidée, Amar Rabia déroule les souvenirs des années passées en ce lieu. Sur un ton nostalgique, il affirme que « l’histoire de l’association, à elle seule, mérite un film ». Elle est née dans des conditions difficiles et a fallu se battre pour la faire vivre, se souvient notre interlocuteur.


Le Président de l’association Lumières , qui entame son deuxième mandat, a travaillé pendant plus de 45 ans comme technicien cinématographique. Il a commencé dans les années 70, en tant que chef éclairagiste à l’Office national pour le commerce et l’industrie cinématographique (ONCIC); un organisme de production et de distribution de films en Algérie. En 1984, l’ONCIC est reconverti en CAAIC; Centre Algérien pour l’Art et l’industrie Cinématographique. Il y a travaillé jusqu’à sa dissolution.


« J’ai travaillé avec Lakhdar Hamina, Ahmed Rachedi, Merzak Alouach et bien d’autres. Nous avons connu le cinéma quand il était au sommet et nous avons aussi assisté à sa décadence. Dissolutions des entreprises, fermeture des salles de cinéma, manque de moyens matériel et financiers pour faire des films. Tous ces problèmes nous les avons subit et c’est dans ces conditions que l’association Lumières a été créé », se souvient Amar Rabia.


Amar Rabia se rappelle encore de la décision « arbitraire » et « irréfléchie » de la dissolution du Centre Algérien pour l’Art et l’industrie Cinématographique en décembre 1997.


« Nous étions des centaines de professionnels du cinéma qui se sont retrouvés au chômage après la dissolution de cette entreprise. Je me souviens que Ahmed Ouyahia était venu au siège de l’entreprise à Benaknoun pour nous dire que cette décision était due à des problèmes financiers et que le siège allait revenir au ministère de la solidarité de l’époque », ajoute encore Amar Rabia.


Ce sort a également été réservé, la même année, à deux autres entreprises: l’entreprise nationale de production cinématographique et l’agence nationale des actualités filmées.


« L’argument financier avancé par les autorités de l’époque ne tenait pas la route, puisque ces entreprises n’étaient nullement appelées à réaliser des bénéfices mais des objectifs à caractère moral et identitaire », souligne Amar Rabia.


Les centaines d’employés du CAIC se retrouvent à la rue et assistent à la dissolution de l’entreprise. Un liquidateur est désigné pour mettre aux enchères le matériel appartenant à l’entreprise.


« On assistaient désemparé à ces évènements qui s’enchainaient les uns après les autres. Mais le pire était quand nous avons appris que le siège du Caic qui devait revenir au ministère de la solidarité a finalement été pris par le RND d’Ouyahia. C’est la goutte qui a fait déborder le vase. Nous avons alors décidé de nous mobiliser, et de prendre d’assaut le centre de production à savoir le siège de l’association actuellement », relate Amar Rabia.


Les anciens du Caic ont été rejoint par des réalisateurs et autres professionnels du cinéma. Ils créent très vite l’association Lumières, en mars 1998 et commencent aussitôt à travailler.


« A sa création on était plus de 200 membres entre réalisateurs, techniciens, régisseurs pour arriver très vite à mille membres. Les ennuies ne se sont pas terminé, nous avons fait face à de nombreuses péripéties. Mais très vite nous avons commencé à activer. Le premier évènement c’était une journée en hommage à l’acteur Rouiched qui venait de décéder. Beaucoup de personnalités sont venus à cet évènement ce qui nous a donné une légitimité auprès du grand public », informe Amara Rabia .


Avec du recul, Amar Rabia a conscience aujourd’hui que c’était une mission très dangereuse. « Nous n’avons pas seulement perdu nos emplois et notre entreprise, c’est le cinéma et nos métiers qui étaient en péril. La manière par laquelle nous avons procédé n’était peut être pas la plus civilisée mais nous n’avions pas le choix. Ce qui nous a sauvé c’est la solidarité. Nous étions tous convaincus et nous avons rallié à notre cause énormément de gens, c’est ce qui nous a permis de faire face à tous les obstacles » .

Depuis sa création et à ce jour, l’association Lumières veille à la promotion de l’anciens cinéma à travers l’organisation de rencontres et d’expositions itinérantes à travers le pays et assure la maintenance du matériel technique, que tous les réalisateurs pouvaient emprunter pour leurs films.


Aujourd’hui, l’association Lumières continue sa noble mission. L’ancien cinéma algérien n’a rien perdu de sa notoriété. Pour Amar Rabia, « c’est un devoir de mémoire » envers ceux qui ont propulsé le cinéma algérien au sommet des podiums.


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