Algérie

À l'ami qui m'a volé un livre



J'ai découvert ton larcin ce matin en voulant mettre un peu d'ordre dans ma bibliothèque: l'ouvrage dont tu disais qu'il frôlait la perfection et dont tu rêvais en vain de posséder un exemplaire, a disparu des rayonnages juste après la visite que tu m'as rendue hier en fin de journée. Je m'excuse de te le dire ouvertement: je ne vois personne d'autre que toi capable de commettre un tel cambriolage. J'aurais dû me douter que tu préméditais une opération louche, notamment à cause de l'espèce de malice inhabituelle qui saupoudrait ton visage au moment de ton arrivée inopinée, mais aussi au fait que tu n'arrêtais pas de rôder autour de ma bibliothèque durant toute la soirée.Maintenant j'ai bien compris pourquoi tu as débarqué chez moi, le soir, avec un couffin, en essayant de m'expliquer que c'était juste une étourderie due à la fatigue, alors que la seule raison valable que tu avais pour t'encombrer d'un pareil attirail à cette heure tardive, était d'y planquer l'objet précieux de ta convoitise. Je ne te cache pas qu'au moment où j'ai découvert ton hold-up, je t'ai traité de tous les noms d'oiseaux, mais, rassure-toi, j'ai vite remis les choses à leur place et esquissé un gigantesque sourire : ceux qui volent des livres ne sont pas exactement ce que l'on peut appeler des gangsters, mais juste disons des poètes subversifs, des espèces d'Arsène Lupin de la littérature. J'aime croire que c'est à la minute précise où tu t'es mis en tête de déclamer des vers du grand poète arabe Al-Mutanabbi que tu as accompli ton forfait.
Entre nous, mon ami, les livres sont faits pour être dévorés et éventuellement pour être fauchés dans les bibliothèques lorsque leur propriétaire ou leur conservateur somnole après une dure journée de travail, et les nations civilisées devraient être très indulgentes avec les voleurs de bouquins, surtout avec les gamins qui chipent les bandes dessinées sur les étalages. Un peuple avance aussi en faisant des razzias pacifiques dans les librairies ! Quant à toi, cher frère, je te souhaite de tirer le plus grand profit de l'ouvrage que tu m'as définitivement emprunté avant, peut-être, qu'un autre passionné de littérature ne te le dérobe à son tour et s'en serve pour s'élever, devenir meilleur et gagner un surcroît d'âme. « Chacune de nos lectures laisse une graine qui germe » se plaisait à souligner l'écrivain français Jules Renard (1864/1910).


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