Depuis la
promulgation de l'ordonnance portant statut général de la fonction publique en
juillet 2006 (et tous les espoirs suscités en son temps), les
enseignants-chercheurs ainsi que leurs collègues chercheurs hospitalo-universitaires
et chercheurs permanents n'ont eu aucune autre alternative que de ronger leur
frein en attendant le régime indemnitaire qui n'a pas encore pointé son nez
malgré les « assurances » des pouvoirs publics.
Tantôt c'est vers
la fin de la promulgation de tous les statuts particuliers, tantôt c'est à
chaque secteur de discuter les indemnités de ses fonctionnaires, une fois que
leur statut particulier soit décrété. Dans un premier temps, on a évoqué le
mois de juillet 2009. Mais comme en Algérie l'été est la saison du profond coma
politico-social, c'est vers ce mois de septembre 2009 que les regards se sont
tournés. Accrochés au moindre chuchotement ou à la plus petite rumeur suintant
des journaux, de la radio ou de la télévision, les enseignants-chercheurs
suivent ce feuilleton avec un grand intérêt dont le nombre d'épisodes semble
incommensurable.
Cette rentrée 2009/2010 constitue donc une
fois de plus une indéniable désillusion pour les enseignants chercheurs qui ont
trop espéré depuis les multiples promesses, surtout après l'inattendue grille
des salaires de septembre 2007. Ils sont lassés par tant d'attente et laminés
par une inflation galopante.
Les responsables du secteur en particulier et
les pouvoirs publics en général n'ont-ils pas annoncé, à maintes circonstances,
que le problème des salaires des enseignants-chercheurs allait être
définitivement réglé afin qu'ils puissent consacrer leur énergie aux défis qui
les attendent ? Maintenant que les échéances arrivent à terme, il semble que
plus personne ne se rappelle ces engagements et que l'amnésie règne dans les
arcanes de la république.
LA DÉVALUATION DE
L'ENSEIGNANT CHERCHEUR DÉCRÉTÉE
Au moment où l'on s'attendait à se mettre
quelque chose sous la dent à propos du régime indemnitaire, voilà que le site
Internet du journal officiel a mis en ligne, en ce jeudi 17 septembre 2009 et
27ème jour du mois de Ramadhan 1430, le décret exécutif n° 09-272 du 30 août
2009 modifiant et complétant le décret n° 86-276 du 11 novembre 1986 fixant les
conditions de recrutement des personnels étrangers dans les services de l'État,
des collectivités locales, établissements, organismes et entreprises publics.
Exactement, c'est comme l'année dernière qui
nous fait évoquer non sans soupirs le 1er anniversaire du jour béni des
parlementaires suite à la nuit de leur destin.
La spécificité de l'amendement dudit décret
concerne les enseignants-chercheurs et notamment leurs collègues
hospitalo-universitaires avec le nouvel article 2 qui est libellé de la sorte:
« L'article 8 bis du décret n° 86-276 du 11 novembre 1986, modifié et complété,
susvisé, est modifié, complété et rédigé comme suit : les personnels étrangers
recrutés pour exercer les fonctions de professeur hospitalo-universitaire,
professeur, maître de conférences hospitalo-universitaire classe «A», maître de
conférences classe «A», maître de conférences hospitalo-universitaire classe
«B» et maître de conférences classe «B» au sein des établissements
l'enseignement supérieur perçoivent le traitement de base de leurs homologues
algériens. Le traitement de base déterminé ci-dessus est affecté d'un
coefficient correcteur compris entre 2 et 4,1. Le reste sans changement ».
Notons que dans la version officielle en
langue nationale, le mot « affecté » signifie « multiplié ». Pour rappel,
mentionnons qu'en 1986 le coefficient correcteur était compris entre 1,1 et 4
pour l'ensemble des travailleurs étrangers jusqu'en octobre 2004 où il a bondi
entre 8 et 11 pour les enseignants universitaires afin d'encourager les étrangers
à venir enseigner dans nos établissements universitaires. En plus, l'arrêté
interministériel du 9 janvier 2005 a encore corrigé ce coefficient pour le
hausser à 10 ou 11 fois le salaire de base !
Par ailleurs, le
coefficient multiplicateur risque encore d'augmenter si l'on tient compte de
l'indemnité d'expérience professionnelle et des primes qui sont, en général,
toutes calculées en fonction du salaire de base.
En attendant l'arrêté interministériel qui va
détailler le dernier décret paru, le salaire de base pourra atteindre la somme
de 273060,00 DA (vingt-sept millions trois mille soixante centimes algériens en
brut) pour l'équivalent de notre professeur sans oublier le reste ! Ainsi, le
traitement de base d'un maître de conférences de classe B « étranger » peut
aisément dépasser le triple de celui de notre malheureux cher professeur !
L'HISTOIRE DE
L'ANNONCE CANADIENNE DE 2004
On se rappelle toujours de cette offre
d'emploi pour les années 2004/2005 et 2005/2006 du ministère de l'enseignement
supérieur Algérienne destinée aux enseignants exerçant au Canada. C'était le
bureau des relations internationales de l'école polytechnique de Montréal qui
avait diffusé l'annonce émise par le consulat général d'Algérie à Montréal, via
l'ambassade d'Algérie à Ottawa. Cette alléchante annonce avait défrayé la
chronique au sein du milieu universitaire Algérien. L'enseignant embauché avait
droit à une prise en charge totale : billet d'avion pour lui, son conjoint et
de deux de ses enfants et la mise à sa disposition d'un logement meublé.
En plus d'un salaire net de 60.000 da,
l'enseignant coopérant se verrait octroyer un supplément transférable allant de
900 à 1100 dollars canadiens. Il bénéficierait, en outre, d'un congé annuel et
d'un rapatriement en cas de difficultés de santé ou autres.
Comme le signale cette affiche, il y a lieu
de souligner que l'enseignement devrait être dispensé en français et ou en
arabe pour les enseignants maîtrisant la langue officielle du pays. Une telle
annonce ne pouvait autrement s'adresser qu'à nos universitaires expatriés au
Canada mais seul Dieu sait s'ils sont revenus au galop ou se sont retenus : il
n'y malheureusement aucun chiffre sur le sujet mais la réalité visible du
terrain l'a bien décelée. Rappelons seulement, qu'à l'époque, le salaire d'un
enseignant algérien au grade de professeur à l'échelon intermédiaire ne
dépassait guère les 50000 da.
Il est important de souligner ici que les
enseignants-chercheurs ne sont absolument pas contre la venue des compétences
étrangères. Bien au contraire, l'université algérienne doit s'ouvrir sur le
monde extérieur afin d'éviter l'isolement scientifique et le repli sur soi.
Personnellement, je me réjouis que les salaires proposés soient aux normes
maroco-tunisiennes. Mais là où le bât blesse, c'est que les enseignants-chercheurs
algériens ne peuvent même pas rêver de ces payes malgré des compétences
semblables et des obligations similaires.
Les fortes disparités entre les rémunérations
des enseignants locaux et coopérants risquent de porter atteinte au respect et à
la dignité de l'enseignant local. Une humiliation de plus. A titre d'exemple,
regardons la situation qui prévaut dans l'équipe nationale de football. Les
joueurs sont tous traités de la même façon par le pays. En effet, les joueurs
expatriés et leurs camarades locaux perçoivent, au centime près, les mêmes
primes et indemnités. Cela est aussi vrai pour ceux qui n'ont jamais évolué sur
le terrain. Imaginez ce que cela provoquerait comme zizanie et malaise si
jamais les instances du sport avaient opté pour la différence de traitement.
L'équipe en serait sans aucun doute décimée.
En tous les cas, elle n'aurait jamais fait un
tel parcours. Notons que le décret n° 86-276 du 11 novembre 1986, dans son
article 2, révèle que les travailleurs étrangers doivent justifier des
conditions de recrutement au moins égales à celles offertes aux homologues
algériens occupant les mêmes emplois ou postes de travail et doivent avoir une
expérience de travail d'au moins 4 ans. Ces conditions sont déterminées par les
statuts particuliers compte tenu des titres universitaires et professionnels
détenus par les intéressés, ainsi que les travaux qu'ils auraient réalisés dans
leurs spécialités.
Remarquons, au passage, que comme
l'expérience minimale exigée n'est pas énorme, ce ne sont donc pas du tout les
grandes sommités qu'on cherche à attirer.
LE PARADOXE DES
JUMEAUX
Pour parler concrètement, prenons le cas de 2
jumeaux. Après avoir fait leurs études ensemble au pays, partent à l'étranger
pour poursuivre leurs études dans la même université. Après avoir obtenu des
diplômes similaires de doctorat, les frères siamois se sont ensuite séparés. Le
premier est rentré au pays muni de son passeport vert et recruté dans un
établissement universitaire local en tant que Maître de Conférences « A »,
après avoir honoré ses obligations du service national. Je ne vous raconterais
pas les années de galère et les déboires qu'il a endurés pour obtenir un
logement social dans un quartier populaire à cause de la crise aiguë dans le
domaine. Quant au second, il est resté dans le pays formateur et a été engagé
avec un grade équivalent au premier et possède dorénavant l'avantage de la
double nationalité. Ce dernier peut donc, s'il le souhaite, être recruté au
pays avec son passeport étranger.
À ce titre, il bénéficiera de la
multiplication de son salaire et logé à bonne enseigne, contrairement à son
homologue possédant la nationalité algérienne : un vrai dilemme et un
casse-tête juridico-politico-administratif très complexe à résoudre.
La problématique reste la même si on remplace
le deuxième enseignant par un Canadien de souche car le patriotisme de
l'enseignant local en prendrait un sacré coup.
Il est dévalué par son pays et de surcroît
dans son propre pays. Les complexes d'infériorité et de supériorité seraient
ainsi nourris en permanence.
VALORISER AU LIEU
DE DÉVALORISER
Il va sans dire qu'un nombre considérable
d'enseignants-chercheurs locaux vont se sentir mal à l'aise et diminués devant
leurs homologues recrutés en qualité d'étrangers. Pour remédier à ce dilemme
inconcevable, les décideurs auraient dû revaloriser les salaires des locaux à
leur juste valeur et indexer ceux des coopérants étrangers sur ces salaires. De
la sorte, ils en finiraient une fois pour toute avec cette politique de deux
poids, deux mesures au détriment de l'Algérien et du pays. Les nôtres se hâtent
d'attribuer les normes internationales aux étrangers mais non à leurs propres
compatriotes ! Pouvez-vous imaginer une telle situation dans un pays européen ?
Une telle affaire aurait ébranlé la scène politique de ce pays et les médias
s'en seraient donné à coeur joie. En procédant ainsi, les autorités algériennes
sont tacitement en train de dévaloriser toute la formation universitaire. En
plus, ils mettent également en doute toutes les compétences locales qui ont été
marginalisées à cause justement de ces mesures injustes et inacceptables.
Comble de cette ambiguïté, le décret a été publié suite au rapport du ministère
de tutelle comme l'indique précisément le texte. C'est ce qu'on appelle en
japonais se faire hara-kiri.
UN RÉGIME INDEMNITAIRE
SALVATEUR ?
Enfin, le décret présidentiel n°07-304 du 29
septembre 2007 fixant la grille indiciaire des traitements et le régime de
rémunération des fonctionnaires est cité en avenant du décret d'août 2009.
Cependant, à la place de « régime de rémunération des fonctionnaires », les
rédacteurs du décret l'ont remplacé par « régime indemnitaire des
fonctionnaires ». S'agit-il d'une erreur de transcription ou d'une promulgation
prémonitoire des indemnités ? Attendons les prochaines péripéties du feuilleton
pour mieux voir.
(*) Enseignant à
l'université de Mostaganem et syndicaliste du CNES.
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Posté Le : 24/09/2009
Posté par : sofiane
Ecrit par : Mohammed Beghdad (*)
Source : www.lequotidien-oran.com